Comment les déchets médicaux affectent-ils notre santé et l’environnement ? Tentons de mieux comprendre les risques liés aux déchets du secteur médical pour mieux gérer leur traitement…

« La santé environnementale est-elle l’avenir de la santé publique ? » questionnaient déjà en 2010 Joelle Le MoalDaniel EilsteinGeorges Salines dans leur livre Santé publique.

Si activités liées aux soins de santé permettent de protéger et rétablir la santé, ce n’est pas toujours le cas des sous-produits de ces activités, notamment des déchets.

Selon l’OMS, bien que 85% des déchets liés aux soins de santé sont comparables aux ordures ménagères, les 15% restants sont considérés comme dangereux et peuvent être infectieux, toxiques ou radioactifs. Et lorsque la fin de vie de ces déchets n’est pas réalisée dans des conditions adéquates, cela peut avoir des répercussions néfastes à la fois sur l’environnement et la santé humaine.

« S’il ne réagit pas rapidement, le système de santé pourrait paradoxalement contribuer à la dégradation de la santé de la population qu’il a pourtant pour mission de préserver » soulignait le rapport intermédiaire sur le secteur de la santé du Shift Project qui nous a inspiré un article intitulé « Comment décarbonner le secteur de la santé ? ».

Tentons de comprendre les risques associés à ces 15% de déchets dangereux, et de trouver des pistes d’amélioration de leur gestion.

Déchets liés aux soins de santé : des risques pour la santé humaine et l’environnement

Quels sont les déchets liés aux soins de santé ?

Hôpitaux, laboratoires, banques de sang ou encore établissements de soins pour personnes âgées produisent de nombreux déchets, très divers. On retrouve entre autres :

  • les déchets infectieux, par exemple les déchets de patients hospitalisés placés en isolement
  • les déchets anatomiques avec notamment les tissus, liquides corporels et organes du corps humain
  • les produits chimiques, par exemple les solvants utilisés pour des préparations de laboratoire, ou encore les métaux lourds présents dans des dispositifs médicaux comme le mercure dans les thermomètres.
  • les déchets radioactifs, qui concernent par exemple le matériel de radiothérapie

Il existe encore d’autres catégories de déchets présentant plus ou moins de danger : les produits pharmaceutiques, les déchets génotoxiques…

Déchets liés aux soins de santé : quels risques ?

D’après une étude conjointe de l’OMS et de l’UNICEF datant de 2015, seulement 58% des établissements de santé disposaient de systèmes adaptés pour éliminer les déchets liés aux soins de santé en toute sécurité. Il faut toutefois nuancer ces résultats puisque l’enquête portait sur 24 pays se situant uniquement sur le continent américain, en Afrique et en Asie du Sud-Est.
Ne sont pas pris en compte les établissements de santé européens, ce qui laisse supposer un pourcentage plus élevé d’établissements de santé compétents dans l’élimination des déchets liés aux soins de santé à l’échelle mondiale. On ne peut en effet nier les disparités entre pays développés et pays en voie de développement. 

Des déchets plus ou moins dangereux

Certains déchets en eux-mêmes présentent des risques s’ils ne sont pas traités correctement. On peut penser aux déchets infectieux qui représentent un réservoir de micro-organismes susceptibles d’infecter les patients hospitalisés, les personnels de santé et le grand public.
Les objets pointus ou tranchants peuvent également poser un problème. Bien que le nombre d’injections pratiquées avec des aiguilles et des seringues contaminées, c’est-à-dire déjà utilisées sur un patient infecté, a considérablement baissé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire ces dernières années, les injections pratiquées dans de mauvaises conditions d’hygiène et de sécurité entrainent plus facilement des infections au VIH, ou encore à l’hépatite B et C. 

La quantité moyenne de déchets dangereux par lit d’hospitalisation et par jour est de 0,5 kg dans les pays à revenu élevé et de 0,2 kg dans les pays à revenu faible, toujours selon l’OMS. Toutefois, il n’est pas rare que les établissements de santé des pays à revenu faible ne procèdent pas à une séparation des déchets dangereux et non dangereux, ce qui in fine augmente la quantité de déchets dangereux.

La question de l’élimination des déchets est un véritable enjeu de santé publique. Mais elle est également importante pour la préservation de l’environnement. 

Des risques selon le mode de traitement des déchets

Certaines méthodes de traitement des déchets entrainent des rejets dans la nature de substances chimiques ou biologiques dangereuses.

