92%, c’est le nombre de français qui déclarent trier chez eux leurs déchets plastiques. Conscients de l’impact de leurs habitudes sur la quantité de déchets produits, de plus en plus de français se tournent vers le vrac pour réduire leurs déchets. Retour sur une tendance de fond qui s’amplifie.
Un changement des mentalités nécessaire pour réduire les déchets plastiques
En prenant quelques minutes pour observer son environnement, tout le monde peut constater que nous sommes littéralement cernés par le plastique. Ce matériau a envahi tous nos espaces : automobiles, vêtements, emballages alimentaires, produits d’hygiène, mobiliers de jardin, etc.
En dehors de la consommation de pétrole ou de CO2 généré lors de la production du plastique, le principal problème est qu’il faut au minimum 100 ans pour qu’il se dégrade en micro-plastiques… Qui finissent dans les océans (pour plus d’informations voir : Pollution en mer, les ravages du plastique). D’ailleurs selon le World Economic Forum, chaque minute, l’équivalent d’un camion de déchets plastiques finit dans les mers et océans.
Ces dernières années, ce problème a été le sujet d’une véritable prise de conscience, autant politique que citoyenne. Le Parlement européen a ainsi validé une proposition de directive en décembre 2018 pour interdire à l’horizon 2021 les produits en plastique à usage unique. Mais l’Union est loin d’être précurseur dans le domaine : le premier Etat à avoir interdit l’utilisation des sacs plastiques est le Bangladesh en 2002, suivi six ans plus tard par la Chine. Aujourd’hui, on dénombre une soixantaine d’Etats qui ont adoptés des mesures destinées à limiter l’utilisation du plastique à usage unique.
Mais ces quelques avancées ne permettront pas d’enrayer l’augmentation prévue de la production annuelle de plastique de 41% d’ici 2030 selon le dernier rapport du WWF. Pour changer la donne, il faut que les utilisateurs finaux du plastique, autrement dit des citoyens, modifient leurs habitudes, car 50% en volume et 30% en poids de nos déchets ménagers sont faits de matière plastique.
Or justement, en France, les magasins proposant des produits en vrac se développent et constituent un excellent moyen de réduire ce type de déchets.
La (re)découverte de la vente en vrac par les français
La vente en vrac se définit selon l’ADEME comme un système de distribution consistant à proposer à la vente des produits qui ne sont pas préemballés que le client peut acheter au poids en fonction de ses besoins. Les produits sont conditionnés sur le lieu de vente, soit dans un emballage simplifié fourni par le magasin, soit dans un contenant apporté par le client.
Le vrac inclut la vente en libre-service mais aussi les systèmes de vente à la coupe (rayons boucherie, fromagerie, poissonnerie). De nombreux produits de consommation sont susceptibles d’être vendus de cette façon : denrées alimentaires, produits pour animaux, produits d’hygiène et cosmétiques, détergents, accessoires de bricolage.
Avant le développement des grandes surfaces dans les années 1960, la vente en vrac était l’unique système de distribution des produits alimentaires et non alimentaires. L’industrialisation du secteur agro-alimentaire corrélée à l’essor des supermarchés a engendré un développement massif des produits emballés en libre accès, entrainant une disparition progressive du vrac jugé incompatible avec ce système (sauf pour quelques produits comme les fruits et légumes). Mais depuis quelques années, on assiste à un retour de la vente en vrac dans l’Hexagone, retour longtemps discret mais de plus en plus visible.
En effet, le système de distribution en vrac présente des intérêts à la fois écologique et économique : au niveau écologique, la vente en vrac limite considérablement la quantité d’emballages. L’idée est que l’acheteur se serve directement en utilisant des petits sacs en papier mis à sa disposition ou vienne avec ses propres contenants – en verre si possible. Ce système limite donc fortement le recours aux packaging inutiles et surtout aux emballages en plastique. De plus, il évite le gaspillage car l’acheteur ne prend que la quantité dont il a besoin et l’absence de marketing ou d’offres promotionnelles autour des produits suppriment l’idée même d’acheter un pack familial alors que l’on vit seul ou à deux.
Au niveau économique, la logique voudrait qu’en supprimant les emballages, on en supprime les coûts afférents ce dont il résulterait des prix plus attractifs. Cependant en réalité, la vente en vrac nécessite souvent la mise en place d’une logistique complexe (car il faut bien transporter les produits ce qui n’est pas chose aisée en l’absence d’emballage !) et plus de main d’œuvre. En effet, sans emballage pour fournir les informations sur les produits, la présence de vendeurs est indispensable, sans parler du fait que l’hygiène doit être irréprochable pour conserver les produits, ce qui mobilise aussi du personnel. Dès lors, la réduction des prix de 5 à 30% résulte surtout d’une réduction des marges, d’une mutualisation des achats et des livraisons des enseignes proposant du vrac.
