Malgré la prise de conscience mondiale du problème de l’environnement, le droit de l’environnement est encore un domaine en jachère. Les crimes environnementaux ne sont pas toujours reconnus, les Etats ne se coordonnent pas suffisamment pour les empêcher. Retour sur la notion de crime environnemental et sur les lois qui protègent notre planète de ces crimes.
Droit et crimes environnementaux : des notions mal définies
Dans le monde, la question du droit de l’environnement est encore souvent mal définie. A l’échelle internationale, il n’existe à l’heure actuelle aucun droit contraignant sur les questions de l’environnement. Bien sûr, il existe toute une série de textes qui s’attachent à définir des programmes de protection de l’environnement (comme les différents textes issus des Sommets de la Terre). Mais aucune loi internationale ne permet de sanctionner un individu ou une entreprise qui pollue ou détruit l’environnement.
En réalité, comme dans le droit en général, le droit de l’environnement n’existe qu’au niveau national. Cela signifie que ce sont les Etats qui définissent leurs réglementations et qu’il n’existe aucune autorité supranationale, aucun juge mondial qui puisse forcer un Etat à prendre une sanction ou à respecter les règles internationales. Seul un Etat peut fixer lui même sa loi en matière d’environnement et la faire respecter. Pour preuve, il suffit de regarder le Protocole de Kyoto, qui fixait des engagements de réduction de gaz à effet de serre pour les Etats parties prenantes. Beaucoup de ces engagements n’ont pas été atteints et respectés, et pourtant, cela n’a mené à aucune sanction ou décision. Tout dépend donc de la capacité du droit environnemental à s’inscrire dans la législation nationale, où il peut alors faire l’objet de sanctions et de véritables décisions contraignantes.
La notion de crime environnemental est donc floue et varie selon les Etats et selon ce qu’ils définissent comme « légal » ou non sur leur territoire. Par exemple, la chasse à la baleine est illégale au-delà des quotas, d’après la convention internationale de réglementation de la chasse à la baleine depuis 1946. Mais beaucoup de pays n’ont pas signé cette convention, et la chasse reste de facto légale dans leurs eaux territoriales. Et même pour les pays signataires, l’application de cette réglementation est parfois difficile.
La difficulté d’application du droit de l’environnement
Le deuxième problème du droit de l’environnement et de son efficacité vis-à-vis des crimes de l’environnement tient aussi dans sa capacité à être appliqué. La conférence sur la sécurité et la criminalité environnementale, qui s’est tenue les 9 et 10 novembre derniers à Nîmes, insistait sur ce point. Manque de moyens, difficulté à coordonner les différentes polices et les différentes législations pour identifier les criminels environnementaux… La lutte contre la criminalité environnementale est quelque chose de difficile même pour des Etats volontaires.
De plus, l’environnement est un domaine où l’application du droit est difficile. A partir de quels seuils de pollution contrevient-on à la loi ? Dans une entreprise, comment déterminer qui est responsable ? Dans une marée noire par exemple, comment faire la part entre la responsabilité de l’entreprise et l’aléa qui a mené à l’accident ? Quelle législation s’applique quand ces crimes sont commis dans un territoire étranger par une entreprise nationale ? Et dans les eaux internationales ? Comment indemniser les victimes ?
Toutes ces questions sont un véritable défi pour le droit environnemental et pour son application, et notamment car chaque Etat a souvent une réponse différente à ces questions. Les organisations comme Interpol tentent de créer des passerelles entre les Etats pour faciliter la mise en oeuvre des enquêtes, mais les progrès sont encore trop lents.
Les crimes environnementaux en augmentation
En attendant, les crimes environnementaux dans le monde se multiplient, d’après un constat alarmant de la convention de Nîmes. D’après l’ONU et Interpol, le pillage des ressources naturelles rapporterait entre 70 et 213 milliards de dollars par an au crime organisé (soit presque autant que le trafic de drogue dans le monde). Parmi les secteurs qui rapportent le plus, le trafic de bois est estimé entre 30 et 100 milliards de dollars. Puis arrive celui des minerais (12 à 48 milliards de dollars), la faune sauvage (7 à 23 milliards), la pêche (11 à 30 milliards) et enfin les déchets (10 à 12 milliards).
Dans le même temps, les pollutions sauvages se multiplient et on estime à 20 000 par an le nombre de marées noires de plus ou moins grande ampleur et de dégazage sauvage aux Etats-Unis. En Italie, ce sont les enfouissements sauvages de déchets qui préoccupent, alors qu’en Afrique de véritables décharges de déchets toxiques polluent les rivières et les sols.
En France, d’après les estimations, les crimes et délits environnementaux auraient augmenté d’environ 20% ces 5 dernières années, malgré l’intensification des normes et des contrôles.
C’est donc une vraie préoccupation qui touche tous les pays, mais qui ne fait malheureusement pas encore partie des préoccupations pour la COP21.
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