  • L’enfouissement des déchets
    Cette méthode peut avoir pour conséquence la pollution des eaux et la contamination de la biodiversité qui y vit. Par ailleurs, cette eau est parfois la même que celle utilisée pour l’eau de boisson et représente un risque pour ces personnes qui la consomment.
  • L’incinération
    Une incinération imparfaite (à ciel ouvert par exemple) ou l’incinération de matériaux inadaptés à ce mode d’élimination entraîne le rejet de polluants et de résidus de cendres dans l’atmosphère. « L’incinération de matériaux contenant du chlore peut produire des dioxines et des furanes, cancérogènes pour l’homme et qui ont été associés à divers effets néfastes sur la santé. L’incinération des métaux lourds ou de matériaux contenant une grande quantité de métal (en particulier du plomb, du mercure ou du cadmium) peut entraîner le rejet de métaux toxiques dans l’environnement » explique l’OMS. Seuls les incinérateurs modernes atteignant une température comprise entre 850 °C et 1100 °C et équipés d’un dispositif d’épuration des gaz d’échappement sont conformes aux normes internationales relatives aux émissions de dioxines et de furanes. Mais tous les pays n’en sont pas dotés…

Des risques liés aux mauvaises conditions de traitement des déchets

La fouille dans les décharges à ordures et le tri manuel des déchets dangereux dans les établissements de soins entraînent des risques supplémentaires. Ces pratiques sont courantes dans de nombreuses régions du monde, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les gens qui manipulent des déchets risquent de se blesser avec une aiguille et d’être exposés à des matières toxiques ou infectieuses.

Que dit la loi ?

Plusieurs conventions internationales régissent l’élimination des déchets dangereux.

On retrouve notamment la Convention de Bâle datant de 1989, dans le cadre du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Elle constitue le traité environnemental mondial le plus complet sur les déchets dangereux et autres. Elle vise à protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets néfastes résultant de la production, la gestion, les mouvements transfrontaliers et l’élimination des déchets dangereux et autres.

Il existe également des textes plus spécifiques comme la Convention de Stockholm datant de 2004, toujours dans le cadre du PNUE. Ce traité vise à protéger la santé humaine et l’environnement contre les produits chimiques hautement dangereux et durables, en limitant voire en éliminant leur production, utilisation, commerce, libération et stockage. La Convention traite également des sous-produits chimiques non intentionnels.

Chacune de ces Conventions compte plus de 180 pays membres.

Améliorer la gestion des déchets

Un rapport de l’OMS révèle qu’en 2016, l’environnement a été responsable de 24% de la mortalité mondiale.

Face à l’urgence et conscients de la nécessité d’agir, les Etats orientent peu à peu leurs politiques afin de réduire leur impact environnemental, parmi lesquelles se trouve l’élimination des déchets. Et la catégorie des déchets liés aux soins de santé est alors particulièrement concernée au regard de la dangerosité d’une partie d’entre eux.

Alors quelles sont les alternatives pour réduire l’impact lié à l’élimination des déchets ?

Les différents axes d’amélioration proposés par l’OMS

Les établissements médicaux produisent des déchets, qu’ils soient liquides ou solides. Certains sont dangereux et nécessitent un traitement spécifique. L’identification de la ou des propriétés dangereuses du déchet permet de caractériser le risque et d’orienter le déchet vers une filière adaptée. Et pour cela, les déchets produits par un établissement suivent un parcours type articulé autour de grandes étapes détaillées dans ce guide :

  • le tri
  • le conditionnement
  • l’entreposage
  • l’enlèvement
  • le transport
  • l’élimination

Dans ce cadre, l’OMS propose plusieurs axes d’amélioration qui reposent sur les éléments suivants :

Répartir les responsabilités

A travers un système organisé de répartition des tâches et des responsabilités, on facilite le bon fonctionnement de ce dernier. Il s’agit également de garantir l’allocation des ressources à la fois financières et matérielles pour manipuler et évacuer les déchets.

Sensibiliser

La sensibilisation permet d’informer sur les risques liés aux déchets de soins et aux pratiques permettant de garantir la sécurité. Elle peut être plus poussée en offrant une véritable formation aux bonnes pratiques de gestion des déchets liés aux soins de santé : identification des déchets dangereux, classification, élimination en toute sécurité en choisissant la méthode la plus adaptée, etc).

