Chaque semaine, Youmatter traite l’actualité en brèves. A l’occasion de la COP16 on fait un focus sur la biodiversité. On y parle crise de l’eau, subventions néfastes à la nature, déforestation mais aussi de l’appel à mobilisation des entreprises, des outils disponibles et des événements à venir. Et pour ne rien rater, abonnez-vous à notre newsletter Mutation(s) qui paraît chaque mardi !
Le fil de l’actu
🌲Les forêts françaises sont de plus en plus affectées par le changement climatique. Si la surface forestière augmente en volume, les forêts sont en mauvais état : la mortalité des arbres a doublé en 10 ans et leur croissance ralentit, pesant sur leur rôle de puits de carbone, selon les résultats 2024 de l’Inventaire forestier national. En 2023, ces puits de carbone n’ont quasiment rien absorbé. Et c’est catastrophique🚱En France 71% des métabolites de pesticides à risque pour l’eau potable, soit 56 molécules, n’ont jamais été suivies dans les eaux souterraines ou l’eau potable, selon Générations futures. 🍂 Entreprises, engagez vous à « placer la régénération des sols et les pratiques agricoles régénératrices au cœur de [vos] stratégies et de [vos] modèles d’affaires » : c’est l’appel du World living Soil forum ouvert à signature pour les entreprises mais aussi les collectivités ou particuliers ! 🐋 Paul Watson, le défenseur des baleines, actuellement derrière les barreaux au Danemark, a demandé l’asile politique en France 🪶 Fini les plumes ! Les canards et les oies seront désormais épargnés par H&M qui a décidé de se tourner vers le duvet synthétique ou recyclé après une campagne de PETA et des résolutions d’actionnaires. 💊Et si les médecins privilégient la prescription d’un bol de nature aux antidépresseurs ? C’est l’idée originale de la campagne A Prescription for Nature de la branche anglaise du WWF. Car oui, c’est prouvé : 20 minutes de nature par jour, cela fait du bien à notre santé mentale. Zou, on file au jardin ! 🌱
La disponibilité de l’eau douce pourrait être compromise dans les prochaines années
« Le monde est confronté à une catastrophe hydrique croissante. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le cycle hydrologique est déséquilibré, ce qui compromet un avenir équitable et durable pour tous », alerte le GIEC de la biodiversité dans un rapport publié en amont de la COP16 et de la COP29 pour le climat. « Des décennies de mauvaise gestion collective et de sous-évaluation de l’eau dans le monde ont endommagé nos écosystèmes terrestres et d’eau douce et permis la contamination continue des ressources en eau. Nous ne pouvons plus compter sur la disponibilité de l’eau douce pour notre avenir collectif », précise le rapport. Si l’on ne fait rien, cette crise menace plus de la moitié de la production alimentaire à horizon 2050. Cela pourrait également faire baisser le PIB mondial de 8% avec une incidence plus forte dans les pays pauvres (-15%). Aujourd’hui déjà près de 3 milliards de personnes et plus de la moitié de la production alimentaire mondiale se trouvent dans des zones où le stockage total de l’eau devrait diminuer.
Un tiers des eaux de surface européennes en bonne santé écologique
Seulement un tiers des eaux de surface est en bonne santé écologique en Europe, selon un rapport de l’agence européenne de l’environnement (AEE). Les nappes phréatiques, d’où proviennent la majorité de l’eau potable, s’en sortent mieux (77%) mais nous avons besoin d’une meilleure résilience de l’eau, alerte l’autorité environnementale. C’est l’agriculture qui exerce la pression la plus importante sur la ressource via à la fois l’utilisation de l’eau et sa pollution (nutriments et pesticides), avec une incidence à la fois sur les eaux de surface et les eaux souterraines. « En l’absence d’une modification de ses pratiques, la demande liée à l’agriculture irriguée risque d’augmenter avec le changement climatique », précise l’AEE.
