Omniprésentes dans la société, les problématiques écologiques investissent aujourd’hui l’ensemble du champ artistique. À l’occasion de la 21ème conférence sur le climat qui se déroulera en décembre 2015 à Paris, l’œuvre d’art monumentale One Heart One Tree de l’artiste belgo-tunisienne Naziha Mestaoui fera battre les cœurs de la capitale.
Métamorphoser l’environnement de la ville pour mieux sensibiliser
Grâce à une application smartphone et à la technologie du mapping, le public pourra planter des graines de lumière virtuelles qui pousseront au rythme des battements de son cœur, jusqu’à représenter des arbres lumineux. Projetés sur les monuments de Paris, ces arbres métamorphoseront la ville en une véritable forêt immatérielle. Réalité augmentée et post modernité écologique. Et après ? Le spectateur reçoit une photo de son arbre virtuel unique sur les monuments parisiens accompagné de son nom ou du mot qu’il a souhaité y associer. Chaque spectateur reçoit un certificat et peut suivre l’évolution de son arbre dans les forêts générées par l’oeuvre à travers le monde. Il aura ainsi des informations sur les conséquences de son acte, son aspect bénéfique pour la société et pour lui à long terme.
La plantation et le suivi des projets est assuré par Pur Projet, spécialiste en développement de projets forestiers. Chaque participant reçoit un certificat, un fichier google earth comprenant le nom du planteur et de l’arbre, puis un rapport sur le projet avec suivi tous les 6 mois. Créatrice du vidéo mapping et fondatrice de Electronic Shadow, Naziha Mestaoui souhaite, via cette installation, que chaque citoyen devienne co-créateur d’un avenir collectif.
Comment ça marche ? Les différents dispositifs de projection en mapping sont alimentés par de l’énergie zéro émission carbone pouvant être produite de diverses manières. Un sol est composé de dalles, équipées de micro-capteurs. Le mouvement des visiteurs, à savoir de l’énergie cinétique, est alors transformée en énergie électrique grâce à un dispositif visuel, les citoyens peuvent visualiser l’énergie qu’ils ont transmise à l’oeuvre. Ou des vélos invitant les citoyens à pédaler pour produire l’énergie du projet. Ou encore des éoliennes placées sur la place face au monument.
Ré-enchanter le réel et fédérer les citoyens autour du développement durable
La COP21 est l’occasion idéale à la mise en place de ce dispositif de sensibilisation au développement durable, permettant aux citoyens de se mobiliser autour d’un acte positif et constructif tout en montrant leur engagement.
À la croisée de l’ethnographie et de l’anthropologie culturelle et sociale, les résidences prolongées de l’artiste au cœur des peuples autochtones (Amazonie, Inde, Oman) sont à l’origine d’une série de projets. Des projets se fondant sur la pluralité des rapports homme / nature, qui comme Philippe Descola le démontre, fait de notre culture occidentale une exception par sa déconnexion de son environnement.
Participatif, poétique et numérique, ce projet d’installation est le reflet même de la démarche de cette artiste qui aime jouer aves les contrastes, les contraires, les paradoxes de l’homme à l’égard de son environnement et les oppositions entre virtuel et réel.
Créée en 2012 dans le cadre de Rio+20, l’œuvre a déjà permis de planter 6000 arbres. Pionnière reconnue dans l’art digital, elle réussit à unir de façon singulière et innovante l’espace, l’image et la technologie pour créer des installations immersives et sensibles. Une approche de l’écologie et des thématiques du développement durable affective, harmonieuse et esthétique.
La déforestation, mal du siècle ?
Sérieuse menace pour le climat et cause majeure de la perte de la biodiversité, la déforestation est responsable de 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La forêt recule. Toutes les deux secondes, la taille d’un terrain de football. Au bout d’un an, l’équivalent du quart de la France.
Mais que savons-nous des arbres ? De ces forêts sacrifiées aux intérêts marchands ? Que savons-nous des milliers d’espèces végétales et animales qui peuplent ces bois, détruites au nom de logiques financières ? Pierres angulaires de l’équilibre climatique, les forêts font aujourd’hui place à l’élevage de bovins, aux plantations d’huile de palme (la plus productive et plus consommée au monde), aux agro-carburants, à l’industrie du bois et à la culture du soja. Les chiffres sont stupéfiants, 95% de ce soja servira à nourrir le bétail et les volailles d’Europe… La déforestation, ou comment transformer une forêt en viande. Comment détruire l’essentiel pour produire le superflu.
Que savons-nous de la vie sur Terre ? Que savons-nous de cet équilibre subtil et fragile, qu’un rien peut rompre ? À travers l’émotion et les sens, c’est la remise en question de notre rapport au vivant qui s’impose au travers de cette sensibilisation au développement durable. L’œuvre de Naziha Mestaoui est sensationnelle, inspirante. Le voyage, intime.