Développer d’autres solutions

Il s’agit de faire le choix de solutions sûres et respectueuses de l’environnement pour protéger des dangers les personnes qui manipulent, stockent, transportent, traitent ou éliminent les déchets. Des alternatives peuvent être envisagées et développées lorsque l’incinération ou l’enfouissement par exemple ne sont pas des méthodes appropriées. L’OMS cite par exemple l’autoclavage, le traitement par micro-ondes ou le traitement par la vapeur associé au broyage interne, ou encore le traitement chimique.

Des améliorations qui se feront sur le long terme, et avec le nécessaire soutien des autorités locales.

Le modèle des 3R : Réduire, Réutiliser, Recycler

Réduire la proportion de Déchets d’Activités de Soin à Risque Infectieux (DASRI)

Le PTEF pour Plan de Transformation de l’Economie Française vise à « proposer des solutions pragmatiques pour décarboner l’économie en favorisant la résilience et l’emploi » et est élaboré par le Shift Project. Ce dernier prévoit notamment de réduire la proportion de DASRI. De quoi s’agit-il ?

Ce sont les Déchets d’Activité de Soins à Risque Infectieux. Considérés comme dangereux, ils ne peuvent en aucun cas être recyclés et doivent doiven bénéficier de conditions de tri, conditionnement, stockagen collecte, transport et élimination bien spécifiques, définies, pour la France, dans l’arrêté du 7 septembre 1999 et ses révisions successives.

Ces étapes très réglementées représentent un surcoût environnemental et financier, car il doit être effectué par un prestataire agréé et dans des conditions strictement définies. D’après le rapport du Shift Project, en moyenne, l’incinération d’une tonne de DASRI émet 934 kg CO2e alors que l’impact d’une tonne de déchets ménagers en émet près de trois fois moins, de l’ordre de 362 kg CO2e.

Mais pour réduire la proportion de DASRI, encore faut-il que ces consignes soient connues de tous et suivies. Un défaut auquel le PTEF compte pallier à travers la création de formations pour le tri de ces déchets.

Soutenir l’usage de matériel médical réutilisable

La pandémie de Covid-19 a exacerbé l’usage de dispositifs à usage unique et/ou en plastique dans le secteur de la santé : masques, blouses, gants, visières de protection, etc. Ils sont souvent mal triés et pas recyclés. Ces déchets sont souvent enfouis ou incinérés, ce qui est source d’émissions importantes de CO2, gaz et cendres toxiques, entre autres.

Il s’agit donc de développer des alternatives lorsque cela est possible, notamment
-le tissu et le métal comme matériaux plutôt que le plastique
-des filières de tri, d’identification des dispositifs utilisés, de comptabilisation de leurs utilisations successives, la création de filières de stérilisation et de nettoyage plutôt que l’enfouissement ou l’incinération

Selon le rapport du Shift Project, « Décarbonons la santé pour soigner durablement, « des études internationales ont montré l’énorme bénéfice carbone et financier que le secteur de la santé (dont l’État) tirerait du développement d’un écosystème national de dispositifs médicaux réutilisables. Mais les établissements et les professionnels de santé libéraux ne peuvent pas à eux seuls inverser la tendance. Les pouvoirs publics doivent l’impulser et aider les entreprises françaises à concevoir, fabriquer, distribuer, nettoyer et recycler en circuit court les dispositifs médicaux. »

Développer les filières de recyclage des objets jetables

Autre possibilité : le recyclage. Même s’il faut reconnaitre que le recyclage n’est pas en lui-même une activité zéro-impact écologique, il permet de développer l’économie circulaire et limite les émissions de CO2.

Les établissements de santé produisent des déchets spécifiques pour lesquels les filières réglementaires de recyclage ne sont pas toujours de mises en place. C’est le cas pour le métal au bloc opératoire (ciseau, scalpel, lame de laryngoscope, etc.), les plastiques (PET, polypropylène avec les masques et blouses à usage unique) ou encore le verre médical.

La mise en place de filières innovantes spécifiques aux établissements de santé permettrait de recycler les déchets, au moins partiellement, selon leur nature. Le Shift project propose par exemple la collecte par un éco organisme des médicaments grâce à une filière responsabilité élargie du producteur, ou encore solutions industrielles pour une collecte du plastique en multiflux.

Santé publique et santé environnementale sont donc étroitement liées et une meilleure gestion des déchets liés aux activités de soin doit faire partie des plans d’action des Etats à travers le monde.

Photo by Diana Polekhina on Unsplash

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