Publié le 27 octobre 2016
En Afrique, le numérique constitue désormais une composante majeure du développement social, économique et culturel. Un levier de progrès incontournable mais en même temps un choc qui bouscule des communautés où la tradition est un fondement sociétal. Entre coutume et modernité, l’éducation numérique des enfants devient un enjeu fort. Conscient de son rôle d’accompagnateur de l’évolution numérique, Orange développe le programme « A better internet for kids » (BIK), pour une responsabilité partagée entre l’opérateur, les parents et les différents acteurs d’un avenir numérique fructueux. L’éclairage d’Yves Boillot, Responsable de projets RSE et Marketing Responsable.
Internet est un phénomène à la fois global et diffracté. Cette machine de démultiplication universelle des échanges humains se nourrit de différences et de spécificités qu’un opérateur digital comme Orange se doit de prendre en compte. C’est pourquoi, fin 2015, le Groupe a mené un dialogue parties prenantes au Sénégal sur le thème « Internet et les enfants ». Plus d’une centaine d’entretiens (on line et physiques) et des dizaines de rencontres avec pouvoirs publics, enseignants, médias, associations, experts, parents… pour des enseignements très riches, instructifs et constructifs.
Qu’avez-vous appris à l’écoute de la société sénégalaise ?
Au fil de nos échanges dans les ministères, dans les écoles, dans les familles, etc., j’ai été frappé par le risque palpable de fracture générationnelle. Au Sénégal comme ailleurs en Afrique et en Europe, les jeunes sont fascinés par le numérique et veulent à tout prix y accéder. Nous voyons tous dans notre entourage combien les ados sont « accros » à leur mobile, aux réseaux sociaux et aux contenus sur Internet. Ils ont tendance à n’y voir que du positif alors que, dans le même temps, nombre d’adultes sont très inquiets des risques d’Internet sans pour autant en avoir eux-mêmes une pratique, ou sont encore très complexés en matière de numérique : ils ne maîtrisent pas ces technologies aussi bien que la génération des « digital native », et ont parfois le sentiment que cela remet en cause leur autorité. Cette fracture générationnelle est ressentie encore plus fortement en Afrique du fait de sa démographie : au Sénégal, plus de la moitié de la population a moins de 15 ans !
Y’a-t-il une « exception sénégalaise » sur ces questions ?
A terme, je ne pense pas qu’il y aura de grandes différences. L’Internet est universel, ce sont les contextes culturels qui engendrent des différences de perception des risques et des solutions à apporter. Comme partout dans le monde, suivant l’âge des enfants, les préoccupations des parents portent sur l‘exposition à des contenus illégaux ou inappropriés, les mauvaises rencontres, le harcèlement en ligne, et les temps de connexion. Au-delà de la problématique d’accessibilité à Internet qui se développe à grande vitesse chez les jeunes, un des enjeux plus spécifiquement sénégalais, voire africain, est d’ordre culturel : parce que les grands producteurs de services et contenus numériques sont encore très majoritairement concentrés aux Etats-Unis et en Europe, nombre d’adultes interrogés nous ont fait part de leur crainte de voir la jeunesse se détourner d’une identité régionale. Une autre spécificité sénégalaise réside dans l’attente énorme que les parents expriment vis-à-vis de l’apport d’Internet pour l’éducation et le futur de leurs enfants.
En tant qu’opérateur, que proposez-vous ?
Parce que nous ouvrons les portes du numérique à nos usagers, notre première responsabilité est d’accompagner parents et enfants dans les bons usages du numérique. C’est un message fort et clair qui nous a été adressé lors de nos rencontres avec les parties prenantes. Cela passe par la conception d’offres adaptées, des conseils pertinents à chaque étape du développement de l’enfant, et aussi la mise à disposition d’outils concrets : en fonction de l’âge de l’enfant, les solutions de contrôle parental permettent de bloquer l’accès des plus jeunes aux contenus inappropriés, ou de mieux piloter les temps et heures de connexion des adolescents. Cependant, ces outils sont limités dans leur efficacité et ne remplaceront jamais le rôle des parents et des éducateurs qui doivent être en capacité de développer la résilience de l’enfant face aux risques liés aux usages du numérique. Nous prenons également des initiatives pour mettre à disposition des jeunes des contenus éducatifs et culturels locaux.
Comment faire si les adultes eux-mêmes ne maîtrisent pas ces risques ?
Tout est affaire de sensibilisation et d’« empowerment » des parents, et aussi des enseignants lorsque les parents sont trop éloignés du numérique. Nous pouvons jouer un rôle moteur sur cette question à condition de rester à notre place légitime : ce n’est pas à un opérateur de télécom de dire aux parents comment éduquer leurs enfants, ni aux enseignants comment bâtir leurs cours ! En revanche, nous pouvons partager nos expertises et relayer auprès de nos usagers la parole des experts, celle des pouvoirs publics et du monde associatif. C’est dans cet esprit qu’Orange Sénégal a lancé des initiatives de sensibilisation telles que le « cours des mamans » avec une association locale, ainsi que la communauté Facebook « Better Internet for Kids », où Orange invite les adolescents eux-mêmes à devenir « coachs » numériques des bonnes pratiques sur Internet auprès des enfants. Nous travaillons sur d’autres projets, comme la déclinaison du « forum des parents » déjà lancé en France sur le site Bien vivre le digital. Nous pensons en effet que l’impact est beaucoup plus fort quand les parents discutent entre eux et s’entraident sur ces questions, comparent leurs expériences et s’échangent des conseils.
Paroles d’adultes
Extraits du Dialogue Parties Prenantes « Internet et les enfants » conduit au Sénégal fin 2015 :
- « Internet c’est comme un couteau, on peut l’utiliser pour éplucher un fruit ou pour tuer », un Directeur de collège banlieue.
- « C’est à nous parents de nous mettre à niveau sinon on sera forcément largué. On a une obligation par rapport à nos enfants », une membre de Yaay, la communauté des mamans au Sénégal.
- « L’accessibilité devrait être un droit, peu importe garçon ou fille, analphabète ou non », un responsable administratif municipal.
- « Les experts disent qu’il ne faut pas leur interdire ces outils mais leur apprendre comment les utiliser. Certains parents manquent de patience pour regarder avec les enfants quoi faire. II faut jouer avec l’enfants et l’accompagner », une membre de Yaay, la communauté des mamans au Sénégal.
- « Pour éduquer nos enfants, le cadre est indispensable, il y a des heures pour tout, travailler, jouer au foot, se connecter. Il faut cadrer tout ça, pour qu’il n’y ait pas un usage démesuré qui pourrait porter préjudice à son développement personnel et la nécessité de maintien du lien social », un chercheur en nouveaux médias.
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