Depuis quelques années, les open spaces deviennent la norme dans les entreprises. Mais sont-ils si cool que ça ? Ne faudrait-il pas réinventer l’open space pour en tirer enfin tout le potentiel ? Décryptage.

Depuis les années 1980, le phénomène n’a cessé de s’amplifier en Europe et aux Etats-Unis : plusieurs collègues partageant le même espace de travail, bureaux côte à côte. Les open spaces sont peu à peu en train de devenir une nouvelle norme dans l’organisation des espaces de travail : finis les bureaux individuels, les portes fermées ou les « box », chacun travaillant dans son coin. Aujourd’hui la mode, inspirée de l’univers des start-up, est aux espaces ouverts, collaboratifs, dynamiques, sans porte ni cloison. L’objectif : favoriser la communication entre les salariés, créer une dynamique d’équipe, réduire les coûts et l’espace occupé… Aujourd’hui de plus en plus de salariés, notamment les jeunes plébiscitent ces espaces à la fois communautaires et conviviaux. Le problème c’est que plusieurs désavantages sont associés aux open spaces : bruit, distractions, pertes de productivité, manque d’intimité…

D’un côté il y a donc ceux qui estiment que des espaces ouverts et conviviaux facilitent la communication et la cohésion des équipes, aident à être plus créatifs, et de l’autre, ceux qui estiment que ces espaces tuent au contraire la capacité d’un salarié à travailler correctement. Alors où est la vérité ? Comment résoudre l’équation des open spaces et de la productivité ? Et si on réinventait l’open space pour en faire enfin un vrai espace de travail adapté à tous ?

Productivité ou convivialité : le dilemme des open spaces

Au cours du 20ème siècle, les bureaux de travail ont connu des formes diverses d’organisation dans l’espace. Totalement ouverts, sous forme de « box » (ou cubicles), de bureaux privés ou encore de bureaux par équipes… toutes les configurations ont été testées. Depuis quelques décennies cependant, on sent qu’une tendance prend plus de place que les autres : celle de l’open space, ou l’idée qu’il faut abattre les cloisons pour permettre aux salariés de travailler ensemble. Plus de box, plus de bureaux privés, place aux espaces ouverts. Cette tendance s’est progressivement étendue à toute l’économie et aujourd’hui près de 70% des américains travailleraient dans un open space, tout comme les britanniques. La France dans ce domaine est « en retard » : selon le baromètre Actineo sur le sujet, seuls 14% des salariés français travailleraient en open space de plus de 3 4 personnes.

Il fait dire que les open spaces ont beaucoup d’avantages. D’abord, pour l’entreprise, ils permettent de réduire drastiquement les coûts. Puisque les espaces sont ouverts et collectifs, pas besoin de bureaux individuels. Tout est partagé et on peut donc réduire fortement l’espace nécessaire à chaque salarié. Et ça marche : en 2010 la surface moyenne occupée par un salarié aux Etats-Unis était de 20 m² environ. Aujourd’hui, elle aurait diminué de 33% pour atteindre environ 14 m². Pour les salariés aussi de nombreux bénéfices ont été mis en évidence : d’abord, un open space aiderait à optimiser la communication et la diffusion des informations au sein des équipes. Plusieurs études ont ainsi démontré que des salariés en open space communiquaient de façon plus efficace. D’autres montrent que ces espaces ouverts permettent de créer un sentiment plus fort de communauté et de proximité entre les membres d’une équipe. Autrement dit, ils contribueraient à créer une « culture d’entreprise », mais aussi une culture du management plus simple et accessible.

Et tout cela contribuerait à améliorer la productivité des salariés. Le problème c’est que les open spaces ont aussi leurs désavantages. Le bruit, les sollicitations constantes et les distractions feraient perdre une partie de leur productivité aux salariés. Ainsi, on estime que dans des open spaces, on peut perdre jusqu’à 86 minutes de travail par jour à cause des distractions sonores. Globalement, les open spaces feraient donc plutôt diminuer la productivité, notamment à cause du bruit. Mais est-ce vraiment une fatalité ? Faut-il choisir entre d’un côté la convivialité, l’esprit d’équipe et la communication, et de l’autre la productivité le silence et la tranquillité ? Pas nécessairement.

Les open spaces : le grand malentendu

Le grand problème des open spaces, c’est qu’il y a eu dès le départ un malentendu sur leur forme et sur leur objectif. Les architectes qui ont travaillé sur le concept d’espace ouvert au 20ème siècle (notamment Frank Lloyd Wright), ont développé cette idée (à l’origine pour les habitations) dans le but de faciliter la vie, de rendre les espaces plus chaleureux et plus adaptés à la vie quotidienne.

