Comment les Français perçoivent-ils le traitement de l’information sur le climat et la biodiversité par les médias français ? C’est le sujet d’un nouveau rapport de la Fondation Descartes, qui révèle que les citoyens cherchent une information plus pédagogique, centrée sur des solutions concrètes afin de lutter contre la crise environnementale.

On connaît déjà les relations compliquées qu’entretiennent les Français avec les médias. Dans son baromètre de 2022 pour le journal La Croix, Kantar – onepoint a démontré que l’intérêt des Français pour l’actualité et leur confiance envers les médias était à son plus bas pour cette 35ème édition. Seules 44% des personnes interrogées estiment « que les médias fournissent des informations fiables et vérifiées ». Et le traitement de l’environnement dans l’actualité ne déroge pas à la règle.

Une récente étude publiée le 28 novembre 2022 par la Fondation Descartes révèle que les Français sont également critiques de la manière dont les médias traitent les enjeux climatiques et environnementaux. L’envoi d’un questionnaire à 2000 participants, représentatifs de la population française, aura permis de dresser un état des lieux de la réception médiatique de la crise environnementale.

Un intérêt de plus en plus marqué pour la crise climatique

En France, il est attendu dans les prochaines décennies que les événements climatiques extrêmes (canicules, feux de forêt, submersions inondations), soient plus récurrents et plus violents selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Mais lors de l’été 2022, les citoyens français ont pu avoir un avant-goût des potentielles répercussions du réchauffement climatique sur les populations, leur santé et les infrastructures.

Cela a sans doute participé au fait que les Français s’éveillent à la crise environnementale progressivement. Selon la Fondation Descartes, seuls 2 % d’entre eux considèrent que nous ne vivons pas du tout un changement climatique global, et 5,1 % pensent que nous ne vivons « probablement pas » une crise climatique. Pour le reste, les Français restent en grande majorité conscients des répercussions néfastes du réchauffement climatique, et sont de plus en plus nombreux à être exigeants quant au traitement de cet enjeu.

Le climat, un sujet complexe qui intéresse

Dans le panel de l’étude, près de la moitié des personnes, qui se revendiquent principalement de la gauche politique, ont affirmé être très, voire extrêmement intéressées par « l’information et l’actualité sur le changement climatique ». Parmi les sondés, ils sont 40,3% à consulter de façon hebdomadaire ce type d’informations, et 20,2% certifient le faire quotidiennement. Encore aujourd’hui, les médias généralistes, nationaux comme régionaux, restent les supports privilégiés par les Français (47,5%) devant les discussions avec les proches (27%) et les réseaux sociaux (19,4%).

Mais la confiance s’érode rapidement lorsque l’on parle d’environnement. D’abord, une minorité, tout de même conséquente (18,1%) considère que le sujet du changement climatique est trop traité dans le média. Pour le reste, près de 3/4 des sondés estime que les médias manquent de rigueur et de pédagogie dans leurs productions journalistiques. La crise climatique existe pour ces individus, mais ils sont fatigués de lire, écouter, voir les résultats néfastes du réchauffement climatique (fonte des pôles, feux de forêt, inondations…). Ils souhaitent plutôt recevoir des solutions concrètes pour ce sujet complexe, structurel et interdisciplinaire. En d’autres termes, la majorité des individus veulent une information moins axée sur les conséquences du réchauffement climatique, et plus sur les solutions et les leviers d’action.

Les Français sont aussi critiques de la manière dont les médias traitent des questions écologiques. Mais selon leur degré de connaissances des enjeux climatiques et leur positionnement politique, les citoyens ne font pas les mêmes critiques aux médias. Pour les personnes les plus intéressées par les questions climatiques, les médias ne font pas un traitement assez rigoureux et précis des enjeux climatiques. Au contraire, pour les personnes les moins au fait des enjeux climatiques, et pour les moins diplômées ainsi que les personnes positionnées à droite et surtout à l’extrême droite de l’échiquier politique, c’est le côté « militant » et « orienté » qui est dénoncé.

Une opposition nette se dessine donc entre une gauche politique plus intéressée par les enjeux environnementaux, et une droite plus méfiante envers les médias, et plus généralement moins experte des enjeux liés au réchauffement climatique. Un constat relativement logique, puisque l’écologie est depuis les années 1960 devenue un combat important de la gauche française. À l’extrême droite, au contraire, mis à part quelques réseaux d’intellectuels restreints, la prise en compte des enjeux écologiques reste faible, comme le soulignait récemment Antoine Dubiau dans son livre Écofascismes (Édition Grevis).

Provoquer l’acceptation des mesures en faveur du climat

Ce clivage est également visible quand on s’intéresse aux rapports qu’entretiennent les citoyens avec les mesures de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, d’après l’étude, ce sont les individus placés à l’extrême droite de l’échiquier, ou qui ne se considèrent pas comme politisés, qui ont le plus de difficulté à accepter les potentielles nouvelles mesures contraignantes (interdiction des vols courte distance, taxe carbone, coût du CO2 à la production de biens et de services), pourtant utiles dans la lutte contre le réchauffement climatique.

L’étude en conclut qu’un intérêt marqué pour l’information écologique facilite l’acceptation de ces mesures. La crainte des conséquences du réchauffement climatiques ou la perception des Français de leur propre empreinte carbone qui découlent de cet acte d’apprentissage sont des leviers importants pour la transformation des sociétés. En résumé : plus l’on est sensibilisés, plus l’on est prêts à agir pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique.

On voit donc à quel point l’éducation et la sensibilisation des citoyens aux enjeux climatiques et de biodiversité doivent être une priorité des politiques publiques et pour les médias qui sont les garants de la qualité de l’information. Les médias ont ainsi un rôle à jouer dans la transition écologique, en sensibilisant et en formant les citoyens. Mais derrière ce constat, il faut aussi voir que la question écologique reste une question éminemment politique, qui reste aujourd’hui mieux comprise par la gauche que par la droite et l’extrême droite. Un clivage de plus qui s’ajoute à cette transformation déjà complexe de notre société vers un futur plus écologique.

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