Artiste du bricolage et de l’expérience, Laurent Tixador se donne souvent pour but de réaliser l’impossible. Dans son désir de travailler un maximum avec ce que son environnement immédiat lui offre – ce qu’il aime à appeler le matériau opportuniste – il met un point d’honneur à recourir à des technologies simples. Du 4 avril au 16 mai 2015, l’artiste investira l’espace de la Galerie In Situ en utilisant des matériaux de proximité. L’exposition Electroplatane vise à habiller pour un temps les lieux, du circuit électrique jusqu’au mobilier d’exposition en utilisant du bois de platane, arbre citadin par excellence, récolté pendant l’élagage de cet hiver.

Avec Electroplatane, il n’est pas question de réussite, mais plutôt de construire un corpus de possibilités, de tester aussi bien un geste architectural que sa capacité à s’adapter à des conditions inconnuesDurant ses périples, l’artiste a pour habitude de mettre à l’épreuve ses capacités physiques. Il a ainsi réalisé de nombreuses expéditions : une opération de survie sur les îles du Frioul, une randonnée en ligne droite reliant Nantes à Metz ou encore une résidence aux îles Kerguelen… Ses projets s’inscrivent en outre dans le déplacement. Le voyage, à pied le plus souvent, fait partie de cette expérience immédiate de l’environnement. L’acte performatif de la marche fait œuvre tout comme son récit ; ainsi le blog qu’il enrichit régulièrement nous entraîne pas à pas dans ses progrès ou stagnations.

À l’heure où les enjeux écologiques et sociaux s’imposent à notre quotidien, Laurent Tixador teste tranquillement cette économie de la récupération et joue avec le matériau qu’il trouve in situ.

Architecture Transitoire © Laurent Tixador
Architecture Transitoire © Laurent Tixador

Concevoir son habitat dans un milieu donné en ne partant de rien, en ne comptant que sur sa force physique et son ingéniosité, est le point de départ des gageures inédites que Laurent Tixador ne cesse de relever. Ses Architectures transitoires par exemple – projet lauréat du Prix COAL 2013 – qu’elles soient établies dans une pâture, une caserne désaffectée, un chaos granitique breton ou encore un bosquet, sont chaque fois l’occasion d’expérimenter des situations pré-technologiques, d’engager un mode de décélération et de mettre en perspective la condition de l’homme du 21ème siècle.

Antti Laitinen, Self-portrait on the swamp, 2002.
Antti Laitinen, Self-portrait on the swamp, 2002.

S’adapter pour faire face au changement climatique

Pour cette quatrième édition, le Prix COAL avait pour thème Adaptation : mot au cœur de la pensée contemporaine et des stratégies déployées par les nations, les villes, les entreprises et les collectivités pour faire face au réchauffement climatique. L’adaptation, terme utilisé en biologie comme en art, consiste à ajuster une entité, une représentation, un individu, un système, une organisation aux variables de son environnement naturel et culturel. À l’échelle de la planète et en regard de la théorie de l’évolution par sélection naturelle définie par Charles Darwin, les capacités d’adaptation des espèces expliquent les conditions de leur survivance ou de leur disparition. Les changements climatiques ont affecté les conditions de vie de beaucoup d’entre elles et entraîné par le passé cinq grandes extinctions de masse.

Un appel à projet international qui soulevait de nombreux enjeux : « Avons-nous dans notre société les outils et les moyens de nous adapter à ces profonds changements ? Les sommets internationaux accouchent de désaccords ou d’engagements a minima dans des délais incompatibles avec l’urgence des enjeux et les citoyens subissent la crise économique, plaçant l’emploi et le court-terme en priorité. Comment concilier adaptation, anticipation, changement et résilience ? Comment inverser le principe qui structure le rapport de l’homme occidental à son environnement ? En l’adaptant à l’échelle de ses besoins et non plus de ses capacités. Quelles sont les valeurs qui gouverneront nos choix, énergétiques, alimentaires, sociaux, politiques et économiques ? Qui a les clés de cette adaptation ? Les écologues, les urbanistes, les agriculteurs, les industriels, les juristes, les artistes ? Quel rôle peuvent jouer les réseaux sociaux, l’innovation collaborative, la créativité, le bio-mimétisme pour favoriser l’adaptation ? Les inégalités sociales, en explosion, vont-elles créer le grand casting de ceux qui pourront ou non s’adapter ? Des zones refuges, des sanctuaires d’abondance et de nature préservée seront-ils les nouveaux ghettos des privilégiés de demain ? Laisseront-ils de côté les pays les plus touchés ou bien seront-ils solidaires, à échelle nationale et internationale, avec l’avancée de la justice climatique, de la gouvernance mondiale et de la social-écologie ? »

Kerguelen © Laurent Tixador
Kerguelen © Laurent Tixador

Selon l’artiste, c’est l’environnement qui définit le style et oblige le corps et l’esprit à s’adapter à ses exigences. Mobilisant connaissances et gestes pré-technologiques, Laurent Tixador construit ces Architectures Transitoires à partir des matériaux disponibles dans son environnement immédiat. Lieux de vie temporaires ou nouvelles sociétés utopiques ?