Il ne suffisait donc pas d’ouvrir les espaces, de casser les murs. Il fallait aussi construire les espaces de manière fonctionnelle, augmenter la luminosité, ajouter des plantes vertes, structurer l’espace de façon à la fois agréable et utilitaire. Il fallait avoir des espaces pluriels, dédiés chacun à des fonctions spécifiques. Des espaces communs, mais aussi des espaces privés. En matière d’espace de travail, la plupart des open spaces qui se sont développés des années 1970 aux années 2000 ont oublié toute ces dimensions. Ils ont simplement supprimé les bureaux individuels mais sans penser à la façon de construire un espace fonctionnel et agréable.

On a simplement regroupé les postes de travail, aligné les bureaux et les ordinateurs de façon à optimiser l’espace. Et sur bien des plans, cela a fonctionné. Mais rapidement, on s’est rendu compte que ces espaces « ouverts » avaient aussi de nombreux désavantages : froids, déshumanisants, bruyants… On a donc seulement suivi l’idée à moitié, et le malentendu est là : car aujourd’hui beaucoup de salariés se disent insatisfaits de leur espace de travail. Il faudrait donc réinventer l’open space pour en fait des espaces adaptés conçus avant tout pour les salariés.

Une solution : réinventer les open spaces pour en faire des espaces adaptés

communication-rse-tendancesEn 2011, des experts en psychologie organisationnelle ont ainsi démontré que le plus important dans le design d’un espace de travail était la flexibilité. Il s’agit de concevoir son espace par zones, afin de permettre à des employés aux besoins différents de travailler dans des conditions optimales. Ainsi, un « open space » peut très bien fonctionner pour une équipe de salariés travaillant sur des projets communs, ou ayant besoin de se communiquer des informations rapidement. En revanche, pour des fonctions où de nombreux appels téléphoniques sont nécessaires, ou pour des postes qui nécessitent une forte concentration (comme les comptables) il semble plus approprié de définir des espaces un peu plus privatisés.

Les études sur le sujet montrent qu’en réalité, c’est en donnant aux salariés une autonomie dans la façon dont ils travaillent que l’on obtient les meilleurs résultats. L’open space peut donc être une base intéressante pour organiser l’espace d’un lieu de travail. Mais cela ne fonctionne qu’à condition qu’il soit correctement construit pour éviter le bruit, pour que l’on puisse facilement trouver des salles de réunion où passer ses appels ainsi que des espaces de travail variés : debout, assis, isolé, collectif, calme ou convivial.

Les designers et architectes parlent aujourd’hui de différents types d’espaces, chacun ayant une fonction au sein de l’espace de travail :

  • Les « refuges » : des zones restreintes, limitées au travail calme et intensif
  • Les « enclaves » : des espaces plus ou moins ouverts où il est possible pour des petits groupes (3-4 personnes) de se lancer dans une réunion ou une séance de travail collectif sans déranger le reste de l’open space
  • Les salles de réunion, plus classiques, où l’on peut se rassembler jusqu’à 8 à 10 personnes pour des réunions de travail.
  • L' »open space » en lui même : doté d’espaces de travail fixes où chacun peut s’approprier un espace. Il peut aussi disposer de bureaux debout afin de promouvoir la variété des positions de travail (voir notre article : Comment la position assise nuit à votre productivité ?)
  • Des salles communes, de détente, de socialisation, où l’on peut prendre une pause, déjeuner, se relaxer.

En plus de ces différentes structures, il faudrait aménager l’ensemble pour qu’il soit optimisé pour le bien-être des salariés. Il s’agit de les rendre lumineux, ouverts, de favoriser la circulation de l’air, d’y installer des plantes… Pour plus d’informations à ce sujet, consulter nos articles :

 

digital-numerique-associationLa conclusion de la plupart des experts sur le sujet, c’est qu’il n’y a en fait pas de schéma type qui fonctionne pour tous les salariés et toutes les organisations. Tout dépend des fonctions, des travaux à effectuer, des sensibilités de chacun. Mais la culture d’entreprise est également fondamentale : si l’on met en place des règles d’utilisation de l’espace qui permettent à chacun de s’y retrouver, tous types d’espaces offrant un minimum d’autonomie peut être optimisé ! La culture de travail joue aussi : aujourd’hui les millenials plébiscitent les espaces de travail ouverts alors que leurs aînés favorisent plutôt les bureaux privatifs.

Il ne s’agit donc pas de savoir si l’open space est meilleur ou non que les bureaux privatif. Au contraire, il s’agit de bien connaître son organisation, ses salariés et sa culture d’entreprise afin de proposer des bureaux qui proposent les deux dans des proportions optimales. Il s’agit de comprendre que c’est avant tout la flexibilité et l’autonomie qui permettent la performance, et c’est particulièrement vrai pour la gestion de son espace de travail.