L’équivalent de 2,5% du PIB mondial dépensé en subventions néfastes à la biodiversité
2 680 milliards ont été dépensées en subventions néfastes à l’environnement par les Etats, pour la seule année 2023, estime une étude publiée par Earth Track. C’est environ 2,5% du PIB mondial. Ce qui est inquiétant, c’est que cette nouvelle estimation est supérieure d’environ 800 milliards de dollars à celle d’il y a deux ans, soit environ 570 milliards de dollars de plus après déduction de l’inflation. « Cette augmentation s’explique par des données améliorées (ex: premières estimations pour la production minière et plastique non énergétique) ainsi que l’augmentation des subventions, en particulier pour les combustibles fossiles », note l’étude. La cible 18 de l’accord de Kunming Montréal, l’équivalent de l’accord de Paris sur la biodiversité vise à réduire ces subventions de 500 milliards de dollars d’ici à 2030 mais ce montant n’est pas indexé sur l’inflation, déplorent les auteurs. Cette cible fait par ailleurs peu l’objet de mesures dans les premières stratégies et cibles reçues de la part des Etats dans le cadre de la COP16.
En France, le montant des subventions publiques dommageables à la biodiversité a lui été chiffré à 10,2 Mds €, soit plus de 4 fois plus que les dépenses favorables. Ces subventions concernent surtout les aides à des pratiques agricoles dommageables (6,7 Mds €, notamment pour la PAC) et celles favorisant l’artificialisation des sols (2,9 Mds €).
La France attaquée en justice pour autoriser le chalutage dans des aires marines protégées
Bloom et Client Earth attaquent la France en justice pour le chalutage dans les aires marines protégées (AMP) de la Méditerranée. Les ONG ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Paris pour que « la France respecte enfin les lois visant à protéger la Méditerranée », expliquent-elles dans un communiqué. Aujourd’hui, la France autorise encore des méthodes de pêche très destructrices comme le chalutage de fond dans les AMP de la Méditerranée. Cela est pourtant interdit à l’échelle européenne. Ces zones abritent en effet des habitats aussi précieux pour la biodiversité marine que vulnérables (ex : prairies marines et récifs coralliens). Le recours intervient après une demande administrative déposée par les ONG en début d’année – mais restée sans réponse- pour exiger que la France abroge trois décrets autorisant le chalutage dans certaines AMP françaises où il devrait être interdit. Pour les ONG, « une victoire créerait un précédent indispensable pour les zones protégées vulnérables de l’ensemble de l’UE ». Selon une étude, plus de 80 % des AMP sont inefficaces, car elles n’offrent qu’une protection marginale contre les activités industrielles telles que ces pratiques de pêche.
La dégradation de la biodiversité pèse sur la dette souveraine
D’ici 2050, un scénario de statu quo pourrait entraîner une baisse annuelle du PIB mondial de 0,67 %. Or, Cette dégradation du PIB pourrait affecter la valorisation des obligations souveraines, via l’évolution des soldes des comptes courants, des taux de change ou des recettes fiscales. A l’inverse, les pays qui travaillent activement à stopper ou inverser la perte de la nature pourraient voir leur solvabilité s’améliorer à mesure que les actifs naturels deviennent plus rares et plus précieux, souligne une étude de AXA Climate en partenariat avec le London Stock Exchange Group.
Lutte contre la déforestation : la filière soja à la traine
Alors que la date de mise en œuvre de la réglementation européenne sur la déforestation importée est toujours incertaine, l’association Canopée publie une analyse de la conformité d’une vingtaine d’entreprises (négociants et industriels) des filières de l’huile de palme, du cacao et du soja, soit 80% des importations à risque de déforestation. On y voit que la filière d’huile de palme – responsable d’environ 30% de la déforestation en Indonésie entre 2002 et 2016, est aujourd’hui plutôt en avance avec des grandes entreprises comme Unilever, Mondelez ou Nestlé qui sont approvisionnés à plus de 95% par de l’huile de palme responsable. Canopée calcule ainsi que 81% du volume de palme évalué est sans déforestation. La filière cacao (responsable d’une partie de la déforestation de 90% du couvert forestier de la Côte d’Ivoire) est elle plus hétérogène et globalement bien moins avancée: 47% seulement du volume étudié est considéré comme sans déforestation et la transparence des entreprises est également moindre. Quant au soja, la filière est clairement « à la traîne » alors que celle-ci est responsable d’une déforestation majeure, notamment en Amazonie. Canopée donne un 0 pointé aux entreprises en termes de transparence et évalue le pourcentage de soja sans déforestation à 51% de la filière étudiée. Bref, il y a encore du boulot et pour Canopée, ce n’est pas une « question de technique » (de nombreux outils de traçabilité et de surveillance existent) mais de « volonté » de la part des entreprises.
