Le 22 juin 2021, nous organisions en partenariat avec l’ANDRA (Agence Nationale des Déchets Radioactifs) une conférence inédite. Le thème ? Comment penser le long terme et les grands enjeux d’avenir. Retrouvez ici un résumé des débats et le replay du webinaire.

À l’heure où l’on parle partout de rebâtir nos sociétés, de construire « le monde d’après », une question fondamentale se pose : comment penser l’avenir, le long terme, les générations futures ? Puisque les décisions que nous prenons aujourd’hui conditionnent ce que nous serons demain, il nous faut prévoir, anticiper les ruptures, les évolutions, les tendances de fond qui font transformer nos sociétés. Il nous faut savoir comment intégrer ces données de prospective dans nos décisions collectives.

C’est pour débattre de ces thématiques que nous organisions, le 22 juin 2021, un débat inédit en visio-conférence, en partenariat avec l’ANDRA. Autour de la table : Yannick Blanc, haut-fonctionnaire, président de Futuribles International et spécialiste de la prospective, Eric Vidalenc, Chef du projet Prospective énergie ressources à l’ADEME et Jean-Michel Hoorelbeke, Senior Advisor for Foresight and Strategy à l’ANDRA.

Retrouvez le replay de l’évènement ici, ainsi qu’un résumé des débats.

Comment penser le long terme : mieux anticiper, mieux construire ensemble

Penser l’avenir aujourd’hui

La prise en compte de l’avenir n’est pas une spécificité de notre époque : toutes les sociétés humaines se sont inscrites dans leur évolution temporelle, pensant leur futur d’une façon ou d’une autre. Mais d’une certaine façon, la période contemporaine semble particulièrement propice aux interrogations sur le long terme. D’abord, parce que de nombreux enjeux nous poussent à nous projeter dans le futur. Réchauffement climatique et crise écologique, déchets radioactifs ou nouvelles technologies sont autant de problématiques qui s’inscrivent et nous inscrivent dans une évolution longue.

Et puis, notre rapport au temps évolue : là où les sociétés du passé s’inscrivaient dans une continuité longue entre le passé, le présent et l’avenir, nous nous pensons désormais le temps en termes de rupture. En quelques siècles, l’évolution très rapide de nos systèmes techniques, économiques et sociaux a accéléré la cassure avec les sociétés du passé. Elle a aussi créé de plus en plus d’interrogations sur l’avenir.

Résultat, nous sommes face à la nécessité d’institutionnaliser de plus en plus la prise en compte de l’avenir. Mais paradoxalement, nos société sont presque entièrement structurées sur des dynamiques rapides et court-termistes : élections, cycles économiques, vie des entreprises, tout se gère à l’horizon de quelques années au mieux. Mieux prendre en compte le long terme, c’est donc déconstruire une partie des logiques fondamentales de notre civilisation

La difficulté de la prospective

Mieux penser l’avenir, cela signifie aussi être capable d’anticiper. Mais faire de la prospective n’est pas un travail simple. D’abord le long terme recoupe des temps très différents. 2050 pour le climat, c’est déjà le long terme. Mais ce n’est pas le même long terme que celui des grandes évolutions technologiques ou sociales, qui structureront peut-être le monde sur plusieurs siècles. Ce n’est pas le même long terme que celui de nos déchets, physiques, chimiques ou radioactifs, qui affecteront la planète sur des milliers voire des millions d’années.

Identifier les évolutions sociales, économiques ou techniques, c’est aussi travailler avec l’incertitude, l’imprévu, parfois même l’imprévisible. Pour identifier les enjeux qui vont structurer l’avenir, et dégager les tendances de fond, il faut faire travailler ensemble des disciplines qui ne se parlent pas toujours : la sociologie, les sciences physiques et biologiques, la climatologie, l’économie…

Cela veut donc dire accorder des temporalités très différentes : celle de l’économie, qui raisonne en années ou en décennies au mieux, celle des sciences du climat, qui pensent des évolutions jusqu’à des siècles, ou celle la physique, qui pense des évolutions sur des milliers voire des millions d’années, comme dans le cas des déchets radioactifs.

La dimension politique de l’avenir

Enfin, penser l’avenir, c’est aussi l’inscrire dans le présent, c’est-à-dire dans les décisions que nous prenons aujourd’hui. Il s’agit alors d’inscrire dans nos débats politiques et sociaux la prise en compte du long terme et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’exercice n’est pas simple. C’est le cas en particulier lorsque l’intégration des enjeux de long terme entre en contradiction avec les préoccupations du court terme. La taxe carbone, mécanisme supposé permettre la prise en compte à long terme des évolutions climatiques, a ainsi cristallisé les frustrations économiques du présent.

L’enjeu est alors d’instaurer collectivement un véritable apprentissage collectif autour des sujets d’avenir et de leurs enjeux. Co-construire collectivement les décisions en lien avec le futur, avec les citoyens, les institutions politiques et les différents acteurs sociaux, sur le modèle de la Convention Citoyenne, pourrait être une manière de créer cet apprentissage. Et au centre de cet apprentissage, il faut intégrer la notion de réversibilité : les décisions que nous prenons aujourd’hui pèseront-elles sur les générations futures ? Pourront-ils eux-aussi agir et modifier leur destin ?

Penser notre avenir c’est aussi laisser l’opportunité aux sociétés de demain de penser le leur.