Et si la procrastination était en fait la meilleure technique pour être plus efficace et productif au travail ?
Quel est le meilleur moyen de mettre un terme à un entretien d’embauche ? Dites à votre interlocuteur que votre plus gros défaut est la procrastination ! Le travailleur procrastinateur est perçu comme celui qui perd son temps, repousse toutes les tâches à plus tard pour finalement ne pas les faire, ou mal les faire. Il est perçu comme l’antithèse du travailleur productif et efficace.
Pourtant, de plus en plus d’études tendent à prouver qu’un travailleur qui procrastine (de façon intelligente) serait plus productif qu’un salarié trop organisé et trop acharné à la tache. Mythe ? Réalité ? En cette journée mondiale de la procrastination, retour sur ce phénomène qui ne cesse de s’amplifier grâce aux smartphones et autres objets connectés : la procrastination. Alors la procrastination, futur cheval de bataille des stratégies RH et RSE d’avant garde ?
La procrastination pour plus de productivité et de créativité
La procrastination, c’est la tendance, que certains érigent en art, de remettre toujours à plus tard les activités obligatoires. Du salarié qui remet systématiquement à plus tard sa déclaration d’impôt, à l’employé qui remet au lendemain les taches les plus ingrates : on connait tous des procrastinateurs. 20% des adultes déclarent être des procrastinateurs ! Pourtant, certains managers commencent à réaliser que nous, procrastinateurs, sommes peut-être en fait les plus efficaces et les plus productifs.
C’est d’abord une question de concentration. D’après les recherches en sciences sociales et cognitives, un esprit humain ne peut rester concentré en moyenne que 52 minutes d’affilé sur une activité. Au-delà, il commence à s’évader, à perdre en concentration et en productivité. Les recherches sont formelles : pour 52 minutes de travail, il faudrait 17 minutes de « break ». Procrastiner, c’est mettre cette théorie en pratique, en faisant plus de pauses. Mais « faire une pause » ne signifie pas forcément ne rien faire. On peut par exemple consacrer du temps à une activité difficile, ingrate, ou particulièrement intense, puis la remettre à plus tard et se mettre à une activité plus simple, plus relaxante (regarder ses mails ?) pour permettre à l’esprit de « faire une pause ». Lorsqu’on revient à l’activité principale, on est reposé et plus efficace.
C’est aussi une question de créativité : on a tous connu le syndrome de la page blanche, particulièrement dans les métiers créatifs. Dans le cas où l’inspiration ne vient pas, inutile de s’acharner et de rester des heures à réfléchir. Faire une pause et remettre à plus tard semble être une meilleure solution. La raison à cela ? D’après le psychologue Bluma Zeigarnik, c’est parce que notre cerveau, lorsqu’une activité n’est pas terminée, ou que l’on sait qu’une activité reste à faire, fonctionne comme en « tache de fond ». En résumé, notre inconscient continue à y réfléchir sans qu’on y pense, et cela aide généralement les idées à venir. Laisser à son esprit le temps de vagabonder et retrouver l’errance de l’imagination seraient les meilleurs moyens d’augmenter sa créativité !
La recherche montre aussi que les procrastinateurs sont plus efficaces pour trouver des moyens simples et rapides de résoudre leurs problèmes, ils évitent mieux les obstacles, trouvent des techniques pour automatiser les choses. Ils déclarent souvent être aussi plus productifs dans le rush. En somme : ils trouvent tous les moyens d’éviter de se fatiguer, et cela les rend plus productifs.
Comment bien gérer sa procrastination ?
Mais attention, toutes ces recherches parlent bien de procrastination active ! Pour être efficace, un procrastinateur doit apprendre à gérer sa procrastination sans pour autant finir par ne rien faire. Faire des pauses ou se détendre, c’est bien, d’ailleurs, une étude récente montre qu’en moyenne un travailleur qui passe 20% de son temps de travail à surfer sur le web est 9% plus productif qu’un travailleur qui s’astreint à ne pas le faire. Mais remettre son travail à plus tard pour passer sa journée à surfer sur son smartphone n’est pas un bon moyen d’être un « procrastinateur productif ». On estime d’ailleurs que les smartphones et les sollicitations constantes qu’ils engendrent (notifications, mails, textos) feraient perdre à l’économie américaine environ 70 milliards de productivité par an.
On parle plutôt de procrastination stratégique : savoir écouter son corps et son esprit et remettre à plus tard les taches que ce n’est pas le moment d’accomplir. Prendre des pauses, éventuellement faire une sieste pour être plus efficace après, changer d’activité suffisamment souvent. Finalement, cela revient à changer de regard sur le temps de travail, en avoir une notion moins figée et plus fluide.
Pour que les salariés d’une entreprise soient plus productifs, cette dernière a donc tout intérêt à leur donner plus d’autonomie dans la gestion de leur temps de travail. Imposer des rythmes et des périodes de travail figés et trop calibrer le temps de travail sont les meilleurs moyens de créer de la fatigue et de la déconcentration. C’est une notion qui commence à s’imposer dans le management des entreprises, dans les départements RH et dans la RSE. D’ailleurs, de nombreux experts s’accordent à dire que globalement, il faut travailler moins longtemps pour être plus productifs.
Plus de pauses, plus de procrastination : vous savez ce qu’il vous reste à faire pour être plus efficace et créatif au travail. Attention néanmoins à ne pas tomber dans l’excès. Un indice : quand vous commencez à vous sentir coupable d’avoir reporté une action, c’est peut-être que vous avez assez attendu !