L’Azerbaïdjan, les Émirats Arabes unis et le Brésil, pays hôtes des COP climat passées, présentes et à venir se sont réunis sous la bannière de ce qu’ils appellent eux même « la Troïka ». Mais malgré leur discours affiché de décarbonation, ils continuent d’investir massivement dans les énergies fossiles, dénonce un rapport d’Oil Change International.
Ils forment la « Troïka » des présidences des COP du climat. L’Azerbaïdjan, pays hôte du 11 au 22 novembre 2024 de la COP29; les Émirats arabes unis (UAE), organisateurs de l’évènement l’an dernier; et le Brésil qui accueillera COP30 en 2025, se sont associés au lendemain de la COP28 afin de porter une nouvelle feuille de route « pour la mission 1.5 ».
Officiellement, cette alliance entre les trois pays hôtes vise à renforcer la coopération entre les pays et accélérer la décarbonation des économies afin de respecter les objectifs de l’Accord de Paris et ainsi garder la hausse des températures moyennes mondiales sous le seuil de + 1.5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Mais malgré un rôle diplomatique assumé par ces pays producteurs pour mettre fin aux énergies fossiles, la Troïka compte développer massivement ses propres infrastructures pétrolières et gazières, dénonce un récent rapport de l’ONG Oil Change International.
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Près d’un tiers des émissions carbone émises par les nouveaux projets pétroliers et gaziers approuvés pour 2024
La COP28 de Dubaï (UAE) s’était pourtant achevée sur une avancée certaine, parlant pour la première fois des énergies fossiles dans un texte de COP. « C’était le grand combat de la COP de Dubaï, celui d’obtenir, après une lutte difficile, un texte de compromis actant la nécessaire sortie des énergies fossiles. Ce qui n’est pas rien », rappelle Romain Ioualalen de l’ONG Oil Change International lors d’une conférence de presse organisée fin novembre 2024 par le Réseau Action Climat (RAC).
Pourtant, si le discours politique de la Troïka est de pérenniser cette dynamique, et de devenir au même titre que la France et sa COP21, des pays moteurs pour les politiques climatiques internationales, la réalité de terrain raconte une toute autre histoire. « Ce qu’on observe malheureusement, c’est un fossé béant entre la rhétorique des ministres qui se sont succédés lors de la COP28 en faveur de la sortie des fossiles, et ce que les pays font réellement chez eux », déplore Romain Ioualalen.
Le Brésil prévoit ainsi une hausse de 36% de sa production pétrolière et gazière pour 2035, les Émirats arabes unis de 34% et l’Azerbaïdjan de 14%. Selon Oil Change International, la Troïka représente une croissance de la production de 32% en 2035 par rapport au niveau de 2023 sur leurs industries nationales et près d’un tiers des émissions carbone émises par les nouveaux projets pétroliers et gaziers approuvés pour 2024.
Par ailleurs, l’empreinte carbone combinée sur les combustibles fossiles de la Troïka double si l’on tient compte des émissions de leur production exportée de pétrole et de gaz. Or celle-ci n’est pas comptabilisée dans leur contribution nationale remise à l’ONU, souligne l’ONG.
COP29 : un manque d’ambition marqué dans le monde pour réduire la production d’énergie fossile
« Ce qui est absolument clair dans tous les rapports scientifiques, que ce soit ceux de l’IAE (Agence internationale de l’Énergie, Ndlr) ou du GIEC, c’est que l’ouverture de nouvelles exploitations pétrolières, gazières et de charbon est totalement incompatible avec les objectifs de réduction de GES que se sont fixés les pays », alerte le chargé de campagne de l’ONG. Comme l’IAE le rappelle dans son état des lieux 2024 de l’énergie dans le monde, la production d’énergie fossile doit diminuer impérativement de 55% entre 2023 et 2035 pour rester sous le seuil des 1,5°C, soit une baisse de 45% pour la production de pétrole et le gaz, et de 72% pour le charbon.
« Cela pose un vrai problème de crédibilité de l’action politique sur le climat », estime Romain Ioualalen. Mais pour lui, la faute n’incombe pas seulement à ces trois pays. Elle revient avant tout aux pays riches (États-Unis, Canada, Australie) qui ne sont pas dépendants du pétrole et du gaz pour leur économie, qui ont les moyens techniques et financiers pour en sortir, mais qui n’engagent pas de réelle transition sur leur territoire national.
Montrer l’exemple lors de la COP29
« Tant que ces pays-là ne montrent pas l’exemple en prenant acte d’une sortie des énergies fossiles, il sera très difficile de convaincre les pays producteurs du Sud, dont l’économie dépend de ces industries, d’en sortir », complète-t-il. Or les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Norvège et le Royaume-Uni sont responsables de la moitié de l’expansion mondiale dans de nouveaux gisements prévus d’ici à 2050, souligne Oil Change International dans un autre rapport.
Pour l’ONG, il est néanmoins encore temps pour la Troïka de montrer l’exemple lors des deux prochaines COP en revoyant leur stratégie nationale de décarbonation. D’autant plus que la sortie des énergies fossiles est possible, même pour les pays producteurs du Sud. La Colombie, sous la présidence de Gustavo Petro, a annoncé en 2024 renoncer à tout nouveau projet de pétrole, de gaz ou de charbon. Ces industries représentent pourtant 10% du PIB de la Colombie.
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