Chaque mardi, Youmatter décrypte l’actualité de la RSE en brèves. Cette semaine on se penche sur l’indice de durabilité, les attributions des différents ministres en matière d’énergie, les futures actions du Collège des directeurs Développement durable (C3D) en 2025, le financement de la transition écologique…

Le fil de l’info

🥵C’est confirmé : 2024 marque la première année de dépassement du seuil de 1,5 °C de réchauffement climatique par rapport à l’ère préindustrielle selon Copernicus. Les catastrophes climatiques ont fait 11 000 morts, des dizaines de millions de déplacés et des centaines de milliards de dollars de dégâts économiques🔥Et 2025 commence fort : l’état d’urgence est déclaré en Californie. Des feux poussés par des vents violents ravagent Los Angeles depuis le 7 janvier. Parmi les quartiers touchés, les quartiers chics et mythiques d’Hollywood et Pacific Palisades…Un film catastrophe lié au changement climatique dont on commence à connaître le scénario et qui devrait être le plus cher de l’histoire californienne 🤑Le 10 janvier, les 1% les plus riches du monde ont déjà cramé leur part du budget carbone annuel mondial (quantité de CO2e qui peut encore être ajoutée à l’atmosphère pour rester en deçà des + 1,5°C), selon Oxfam🛢️ Quelques jours avant la passation de pouvoirs avec Donald Trump, Joe Biden a annoncé l' »arrêt permanent » de l’extraction du pétrole et du gaz au large de la côte Pacifique et du golfe du Mexique. Une décision prise au nom de l’envirronement qui reste surtout symbolique et qui devrait être dénoncée par le futur président. 🌴La déforestation passe au second plan des préoccupations du gouvernement indonésien : après 14 ans de moratoire sur l’expansion des plantations d’huile de palme, le président veut à nouveau accroître la production pour satisfaire la demande insatiable de ce produits utilisé pour l’alimentation, la cosmétique et les agrocarburants. Ces monocultures ont pourtant ravagé la biodiversité de l’île et sont sources d’émissions de gaz à effet de serre par la déforestation et la destruction des tourbières. ♻️Le SBF120 manque clairement de maturité dans la gestion des ressources et des déchets selon une étude menée par Urbyn sur 60 rapports annuels. Si près de 9 entreprises sur 10 y mentionnent l’économie circulaire, c’est essentiellement pour parler de recyclage alors que les modèles d’affaires circulaires de type « partage / fonctionnalité / service », ne sont évoqués que par 1 sur 10…🛜Les data centers consommeront 3 % de l’électricité mondiale d’ici 2030 (En 2024, c’était près de 1,4 %),selon une étude Deloitte. C’est l’équivalent de la consommation annuelle combinée de la France et de l’Allemagne. Alors qu’ils tournent à plein régime, dopés par l’intelligence artificielle, ils posent d’immenses défis environnementaux. En attendant, en France, le numérique représente 4,4% de l’empreinte carbone de la France (2022), juste un peu moins que les émissions totales du secteur des poids lourds.

Réseau : 106 nouveaux adhérents au C3D en 2024

Le Collège des directeurs développement durable, C3D, a attiré 106 nouveaux membres en 2024 (plus de 400 au total). Pour 2025, il entend bien continuer sur sa lancée avec une nouvelle association sœur. Baptisée « GenAct », celle-ci est pensée comme une « communauté des acteurs du régéneratif », qui accompagnera toutes les personnes « qui souhaitent participer activement à la transformation des entreprises », au-delà du cercle des directeurs RSE… Elle sera officiellement lancée le 26 avril à ChangeNow. Par ailleurs, après le 5ème module du Mooc C3D sur l’entreprise régénérative (réalisé par Youmatter), c’est un Mooc sur La performance immatérielle des entreprises avec Alexandre Rambaud qui sera mis en ligne par Sator à l’été 2025. La ligne du C3D reste la même : lors des vœux, son président Fabrice Bonnifet a dit vouloir « embrasser la prosperité sans croissance », sans technosolutionnisme. Il dit cependant craindre que « le backlash organisé par les organisations patronales mène à un back to the basics », autrement dit à des coupes sur les stratégies RSE…Il appelle à ce titre la Commission européenne à ne pas baisser ses ambitions sur les réglementations type CSRD qui doivent être réformées dans le cadre d’une réglementation omnibus fin février.

