La RSE est de plus en plus présente dans les entreprises et devient un sujet business de plus en plus fort. Mais ce qui pourrait sembler une bonne nouvelle est en fait un trompe l’oeil : la RSE devient mainstream pour les mauvaises raisons.

La Responsabilité Sociale des Entreprises, c’est le sujet à la mode. Le buzzword en quelque sorte. Désormais, toutes les entreprises se doivent de faire de la RSE, d’agir pour un développement plus durables, d’être responsables et durables. Beaucoup ont désormais un rapport RSE, une communication ad hoc, parfois un département spécifiquement dédié à la question.

Mais dans les faits, que dit cette tendance sur la capacité des entreprises à changer leur business model ? La dernière étude de McKinsey sur le sujet est particulièrement éclairante à ce sujet.

La RSE : c’est désormais mainstream

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Commençons par les bonnes nouvelles. De plus en plus d’entreprises s’intéressent à la RSE et la mettent, au moins sur le papier en pratique. C’est l’un des résultats encourageants de l’étude « Sustainability’s deepening imprint » publiée en décembre 2017 par McKinsey.

En effet, depuis plusieurs années, McKinsey s’intéresse aux pratiques des entreprises liées à la RSE ou à la durabilité. Et cette année, on note encore des progrès dans les perceptions de ces sujets : 70% des entreprises interrogées disent avoir aujourd’hui une forme de gouvernance et de gestion des problématiques de développement durable. Elles n’étaient que 56% en 2012. 60% des entreprises interrogées déclarent que leur engagement a augmenté ces dernières années sur ces questions.

Concrètement, cela montre que la RSE devient mainstream. Désormais, on ne se pose même plus la question : en tant qu’entreprise, on doit faire de la RSE et du développement durable, au moins un minimum.

Faire du développement durable pour de mauvaises raisons

Le problème, c’est que cet engouement soudain pour le développement durable cache des motivations… plutôt floues. Ainsi, 46% des entreprises disent faire du développement durable ou de la RSE pour « mieux s’aligner à leurs objectifs, leurs missions ou leurs valeurs ». Pas très concret. Ils sont 32% à le faire pour « construire, maintenir et améliorer leur réputation ». 24% le font pour « coller aux attentes de leurs consommateurs ». Ce sont donc plutôt des raisons d’image et de relations publiques que des raison de durabilité proprement dit.

Quant à « Avoir un impact positif tangible sur le monde » ? Cette raison n’arrive qu’à la 9ème place sur 11 propositions, bien loin derrière « développer de nouvelles opportunités de croissance » ou « améliorer notre efficacité opérationnelle ». En résumé, on dirait bien que la plupart des entreprises font surtout de la RSE pour faire de l’argent, améliorer leur image et communiquer. Assez peu le font pour améliorer leur impact sur l’environnement ou sur la société. De fait, difficile d’attendre d’une entreprise qu’elle fasse du bénévolat pour la planète, mais force est de constater que les motivations avancées tiennent plus du discours que d’une évidente volonté de changer son modèle.

Ce constat n’est pas forcément étonnant : la RSE est une opportunité de business. Faire de la RSE, se connecter aux attentes de durabilité de ses consommateurs, faire de l’éco-conception : tout cela rapporte de l’argent, aide à la performance de l’entreprise. Il n’y a d’ailleurs pas de mal à faire de la RSE en ayant en tête les opportunités économiques que cela représente. Mais il ne faudrait pas non plus que la RSE soit réduite à ça : une liste de mesures vagues que l’on met en place dans la seule idée d’améliorer son image ou de faire plus d’argent. Or en regardant ces chiffres, on est tentés de penser que la RSE est encore perçue dans l’entreprise comme une simple variable d’ajustement de la réputation.

Le développement durable en entreprise : pas encore intégré au niveau stratégique

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Surtout, on retrouve ce constat lorsque l’on interroge les entreprises sur les enjeux qu’elles considèrent importants dans leur démarche de développement durable. Le premier enjeu, c’est la sécurité de l’information, cité par 44% des entreprises. C’est certes un enjeu important, mais l’est-il réellement lorsque l’on parle de développement durable et qu’on le compare par exemple aux émissions de gaz à effet de serre ou à la gestion de l’eau, les deux enjeux les moins cités en réponse à cette question ?

Le second enjeu, c’est l’efficacité énergétique, et le troisième le développement économique. On le voit avec ces 3 enjeux, on se situe sur des problématiques finalement assez peu contraignantes au niveau stratégique pour les entreprises. Le développement économique est un enjeu suffisamment vague pour qu’on puisse y mettre un peu tout ce que l’on souhaite : si l’entreprise a créé des emplois, ou si elle a contribué à une activité économique sur un territoire, elle peut dire qu’elle contribue au « développement économique ». Si elle a fait un peu d’éco-conception ou diminué certains gaspillages électriques, elle aura fait de l' »efficacité énergétique » et ce même si par ailleurs elle a augmenté ses externalités environnementales. Au final, cela ne veut pas dire qu’elle s’engage profondément sur les sujets de durabilité environnementale ou économique. Ce serait autre chose de s’engager à réduire ses émissions de gaz à effet de serre : là, il y aurait un enjeu objectivement mesurable, une vraie contrainte sur le business model.

Autre constat significatif de l’étude : le développement durable est très loin d’être intégré aux fonctions stratégiques de l’entreprise ! Ainsi, lorsque l’on demande aux entreprises si elles investissent dans la R&D pour développer des produits et services plus durables et responsables, elles ne sont que 29% à répondre oui. Elles sont seulement 24% à considérer et à gérer les impacts environnementaux ou sociaux de leur supply chain, seulement 25% à tenter de gérer les impacts de leurs produits et services sur la fin de leur cycle de vie. Elles ne sont que 29% à intégrer la durabilité à leurs pratiques de marketing.

Les secteurs où les entreprises pratiquent vraiment la durabilité sont les suivants : la gestion de la réputation et l’engagement des salariés. Des aspects certes importants de la durabilité pour une entreprise, mais malheureusement pas les plus fondamentaux au regard des impacts.

Au final, le rapport McKinsey laisse une impression étrange quant au développement de la RSE. D’un côté il semble que la prise de conscience soit de plus en plus forte, et que la pratique rentre dans les moeurs. De l’autre côté, on se rend compte qu’il y a un vrai gap entre le déclaratif et le passage à l’action, notamment quand il s’agit de faire la RSE une pratique vraiment contraignante et stratégique. On a comme la sensation que pour beaucoup de managers, la RSE reste une sorte de cerise sur le gâteau, que l’on met en place à la marge pour améliorer sa réputation ou réduire ses coûts, sans réflexion de fond sur l’enjeu essentiel : la durabilité. Encore un défi à relever pour les responsables RSE : aller enfin au bout des choses.