Le réchauffement climatique a des conséquences dramatiques sur la production mondiale de café : rendements en baisse, zones moins propices à la culture du café, dégradation des conditions de production. Face à cela, la filière doit s’adapter.

Le café est une culture complexe et sensible. Le caféier ne pousse en effet que dans certaines conditions : il faut un climat subtropical pas trop chaud, ne descendant pas sous les 10-12 degrés, mais ne dépassant pas non plus les 30-35 degrés. Il faut également des conditions d’humidité spécifiques : des pluies régulières, bien réparties durant l’année, sans période de sécheresse, ni humidité trop abondante. Et pour les sols, il faut qu’ils soient fertiles, plutôt acides : sols volcaniques, sols sablo-limoneux…

Ces conditions, on ne les trouve pas partout : seulement sur une zone restreinte, entre le 25ème parallèle Nord et le 30ème au Sud, dans des espaces sub-tropicaux. Les principaux pays producteurs ? Le Brésil, le Vietnam, la Colombie, l’Indonésie ou encore l’Ethiopie. Le problème, c’est qu’avec le réchauffement climatique, la niche écologique dans laquelle le café peut être produit se réduit : les conditions climatiques et écosystémiques sont de moins en moins propices. Et à l’avenir, la production de café pourrait donc être menacée par les changements climatiques, obligeant la filière à s’adapter.

La production de café menacée par le changement climatique

Le rapport de synthèse du GIEC a à nouveau montré que le réchauffement climatique avait des conséquences dramatiques sur les équilibres du climat. Hausse des températures, augmentation de la fréquence des sécheresses, des incendies, des événements climatiques extrêmes, ou encore changements dans les régimes des précipitations sont des conséquences que l’on observe dès aujourd’hui, un peu partout dans le monde, et qui ne vont que se renforcer avec la hausse des températures moyennes. Bien évidemment, ces transformations climatiques affectent aussi les zones de production du café, et cette culture fragile n’en sort pas indemne.

Ces dernières années, des études ont ainsi montré que le réchauffement climatique augmentait la fréquence des anomalies climatiques dans les zones de production de café. D’autres ont mis en évidence que la productivité des caféiers risquait de baisser dans l’avenir, à cause d’une dégradation de la qualité des écosystèmes dans lesquels sont cultivés les caféiers. Plus exposées aux périodes de sécheresse, ou au contraire aux excès d’humidité, les zones de cultures seront aussi plus fragiles, notamment face aux maladies et aux ravageurs. Dans des écosystèmes moins résilients, il sera de plus en plus difficile de maintenir les rendements actuels de la production de café.

En fait, la carte mondiale de la production de café risque d’être profondément transformée : les zones propices à la production de café vont diminuer, de nouvelles zones pourraient apparaître…

Les zones de production du café transformées

Des chercheurs ont ainsi montré que la plupart des zones actuellement utilisées pour la culture du café risquent d’être fragilisées par le réchauffement climatique. En Afrique, la majorité des zones de production seront impactées négativement, mais aussi en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. En Amérique latine, on pourra sans doute cultiver du café plus au Sud qu’aujourd’hui, et à l’inverse, plus au Nord en Asie, peut-être jusqu’au Sud de la Chine.

Ci-dessous, une carte tirée d’une étude menée en 2022 dans la revue PLOS ONE permet de visualiser les zones qui devraient être plus ou moins propices à la culture du café en 2050 dans un scénario de réchauffement intermédiaire (RCP 4.5).

Source : Infographie de National Geographic grâce aux données Grüter, R., et al.

Globalement, la productivité des zones de culture devrait baisser, à cause notamment de l’instabilité climatique. La culture exigeante des caféiers risque d’être de plus en plus complexe à gérer dans un contexte où les variations climatiques (notamment liées aux phénomènes El Niño et La Niña) seront de plus en plus imprévisibles.

Le réchauffement climatique représente donc un défi considérable pour les producteurs de café. Pour faire face à la baisse des rendements, il va falloir se transformer radicalement, et notamment s’adapter à un climat changeant, et à des conditions de production dégradées.

Adapter la culture du café au réchauffement climatique

Le problème, c’est que la majorité des productions mondiales de café ont adopté des modes de production déconnectés des réalités environnementales. Naturellement, le café pousse dans des écosystèmes forestiers, ombragés, en compagnie d’autres arbres qui participent à la résilience de l’écosystème. Mais aujourd’hui, pour des questions de rendements à court terme, les plantations de café ont largement adopté le système de la monoculture intensive, au mieux ombragée, avec la présence d’une ou deux espèces d’arbres, au pire en plein soleil. Une étude de l’Université du Texas montrait ainsi qu’en 2014, moins d’un quart des surfaces de café cultivées étaient cultivées sous ombrage, et que la monoculture était désormais la norme.