Le vrac, un mode de distribution qui s’impose progressivement en France
Aujourd’hui la vente en vrac représente 1,5% des achats en France. Le pays est un des plus développé dans ce secteur. Le Réseau Vrac estime qu’il existe actuellement plus de 160 épiceries spécialisées sur le territoire et qu’environ 80% des magasins biologiques sont équipés de rayon permettant ce mode de distribution. Ce phénomène commence également à toucher les grandes surfaces qui mettent de plus en plus à disposition en vrac certains produits « hors frais ». Au total, entre 500 et 600 enseignes dans l’Hexagone offrirait la possibilité aux clients d’acheter en vrac.
Le secteur est donc en pleine croissance et pourrait concerner 6 à 7% des achats des français d’ici 2027 d’après Célia Rennesson, direction de l’association interprofessionnelle Réseau Vrac. Cette évolution potentielle repose pour l’essentiel sur les perspectives de croissance du « vrac hors frais », dont le marché a été multiplié par 5 pour passer de 100 à 500 millions d’euros en 2017.
Malgré le développement d’enseignes spécialisées comme Day by Day, le secteur qui devrait le plus bénéficier de l’engouement pour le vrac dans un futur proche est celui de la grande distribution. Alors que ces enseignes ne sont que 20% à proposer des produits en vrac pour le moment, d’ici dix ans, elles pourraient détenir 50% des parts de marché.
Toutefois, si ce mode de distribution a de beaux jours devant lui, il reste soumis à de nombreuses contraintes, notamment législatives.
Le vrac : un développement freiné par une règlementation protectrice des consommateurs mais contraignante
A l’heure actuelle, la vente en vrac de certains produits reste prohibée. En effet, la règlementation applicable, destinée à garantir l’hygiène et l’information des consommateurs, constitue une nécessité mais en freine en partie le développement.
L’interdiction de la vente en vrac des produits AOP
L’un des problèmes de la vente en vrac est qu’elle rend difficile la traçabilité des produits et leur qualité. C’est la raison pour laquelle il est impossible d’acheter en vrac des produits bénéficiant d’un label de qualité ou d’origine géographique comme le label AOP. Impossible donc de trouver en vrac des crozets de Savoie ou des noix du Périgord. De même, pendant longtemps la vente en vrac d’huile d’olive était prohibée ; elle est désormais autorisée sous réserve que le versement de l’huile dans le contenant soit effectué directement devant l’acheteur.
Les contraintes règlementaires concernant les denrées alimentaires
Pour garantir la sécurité sanitaire des denrées alimentaires, la vente en vrac doit respecter certaines obligations. Conformément au règlement européen 1169/2011 d’octobre 2011 relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires complété par décret, les denrées alimentaires doivent faire l’objet d’un étiquetage comprenant plusieurs mentions obligatoires. Il appartient dès lors aux vendeurs de fournir aux acheteurs sur un écriteau faisant office d’étiquette les informations suivantes : la dénomination du produit, son état physique (congelé, décongelé), son prix au poids ou à la pièce, la présence ou non d’allergènes.
Face à cette législation complexe, il est fréquent que certaines des mentions soient absentes ou insuffisantes dans les commerces en vrac, en particulier chez les artisans qui vendent au détail ou à la coupe sur les marchés et ne sont pas forcément au courant de toutes ces normes… Ou ne savent comment les mettre en oeuvre en pratique.
La vente de cosmétiques en vrac également soumise à des conditions d’étiquetage strictes
Les règles relatives à l’étiquetage sont également valables pour les denrées non-alimentaires, bien que les mentions à faire apparaître diffèrent. Conformément au décret transposant le règlement européen de 2009 sur les produits cosmétiques, tout produit cosmétique présenté non préemballé, emballé sur les lieux de vente à la demande de l’acheteur doit être muni sur lui-même ou à proximité immédiate, par tout moyen, des mentions obligatoires prévu par ledit règlement. Parmi ces mentions, figure le nom du fabriquant, la liste nominale des ingrédients, la date de durabilité minimale, les précautions particulières d’emploi… Cela suppose donc d’avoir un écriteau très détaillé à côté des produits, même si ces informations sont indispensables. Il est d’ailleurs à noter qu’en cas de violation de l’obligation d’étiquetage, le distributeur ou vendeur s’expose à des sanctions pénales.
Ces différentes contraintes règlementaires, si elles visent à garantir la sécurité des consommateurs, compliquent les possibilités de développement de la vente en vrac pour un certain nombre de produits. Néanmoins, malgré cet encadrement législatif strict et des difficultés logistiques supplémentaires, l’intérêt pour la vente en vrac laisse présager un bel avenir à ce mode de distribution. En effet, 47% des Français ont déclaré avoir acheté en vrac au moins une fois en 2018, alors qu’ils n’étaient que 32% en 1998 selon une étude menée par le CREDOC.
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Crédit image : Shutterstock, organic food store.