Le Groenland joue le rôle de sentinelle en ce qui concerne le réchauffement climatique : l’épaisseur de glace qui recouvre ces terres fond en effet bien plus rapidement que d’autres glaciers dans le monde. Cette glace se trouvant sur terre, sa fonte contribue donc directement à la montée du niveau des mers. Ce mouvement est un signal d’alarme pour l’humanité : cette année l’été austral, qui s’achève en septembre, aura été le plus chaud enregistré par l’homme, tandis que l’Agence Spatiale Européenne annonce que le Groenland a contribué pour 10% à la hausse des océans depuis 2011.
Fonte du Groenland : le mercure grimpe sous l’œil des satellites
L’Homme surveille les températures sur le globe depuis 1880, date à laquelle on considère que le maillage de stations météorologiques est suffisamment dense pour être fiable. Le relevé de ces températures moyennes a donné lieu à une courbe bien connue des experts climatiques, qui montre clairement que les dernières années sont bien les plus chaudes depuis 1880. Et s’il est trop tôt pour donner un bilan de l’année 2016, la tendance est encore une fois à la hausse, promettant de battre le précédent record de température de 2015.
Pour l’année en cours ce sont les pôles qui permettent de tirer la sonnette d’alarme avant même que l’année ne soit finie. Et c’est un nouvel outil, lancé dans l’espace en 2011, qui nous le montre : Cryosat de l’ESA (European Space Agency) a pour mission de cartographier l’épaisseur des glaces aux pôles pour que les chercheurs évaluent leurs contributions à la montée des océans. Le résultat est clairement visible : les pôles fondent et font craindre un emballement du réchauffement global.
La fonte des calottes polaires a en effet de multiples conséquences. Tout d’abord il faut savoir que si la banquise ne contribue pas à la hausse du niveau de la mer par son « effet glaçon », ce n’est pas le cas des glaciers qui constituent les étendues glaciaires du Groenland et de l’Antarctique Ouest.
De plus la fonte de ces glaciers accélère leur avancée vers la mer : les lacs d’eau douce vont « lubrifier » le déplacement de la glace en s’infiltrant entre la roche et les glaciers.
Enfin, les lacs créés par cette fonte vont absorber plus de rayonnement solaire que la glace, diminuant ainsi ce que l’on appelle « l’albedo » (la réflexion des rayons solaires) des zones polaires. En diminuant l’albedo ces lacs augmentent donc la sensibilité de la glace aux effets du rayonnement solaire, et accélère encore la fonte.
L’ensemble de ces facteurs explique pourquoi les pôles, et particulièrement le Groenland, se réchauffent deux fois plus vite que le reste de la planète.
Le drame de la fonte des pôles est mesurable depuis des années avec l’aide des satellites. Ainsi GRACE nous montre que la glace arctique ne fait que diminuer depuis 2002 avec en moyenne une perte sèche de 238 milliards de tonnes de glaces ! Les pires années ont été 2012 et 2015. Et il y a fort à parier que 2016 batte le record de l’année précédente !
Fonte des glaces au Groenland : des conséquences qui se font sentir (et ça ne va pas s’améliorer)
Les conséquences des cette fonte des glaces polaires sont extrêmement nombreuses et nous impactent tous, pas seulement les populations vivants proches des pôles.
Au niveau climatique une bonne partie de notre climat en Europe est dû à un équilibre dans un système appelé « North Atlantic Oscillation » ou NAO. Cette NAO est le différentiel de pression entre la dépression d’Islande et l’Anticyclone des Açores, deux des phénomènes qui régulent notre climat à l’Ouest de l’Europe. Or une partie de ce système dépend du vortex polaire, une zone climatique faisant le beau et le mauvais temps sur le Pôle Nord.
On ignore encore à quel point la diminution de l’albédo de la zone polaire peut affecter ce vortex mais on peut d’ors et déjà anticiper des comportements inhabituels, impactant notre climat en Europe de l’Ouest.
Une NAO négative, comme c’est plus souvent le cas depuis les années 2000, nous promet des hivers secs mais froids dans le Nord de l’Europe (et de la France) tandis que les Etats Unis font l’objet de tempêtes de neiges importantes. Dans le Sud de la France c’est un temps pluvieux accompagné d’inondations importantes qui se produit en hiver. C’est donc un jeu très complexe de domino qui se met en place en Arctique et impacte tout l’hémisphère Nord.
De façon certes plus anecdotique mais en tout cas plus inquiétante, la fonte du pergélisol nous mets face à de nouveaux risques qui n’ont pas été anticipés.
Le pergélisol (ou permafrost) est ce sol maintenu en état contant de congélation, à des températures négatives principalement au Nord du cercle polaire. Très riche en méthane, gaz à effet de serre quatre fois plus puissant que le CO2, nous découvrons à nos dépends qu’il est aussi riche en bactéries mortelles pour l’homme et le bétail.
Le réchauffement climatique de ces zones entraîne non seulement un relargage de ce méthane dans l’atmosphère mais aussi une diffusion de bactéries tel l’anthrax, à l’image de ce qu’il s’est produit cette année en Russie. L’épisode a coûté la vie à 2300 rennes, a fait 20 blessés et un mort en la personne d’un petit garçon. D’autres bactéries et virus attendent leur heure dans le permafrost, telle la variole. Si l’anthrax a fait aussi peu de victimes c’est parce que l’événement s’est produit dans une zone très peu peuplée de Russie… Ce qui ne sera pas toujours le cas, surtout pour le méthane relâché dans l’atmosphère.
Le Groenland joue à la fois le rôle de moteur et de sentinelle du réchauffement climatique global de la terre. Avec le Pôle Nord il est à l’origine du climat tempéré que nous avons en Europe. En raison de l’étroite imbrication entre courants marins et atmosphère le moindre grain de sable dans les rouages de cette fragile mécanique nous promet des répercussion importantes pour nos modes de vie. Avec une perte de glace estimée à 100 milliards de tonnes ces conséquences vont se faire sentir bien plus loin que le cercle polaire. L’atmosphère du Groenland s’est réchauffée de 2,5°C depuis 1980 contre 0,7°C de moyenne sur le reste de la planète : il est temps de prendre nos responsabilités face à l’urgence climatique.