Organigramme : Com et RSE, un combo qui fleure un retour en arrière

A leurs débuts, les responsables RSE étaient souvent adossés à la Communication, avant de prendre leur envol. Pourtant, un mouvement inverse semble commencer à s’opérer. Après Coca-Cola où la responsable du développement durable est également chargée de la communication et des partenariats stratégiques, voici Unilever qui demande à sa responsable RSE (Rebecca Marmot) de reprendre la communication et les affaires publiques. Une vengeance de la RSE sur la Com ? Si certains observateurs comme Renaud Bettin, spécialiste de la décarbonation y voit une « bonne nouvelle » pour éviter le greenwashing et mieux rendre des comptes sur leur stratégie RSE, beaucoup y voient un retour en arrière. De fait, l’impulsion donnée par Paul Polman sur les questions de durabilité est détricotée par le nouveau directeur général d’Unilever, qui a revu en avril 2024 les objectifs ESG du groupe à la baisse. Une dynamique qui rappelle justement le rétropédalage de…Coca-Cola comme on l’expliquait dans cet article ! A voir ce qu’il advient mais la question sera de suivre si la RSE se rangera à la Com ou si elle prendra au contraire le lead sur les fonctions com, marketing et PR…en attendant celles de la finance, une fonction également de plus en plus couplée à la RSE.

Une CEC sur les océans se met en place

2025, c’est l’année de l’océan avec la Conférence des Nations Unies sur les Océans en juin à Nice. La protection des océans, majeure pour notre planète, est pourtant l’ODD (Objectif de développement durable) le moins travaillé par les entreprises. Pour remédier à cela, engagez-vous dans la CEC Océans ! Le parcours vise le maritime bien sûr, mais aussi la tech, la cosmétique, l’énergie, les déchets, la finance, la pharmaceutique, la construction, le textile, les collectivités, l’énergie, la plaisance, la pêche, le traitement de l’eau…Le kick-off est prévu le 22 janvier à Paris et le parcours de mars à décembre 2025. Pour en savoir + et candidater (objectif de 50 à 60 entreprises, de toutes tailles), c’est par ici !

Energie et climat : qui s’occupe de quoi au gouvernement ?

L’Énergie est de retour à Bercy mais comme le sujet est un peu (beaucoup) lié au climat, qui lui est resté à Roquelaure (au Ministère de la Transition Ecologique, MTE), ça n’est jamais très simple de savoir qui fait quoi. Les décrets d’attribution qui viennent d’être publiés clarifient un peu la chose : Marc Ferraci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, auprès du ministre de l’Economie et des Finances sera ainsi responsable de la politique de l’énergie « afin, notamment, d’assurer la sécurité d’approvisionnement et l’accès à l’énergie et, en associant la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, de lutter contre le changement climatique et de promouvoir l’efficacité énergétique et la transition énergétique ». C’est lui qui sera seul compétent en matière de programmation pluriannuelle de l’énergie, d’évolution des réseaux d’énergie et de chaleur, d’exploitation et de développement des filières énergétiques, de développement de la chaleur renouvelable, de tarifs de l’énergie et de lutte contre la précarité énergétique. Mais il devra associer le MTE en matière de marchés carbone, de certificats d’économies d’énergie ou de politique relative aux énergies marines renouvelables notamment.  

Désinformation : le revirement des réseaux sociaux menace l’information sur l’environnement

C’est un tournant majeur dans la politique de Meta et plus largement des réseaux sociaux. Dans une vidéo publiée la semaine dernière, Mark Zuckerberg a annoncé arrêter le fact checking aux Etats-Unis (en Europe, c’est plus compliqué du fait de la réglementation). Les partenariats avec des médias pour vérifier des infos seront remplacés par un système de notes d’internautes inspiré de X, le réseau d’Elon Musk. Les deux géants des réseaux sociaux montrent ainsi leur allégeance au nouveau président des Etats-Unis, un revirement majeur pour le secteur de la Tech jusque-là plutôt démocrate. Surtout, c’est un risque majeur en termes de désinformation car au nom d’une mauvaise interprétation de la liberté d’expression, c’est un déferlement de fake news et de deep fakes (notamment favorisé par l’IA générative d’X, Gork) qui menace. Pour la journaliste spécialisée Célia Quilleret, c’est aussi un risque pour l’environnement car « on parle de désinformation sur les réseaux, le climat est l’une des principales cibles », souligne-t-elle sur LinkedIn. En 2024, plus de 10% des contenus de désinformation concernaient le climat selon l’observatoire européen des médias en ligne (EDMO). 

