Que signifie le concept de « démondialisation » ? Quelles en sont les composantes ? Quelles réponses apporte la démondialisation en termes de développement durable ?

Définition de la démondialisation

La démondialisation est un processus économique qui propose une alternative au système globalisé actuel incarné par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Théorisé par le sociologue philippin Walden Bello, puis développé par des économistes et penseurs influents dont Jacques Sapir et Edgar Morin, le concept promeut un modèle qui donne la priorité à la production à destination des marchés locaux, par opposition à un système qui privilégie la production dédiée à l’exportation.

Les adeptes de la démondialisation, dont les conceptions peuvent varier selon les tendances, s’accordent généralement sur un point fondateur : une critique radicale des principes du libre échange et de la déréglementation financière, responsables à leurs yeux d’une mise en concurrence délétère des économies et des travailleurs. Ils s’opposent en cela au mythe d’une « mondialisation heureuse » favorable au développement des pays émergents, et considèrent que la globalisation et son cortège de dérégulations portent atteinte à terme à l’ensemble des parties prenantes, avec de surcroît des préjudices environnementaux rédhibitoires.

Démondialisation : les différents paramètres du concept

Avec des variantes et des ordres de priorité qui diffèrent en fonction des substrats idéologiques et contextes politiques, la notion de démondialisation s’articule autour de quelques idées-forces complémentaires :

  • Mise en place de mesures protectionnistes raisonnées : il s’agit d’établir des règles douanières circonstanciées et proportionnées, visant à une protection réelle des économies nationales et régionales et à un meilleur équilibre concurrentiel en faveur des économies les plus fragiles.
  • Relocalisation de la production : l’objectif n’est pas d’instaurer un « chacun chez soi avec ses propres produits » exclusif et radical, mais de mettre fin, par des mesures raisonnées et négociées, aux délocalisations sauvages qui ont sinistré des bassins industriels entiers, ainsi qu’à l’aberration écologique du transport de marchandises sur des milliers de kilomètres entre bassins de production et de consommation.
  • Régulation et contrôle de la finance mondiale : mettre en place un cadre international plus coercitif, afin d’empêcher les dérives du capitalisme financier qui ont notamment conduit à la crise de 2008.

À noter que les perspectives de mise en application de ces principes font l’objet de controverses parmi les promoteurs de la démondialisation, notamment en Europe vis-à-vis de l’euro. Elles sont par ailleurs exploitées par les souverainistes extrémistes de tous bords qui en détournent les tenants et les aboutissants.

Démondialisation : avantages et limites

Les avantages et les inconvénients de la démondialisation regroupent pour beaucoup ceux de la mondialisation, par effet miroir. Pour durcir le trait : les avantages de la démondialisation sont d’atténuer les inconvénients de la mondialisation, mais ses défauts sont d’en limiter certains avantages.

Inconvénients de la démondialisation

Une grande partie de nos systèmes sociaux et économiques reposent aujourd’hui sur des processus mondialisés. Par exemple, la finance mondialisée permet une circulation libre des flux financiers à travers le monde, ce qui tend à permettre au système économique de bénéficier d’une plus grande source d’investissements. La mondialisation du système économique permet également aux acteurs économiques de bénéficier des avantages comparatifs des différents pays du monde, sans avoir à débourser de trop lourdes taxes douanières. C’est entre autre ce système qui permet aujourd’hui aux pays développés de bénéficier d’un pouvoir d’achat important, grâce à des productions réalisées à bas coût à l’étranger.

La démondialisation consiste à revenir (plus ou moins profondément) sur ces processus mondialisés et en ce sens, elle peut constituer un frein à certaines dynamiques économiques. La mise en place de mesures protectionnistes peut par exemple déclencher des mécanismes de guerre commerciale et mener à une hausse importante des prix à la consommation, voire à de l’inflation. C’est ce que l’on a pu observer à partir de 2019 entre les Etats-Unis et la Chine.

Pour éviter ce type de limites, les mécanismes de démondialisation doivent-être finement négociés entre les différentes parties prenantes, dans le but d’éviter les effets de bord.

Avantages de la démondialisation

En revanche, la démondialisation peut dans certains comporter un certain nombre d’avantages. Par exemple, en relocalisant certaines productions, elle peut favoriser la résilience des chaînes de production économiques. Les systèmes de production ultra spécialisés qui prévalent dans un système mondialisé permettent en effet rarement de préserver des compétences et des industries localement, et tendent à concentrer certaines activités à certains endroits. Cette situation peut, en cas de crise, fragiliser les chaînes de production, comme on l’a vu lors de la crise de la maladie Covid-19, à propos de la production de masques par exemple.

Cela peut aussi permettre de maintenir certaines filières d’emploi, ainsi que de limiter les besoins en transport et en logistique.

La démondialisation à l’aune de la transition écologique

Les conséquences négatives de la mondialisation actuelle sur l’environnement sont multiples :

  • bilan carbone désastreux des transports de matières premières vers les bassins de production, puis de produits finis vers les bassins de consommation ;
  • normes environnementales et sanitaires minimalistes des pays de main d’œuvre à bas coût ;
  • destruction des écosystèmes au profit des implantations industrielles et/ou agroalimentaires…

À cet égard, les plus volontaristes des tenants de la démondialisation mettent en avant le concept de réindustrialisation verte, par lequel la réinstallation significative d’une partie des moyens de production sur les bassins de consommation ou à proximité, devrait s’accompagner de critères environnementaux stricts, au moins conformes aux stratégies de la transition écologique engagées par les pays concernés.

Le processus de démondialisation viendrait en cela conforter les objectifs d’une société plus verte visant à la mise en œuvre effective et pérenne des critères de lutte contre le réchauffement climatique formalisés par les COP successives. La perspective éventuelle d’une nécessité de rebattre complètement les cartes du « village mondial », liée à la crise de la maladie Covid-19, apporte aujourd’hui sa pierre particulière à un édifice qui reste largement à construire.