Déforestation : le report du règlement européen, une chance pour les petits producteurs ?
C’est une défense du report visant la mise en application du règlement européen sur la déforestation importée (RDUE) à laquelle on ne s’attendait pas forcément. Dans un communiqué, la coopérative Ethiquable estime que le « report d’un an peut aussi être vu comme une opportunité pour les organisations de petits producteurs de se mettre en conformité sans risque de dépendance auprès de multinationales ». Aujourd’hui en effet les producteurs ou leurs organisations ne sont pas toujours propriétaires de leurs données et de leurs systèmes de traçabilité qui restent sous la propriété ou du moins sous le contrôle des grands donneurs d’ordre qui financent et/ou réalisent le géoréférencement des parcelles. Par ailleurs, « la Commission européenne n’a pas publié les règles et les modalités concrètes d’application, laissant des questions simples non résolues : quelles sont les zones déboisées après 2020 à considérer ? Qui réalise ces cartes de référence ? », souligne la coopérative.
Appel à la mobilisation des entreprises !
A chaque COP son appel ! Après celui de Business for Nature en septembre, la coalition d’entreprises appelant à une « transformation de nos modèles économiques, de nos politiques et de nos processus décisionnels » prend de l’ampleur. Dans un appel public, une cinquantaine d’associations, d’organisations professionnelles et de think-tank (WWF, We Mean Business, World Benchmarking Alliance, BFN, CDP, The Nature Conservancy…) y mentionnent notamment le rôle de secteurs économiques clés tels que l’alimentation et l’agriculture pour enrayer la dégradation de la biodiversité. Les coalitions demandent « instamment » aux États parties de la COP « d’accorder la priorité à l’intégration de la biodiversité et d’intégrer les diverses valeurs de la nature lors de la mise en œuvre de la Convention sur la diversité biologique, tant au niveau mondial que national ».
COP16 : quelle position de l’UE ?
Les Etats de l’Union européenne s’engagent à défendre l’adoption d’un « un processus solide, efficace, transparent et clair » pour évaluer la mise en œuvre du cadre mondial de Kunming Montréal sur la biodiversité lors de la COP16, indiquent les ministres de l’environnement de l’UE dans leur note de position. Ils appellent notamment le secteur privé (entreprises et financeurs) à se mobiliser et à agir pour atteindre les cibles fixées pour 2030, notamment via le renforcement de leurs contributions financières. Le document appelle plus largement à la construction d’une « bioéconomie durable pour l’Europe » (sustainable bioeconomy) permettant de » renforcer le lien entre l’économie, la société et l’environnement ».
Un événement pour les entreprises sur la biodiversité en novembre
Vous voulez en savoir plus sur les enjeux, les actions à mettre en œuvre et des retours d’expérience sur la biodiversité ? Rendez-vous le 13 et 14 novembre à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris. L’Office français de la biodiversité (OFB) y organise la 5e édition du Forum biodiversité et économie. Participation gratuite mais sur inscription.
Outil : une plateforme dédiée aux entreprises sur la biodiversité
A quelques jours de la COP16 sur la biodiversité qui se déroulera à Cali, Orée (Organisation pour le renouveau de l’économie par l’environnement) et l’OFB (Office français pour la biodiversité) lancent une nouvelle plateforme Entreprises et biodiversité pour aider les entreprises à quantifier leurs impacts sur la biodiversité, leur dépendance et bien sûr passer à l’action. La plateforme permet de s’évaluer et de trouver les outils adaptés par secteurs d’activité, par objectifs et périmètre d’action; de se mettre en relation avec d’autres acteurs; mais aussi de consulter toutes les ressources de références. Gros plus, elle est gratuite et validée par 24 partenaires et experts (OFB, Comité français de l’UICN, WWF France, LPO, Comité national biodiversité, Museum national d’Histoire naturelle) ainsi que des réseaux d’entreprises (C3D, Pacte mondial réseau mondial France…). Vous n’avez plus d’excuses pour ne pas agir !
Illustration : Canva