Chaque jeudi, Youmatter explore l’actualité de la RSE en chiffre. Cette semaine, on se penche sur la question des compétences RSE des administrateurs. A l’occasion de sa campagne de questions aux entreprises du CAC40, le Forum pour l’investissement responsable (FIR) soulève le risque de boardwashing avec une surestimation de ces qualités qui pourrait nuire à la bonne évaluation des risques et opportunités RSE.
Pour la première fois depuis 5 ans, la campagne de questions du FIR (Forum pour l’investissement responsable) aux entreprises du CAC40 aborde les compétences RSE des administrateurs, « un point crucial pour assurer une supervision satisfaisante des actions mises en place par les équipes dirigeantes ». Et demandé par la CSRD. Si l’on en croit les déclarations des 36 répondants, 59% des sociétés du CAC40 auraient des administrateurs compétents en RSE. 5 sociétés affirment même que l’ensemble de leurs administrateurs possèdent ces compétences.
Problème: très peu de choses le prouvent et l’on frôle même le boardwashing, soulignait Edward Luu, head of Stewardship and ESG analyst at Rothschild & Co Asset Management lors de la restitution de l’étude.
Compétences trop larges, sensibilisation au lieu de formation…un risque de boardwashing sur les compétences RSE
Selon lui, le risque de surestimation est particulièrement important car les arguments avancés pour justifier des compétences restent floues. Par exemple, est considéré comme « compétent en RSE », un administrateur qui a auparavant fait partie d’un comité RSE, qui est dirigeant d’une entreprise à visée écologique et sociale ou qui a fait une formation certifiante sur le sujet. Seulement, « bien que précieuses, ces expériences ne suffisent pas à elles seules à garantir une expérience solide sur la RSE », souligne le FIR. D’autant que seule la moitié des sociétés ont fait l’effort de nommer les administrateurs, ce qui n’aide pas à vérifier leur CV.
Autre lièvre soulevé : la majorité des entreprises mentionnent la compétence RSE au sens large. Or, l’on sait qu’aujourd’hui la complexité du sujet demande une spécialisation sur les questions de climat, d’eau; de biodiversité ou d’économie circulaire. Seules 10 sociétés en font état. Enfin, si les formations RSE des administrateurs sont courantes, le niveau, le rythme et le format de celles-ci sont rarement précisés. Or, il s’agit souvent davantage d’ateliers d’éveil ou d’actions de sensibilisation type Fresque du climat, souligne le FIR.
En savoir + : La RSE peine à exister dans les conseils d’administration
Matrices de compétences, évaluation externe : les bonnes pratiques à mettre en œuvre
Parmi les bonnes pratiques relevées par le FIR (il y en a !) : la définition de grilles de compétences comme le font Hermès et le Crédit Agricole. Ou la réalisation de matrices de compétences spécifiques liées à la RSE. Une pratique cependant encore peu commune. Seules quatre sociétés (Crédit Agricole, Michelin, Stellantis et Vinci) fournissent ainsi les compétences spécifiques de chaque administrateur. Dix sociétés disent également intégrer systématiquement une composante RSE dans le cadre du processus de nomination. Et cinq sociétés ont recours à une évaluation externe pour les tester.
A noter que cette année, le FIR dit avoir fait l’objet d’indulgence en notant surtout la transparence dont font preuve les sociétés du CAC40 sur le sujet. Mais les prochaines éditions devraient être plus sévères. Le jugement sera aussi celui des investisseurs à travers le reporting de durabilité dans lesquels ces sociétés devront mettre en évidence la cohérence entre les compétences en matière de RSE des conseils d’administration et des enjeux identifiés par les IRO et la double matérialité.
En savoir + : 86% des CA du SBF120 sont dotés de comités RSE/ESG
Illustration : Canva