Industrie verte : Notre Affaire à tous et Zero waste France contestent des décrets qui « détricotent le droit industriel »

Trois décrets d’application de la loi Industrie verte sont contestés devant le Conseil d’Etat par Notre Affaire à Tous et Zero Waste France. « Pris dans l’entre deux tours des élections législatives de juin 2024, ils opèrent un détricotage massif du droit de l’environnement industriel, et plus généralement des principes de la démocratie environnementale ainsi que le principe pollueur-payeur, principe fondamental du droit de l’environnement », estiment les associations. Elles ciblent notamment la suppression des garanties financières, l’octroi anticipé du statut de « raison impérative d’intérêt public majeur »– extrêmement flou-, à des projets pouvant être problématiques comme celui d’Eastman (recyclage chimique des plastiques), l’allègement des procédures de concertation ou des dérogations sur les espèces protégées. Selon les associations, sous prétexte de réindustrialisation, ces textes augmentent les risques industriels en France avec des conséquences sur la santé humaine et l’environnement, et transfèrent les coûts de dépollution à l’Etat au lieu d’en rendre les entreprises concernées responsables. 

Financement : la transition écologique doit mobiliser entre 3% et 4% du PIB européen en plus

« La réussite de la transition verte nécessite des investissements substantiels dans l’ensemble de l’économie de l’UE dans l’ensemble de l’économie de l’UE, notamment dans les énergies renouvelables, les infrastructures de réseau, la mobilité durable et l’efficacité énergétique ». Cependant « malgré les récents, il reste encore beaucoup à faire pour maintenir la décarbonisation sur la voie de la neutralité carbone d’ici à 2050 », souligne la Banque centrale européenne dans une note. Pour réaliser « efficacement » la transition verte, l’Europe doit « mobiliser des investissements supplémentaires substantiels, estimés entre 2,9 % et 4,0 % du PIB de l’UE chaque année » jusqu’en 2030 (mesurés aux prix constants de 2023). Une estimation qui reste complexe tant les niveaux d’incertitude sont élevés, précise toutefois la banque. Là encore, la note insiste sur le fait que la « complexité des règles limite actuellement l’impact positif de ces initiatives sur les investissements verts » et demande une rationalisation des réglementations (CSRD, taxonomie verte, SFDR…) « sans revenir sur l’amélioration de la transparence »

Finance : JP Morgan, BlackRock…les grandes institutions quittent les alliances net zero

Les alliances net zero des investisseurs ne font plus recette. Après les assureurs, ce sont les grandes banques américaines qui quittent le navire. L’alliance des banques (NZBA) a vu six banques déserter l’initiative en décembre puis JP Morgan en ce début d’année. Autre (très) gros poids lourd qui vient de franchir le pas : le plus grand gestionnaire d’actif sous gestion, BlackRock qui vient d’annoncer son départ de l’alliance dédiée aux sociétés de gestion (Net Zero Asset Managers) du fait de la « confusion créée par son adhésion » et qui « a donné lieu à des poursuites judiciaires de la part de diverses autorités publiques ». Le deuxième gestionnaire d’actifs mondial Vanguard avait déjà quitté le navire en 2022 mais une nouvelle vague (7 départs depuis novembre) est en train de se former depuis la réélection de Donald Trump, notoirement anti-ESG. Un phénomène qu’on décrypte la semaine prochaine plus en détails sur Youmatter. 

Une nouvelle chaire sur l’assurabilité des risques émergents

Le changement climatique impacte de plein fouet le secteur de l’assurance comme le montrent les incendies de Los Angeles. Les sinistres liés au réchauffement climatique pourraient ainsi augmenter de 40 à 60% dans 30 ans, remettant en question la résistance des mécanismes de protection et du principe de mutualisation. Dans ce cadre, Allianz France, la Fondation du Risque et l’ENSAE Paris lancent une Chaire Assurabilité des Risques Emergents. Un projet de recherche pluridisciplinaire veut explorer les risques sous toutes leurs facettes, développer des modèles et des méthodes d’analyses quantitatives innovantes permettant d’anticiper l’évolution des risques et de construire des stratégies de couverture d’assurance et de répartition du risque adaptées. 

Economie circulaire : l’indice de durabilité s’affiche sur les TV

Bientôt fini l’indice de réparabilité, voici l’indice de durabilité ! Celui-ci commence à être affiché sur les téléviseurs dès maintenant avant les lave-linge en avril et probablement d’autres produits comme les ordinateurs portables. Instauré par la loi Agec (loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire), il doit permettre de mieux informer le consommateur lors des achats de produits électroménagers et électroniques en tenant en compte non seulement de la disponibilité des pièces détachées mais aussi de la solidité, de la facilité de la maintenance ou d’une éventuelle garantie commerciale complémentaire de l’appareil. Les smartphones et tablettes sont eux réglementés au niveau européen et devront bientôt afficher une étiquette énergie qui comprendra un volet réparabilité. 

Illustration : Canva