La monoculture du café a l’avantage d’être très productive, mais elle est aussi moins résiliente que les modes de culture en agro-foresterie. Lorsque les températures montent, ou que les précipitations manquent, il n’y a par exemple plus de « tampon » écosystémique pour retenir l’humidité ou protéger les caféiers du soleil. La monoculture rend donc les cultures de café plus vulnérables aux changements climatiques et aux aléas climatiques.

Or pour faire face à un climat changeant, il faudrait revenir à des pratiques d’agro-foresterie, sous couvert forestier, intégrant une biodiversité spécifique qui protège contre les ravageurs, les maladies, ou les anomalies météorologiques. Les études scientifiques ont ainsi démontré que l’adoption de pratiques agro-écologiques et agro-forestières dans la culture de café ont de nombreux bénéfices environnementaux, sociaux, et même économiques, notamment pour les petits producteurs : cultures plus résistantes, plus résilientes, des revenus plus diversifiés localement, etc. Certaines études de terrain, au Brésil, ont même montré que l’agro-foresterie pourrait protéger les cultures de café de certains effets du changement climatique. Le problème, c’est que ces modes de culture signifieraient probablement une perte de productivité et de marges pour les grands groupes du café.

Agro-foresterie : accompagner les petits producteurs pour l’adaptation

Or, aujourd’hui, la majorité des producteurs de café mondiaux sont de petits producteurs (60 à 80% selon la Fondatin Fair Trade), dotés de peu de moyens, qui appliquent le cahier des charges imposés par les grands groupes mondiaux. Pour leur permettre d’adopter des pratiques plus écologiques, il faudrait donc une véritable volonté de la part des géants mondiaux du café… Et surtout, accompagner les petits producteurs dans leur transition et leur adaptation au réchauffement climatique.

Car réhabiliter une culture en agro-foresterie prend du temps, plusieurs années au minimum le temps de développer le couvert arboricole, de développer les compétences localement et de structurer des filières. Cela demande aussi des moyens, notamment financiers. Il faudrait donc mieux penser le partage de la valeur au sein de la filière, afin de donner aux petits producteurs les moyens financiers, humains, logistiques leur permettant d’investir dans des transformations structurelles.

Or, les grands groupes agro-industriels du secteur du café avancent très lentement sur cette question. Ça et là, les acteurs du secteur intègrent petit à petit les enjeux de l’agro-foresterie dans le cadre de leurs politiques RSE… Mais comme d’habitude, en l’absence de mesures contraignantes, les lignes bougent trop lentement, et il n’est pas encore question de remettre fondamentalement en cause la rente de la production de café ou les exigences de productivité.

La filière a pourtant tout intérêt à se transformer, que ce soit du côté des producteurs, des grands groupes et des consommateurs. Car la production de café telle qu’on la connaît aujourd’hui, ce café à bas coût, en monoculture, sera vraisemblablement bouleversée dans les prochaines décennies, comme beaucoup d’autres secteurs, par le réchauffement climatique.

Sources :

Bilen, C., et al. (2022). A Systematic Review on the Impacts of Climate Change on Coffee Agrosystems. Plants, 12(1), 102.

Gomes, L. et al. (2020). Agroforestry systems can mitigate the impacts of climate change on coffee production : A spatially explicit assessment in Brazil. Agriculture, Ecosystems & Environment, 294, 106858.

Grüter, R., et al. (2022). Expected global suitability of coffee, cashew and avocado due to climate change. PLOS ONE, 17(1), e0261976.

Jha, S., et al. (2014). Shade Coffee : Update on a Disappearing Refuge for Biodiversity. BioScience, 64(5), 416‑428.

Richardson, D., et al. (2023). Synchronous climate hazards pose an increasing challenge to global coffee production. PLOS Climate, 2(3), e0000134.

Siles, P., Cerdán, C. R., & Staver, C. (2022). Smallholder Coffee in the Global Economy—A Framework to Explore Transformation Alternatives of Traditional Agroforestry for Greater Economic, Ecological, and Livelihood Viability. Frontiers in Sustainable Food Systems, 6.

Photo de Rodrigo Flores sur Unsplash