Comment doivent se transformer les entreprises pour plus respecter la biodiversité ? Décryptage avec Marc-André Selosse, biologiste et professeur au Muséum d’histoire naturelle sur l’observation de la vie des sols qui était l’invité de la dernière conférence Le Sens et l’action du C3D, dont Youmatter est partenaire média.
Toute entreprise est « dépendante » à la nature : si ce n’est pas son activité directe, par l’énergie qu’elle utilise, la surface qu’elle artificialise, la nourriture qui alimente ses collaborateurs mais aussi l’imaginaire qu’elle véhicule dans ses publicités…rappelle le biologiste Marc-André Selosse à l’occasion d’une conférence le Sens et l’Action organisée par le Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D). « Nous (Humains), nous reposons sur une biodiversité fonctionnelle » et nos entreprises dépendent des « services écosystémique ». Pourtant, même si la Nature ne nous envoie pas de facture pour tout ce qu’elle produit, la société dans son ensemble paye le prix fort pour sa disparition.
Une biodiversité en sursis à cause des activités humaines
L’activité des entreprises est aujourd’hui l’une des principales menaces pour la biodiversité. L’urbanisation galopante, qui détruit chaque année en France l’équivalent de la surface de la ville du Havre, l’utilisation intensive de pesticides, et la transformation des milieux naturels en zones agricoles ou industrielles sont responsables de la disparition accélérée d’espèces. « Quand on surexploite (cette biodiversité), c’est 25 % des causes de disparition d’espèces, quand on change l’utilisation d’un milieu, par exemple en rebouchant les zones humides, c’est 30% des disparitions, quand on utilise des pesticides, c’est 14% des disparitions » énumère le botaniste de formation.
Ces pratiques affectent directement les services écosystémiques essentiels, comme la pollinisation ou la gestion naturelle de l’eau par les sols, rendant nos écosystèmes de moins en moins résilients face aux changements climatiques et environnementaux. Elles renient en quelque sorte également les mécanismes de diversité étant donné que plus d’espèces disparaissent à ce jour. Pourtant, ces « services », que la nature produit gratuitement et que l’Humanité s’est accaparée, dépassent les besoins naturels et vitaux. Ils servent plutôt l’agenda des entreprises qui voit davantage la biodiversité comme un « outil ».
Réduire l’impact : des solutions concrètes et collaboratives
Pour inverser cette tendance, les entreprises doivent repenser leurs modèles d’activité en intégrant des pratiques respectueuses de la biodiversité. « Par ses choix, l’entreprise peut être une solution pour la biodiversité », insiste le biologiste. Cela commence par un diagnostic précis de leur impact sur les écosystèmes mais aussi sur la santé des des collaborateurs et des riverains, estime-t-il. Ensuite seulement on peut explorer des solutions au-delà de l’entreprise. « Il ne faut pas forcément réinventer la roue. Il y a peut-être des entreprises qui ont déjà fait ça dans un bassin de production qui ont déjà eu des démarches semblables », précise Marc-André Selosse qui invite les entreprises à échanger entre elles sur le sujet.
Pour faire face à la complexité de certaines chaînes de production, le chercheur appelle à avoir recours aux compétences transversales chez des acteurs externes qui peuvent offrir une boussole pour décarboner son entreprise et avoir un impact limité sur l’environnement. Les entreprises peuvent ainsi concevoir des stratégies adaptées, et dépasser certaines initiatives finalement contre-productives, comme le principe de compensation qui se révèle souvent un outil de greenwashing.
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Sensibiliser et former pour changer les mentalités
Au-delà des actions immédiates, il est aussi crucial de sensibiliser le grand public à l’importance de la biodiversité. Des programmes éducatifs interdisciplinaires doivent être mis en place pour permettre aux citoyens de comprendre leur dépendance au vivant. « Il faudrait déjà avoir de vraies formations aux sciences du vivant. Que la génération suivante comprenne à quel point elle est dépendante de tout un tas de liens créés avec le Vivant », souhaite Marc-André Selosse. En apprenant, par exemple, comment la biodiversité des sols prévient les inondations et assure des récoltes en été, les jeunes générations seront mieux armées pour exiger et mettre en œuvre des solutions durables.
Pour lui, cet apprentissage devrait être réalisé dès le plus jeune âge et entretenu jusqu’à l’âge adulte. Cela permettrait de restaurer un lien émotionnel et pratique avec la nature est essentiel pour garantir un avenir vivable, où économie et écologie ne seront plus opposées, mais alliées.
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