La biodiversité continue inlassablement de s’effondrer, rappelle le nouveau rapport du WWF « Planète Vivante ». Mais même si la marche est encore immense pour inverser la tendance, tout n’est pas encore perdu. La conservation des écosystèmes et la transformation radicale de nos systèmes alimentaires, énergétiques et financiers sont indispensables pour la survie des espèces.
« 73 % des vertébrés sauvages ont décliné depuis 1970 », alerte le WWF (Fonds mondial pour la nature) dans son rapport 2024 « Planète vivante ». Tous les deux ans, l’organisation internationale dresse le bilan du déclin de la population de vertébrés au moyen de l’Indice Planète Vivante (IPV) que le WWF affine depuis les années 2000. Mais pour Véronique Andrieux, directrice générale du WWF France, il est maintenant temps de passer à une nouvelle étape de la transformation de notre société, « l’heure n’est plus à la demi-mesure : nous devons agir massivement et immédiatement pour protéger ce qui peut encore l’être et restaurer ce qui a déjà été abîmé », comme elle l’explique dans un communiqué.
La biodiversité (toujours) en déclin
Car, le constat reste globalement le même à chaque nouvelle édition. L’état de santé des écosystèmes ne cesse de se dégrader. « L’IPV et les autres indicateurs révélant le déclin de la nature sont une vérité qui dérange. Nos efforts de conservation des espèces et des écosystèmes n’ont pas été à la hauteur des pressions incessantes à l’origine de leur déclin », dénonce le WWF. Parmi les 5 495 espèces de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens, suivies par l’indicateur, les populations d’eau douce sont les plus menacées, avec une baisse de 85 %, une diminution de 69 % pour les espèces terrestres et de – 56 % pour les espèces marines.
C’est en Amérique latine et dans les Caraïbes que le déclin est le plus marqué. Les espèces endémiques de ces régions sont particulièrement vulnérables à la perte de leur habitat, et aux autres menaces telles que le changement climatique, la surexploitation, les pollutions, les espèces invasives et les maladies. Les autres régions ne sont pas pour autant épargnées. L’Afrique, l’Asie et le Pacifique voient également une partie de leurs populations de vertébrés s’éteindre.
C’est en Europe, en Asie centrale et en Amérique du Nord que les populations de vertébrés ont le moins diminué, « mais seulement parce que des impacts à grande échelle sur la nature étaient déjà visibles avant 1970 dans ces régions : certaines populations se sont stabilisées, voire développées grâce aux efforts de conservation et à la réintroduction d’espèces », comme le rappelle le WWF.
Protéger différemment les écosystèmes
La création d’aires protégées est la méthode traditionnelle de conservation dans les régions. Il en existe près de 300 000 (réserves naturelles, parcs nationaux, réserves aux usages durables) qui couvrent 16 % des terres mondiales et 8 % des océans. Mais si les aires protégées ont montré des bénéfices nets sur les écosystèmes, leur répartition demeure très inégale et leur couverture trop insuffisante pour enrayer le déclin de la biodiversité.
En outre, cette protection localisée est dans une certaine mesure totalement inadaptée aux réalités sociales, économiques et environnementales de certains territoires, à l’instar des territoires des peuples autochtones et de communautés « qui les gèrent de manière durable depuis des décennies », souligne le WWF. Un quart des terres dans le monde sont détenues, gérées et/ou occupées par des peuples autochtones.
Afin de répondre à ces enjeux, le Cadre mondial de la biodiversité (CMB), adopté en 2022 lors de la COP de Kunming à Montréal, propose le développement de nouveaux outils, tels que des « aires conservées », autrement appelées « Autres Mesures de Conservation Efficace par Zone » (AMCEZ). Ces zones n’ont pas pour objectif principal la conservation de la biodiversité, les acteurs présents sur ces territoires doivent, dans un cadre de gouvernance démocratique et de gestion équitable, s’assurer de la préservation des écosystèmes. Une manière de rendre plus acceptables aux yeux des populations locales les mesures environnementales de cette nature, et qui doit par ailleurs participer à réduire les formes d’ingérences et de coercition des pays développés sur ces peuples. Car, les politiques « environnementales » mènent parfois à des violences et à l’expulsion pure et simple de leurs terres des populations locales comme c’est le cas en Afrique explique ainsi l’historien de l’environnement Guillaume Blanc dans The Conversation.
L’importance de transformer nos systèmes de production
Mais au-delà de la conservation, la protection de la biodiversité nécessite surtout de s’attaquer « systématiquement aux principaux facteurs de perte de la nature », et donc de « transformer nos systèmes alimentaires, énergétiques et financiers », souligne le WWF.
L’ONG appelle ainsi à réorienter les investissements vers des modèles d’affaires et des activités qui ne sont pas préjudiciables aux écosystèmes. Cela implique notamment de tirer un trait au plus vite sur les énergies fossiles en finançant et en accélérant la transition énergétique. « Au cours des cinq prochaines années, nous devrons tripler les énergies renouvelables, doubler l’efficacité énergétique, électrifier 20 à 40 % des véhicules légers et moderniser les réseaux énergétiques », complète le rapport.
Le WWF plaide par ailleurs pour « une transition ambitieuse » de l’agriculture vers l’agroécologie, et plus largement du système alimentaire vers des modèles de consommation plus durables et sains pour la santé. Pour l’organisation internationale, une meilleure distribution des denrées alimentaires, la réduction du gaspillage et la généralisation dans les sociétés d’une alimentation moins carnée et moins chargée en graisses et en sucres sont nécessaires au maintien des espèces.
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Des investissements toujours très insuffisants
« Pourtant, alors qu’il est plus qu’urgent de transformer en profondeur notre modèle de production et de consommation, on assiste, incrédules, au détricotage des avancées obtenues en Europe et en France », constate Véronique Andrieux. Pour la Directrice Générale du WWF France, les budgets alloués par l’État français à la protection de l’environnement ne reflètent pas les besoins nécessaires. « Malgré les propositions chiffrées du WWF pour stopper les subventions dommageables à la nature et encourager des alternatives viables, l’État persiste à mal dépenser et à mal prélever », regrette-t-elle.
Illustration : Photo de Bernd 📷 Dittrich sur Unsplash