Selon une étude publiée par l’Imperial College de Londres, il serait possible de réduire l’impact climatique des avions, notamment celles des traînées de condensation, en changeant légèrement leur altitude. Explications.

L’impact climatique de l’aviation est de plus en plus fréquemment pointé du doigt. Avec des centaines de tonnes de CO2 émises par chaque vol intercontinental, l’avion est l’un des modes de transport les plus polluants (voir à ce sujet notre article : Avion, voiture : quel mode de transport pollue le plus ?).

Officiellement, le GIEC considère que l’aviation n’est responsable que de 2 à 3% des émissions de CO2. Mais la croissance soutenue du secteur ces dernières années appelle à la prudence : l’aviation pourrait devenir dans les années à venir l’un des plus gros contributeurs à la hausse des émissions de CO2. De plus, selon certains chercheurs, il serait nécessaire de refaire les calculs, notamment pour prendre en compte l’effet climatique des traînées de condensation. En effet, les traînées de vapeur d’eau dégagées par les avions en altitude (les contrails) auraient un effet sur le réchauffement climatique via ce que l’on appelle le forçage radiatif.

C’est justement sur cet effet de forçage radiatif que se sont penchés des chercheurs de l’Imperial College de Londres. Dans une étude publiée en février 2020, ils suggèrent qu’il serait possible de réduire fortement l’impact climatique des traînées de condensation en modifiant légèrement l’altitude de vol des avions. Explications.

Traînées de condensation, contrails et forçage radiatif des avions

Le principe des contrails, ou traînées de condensation est simple : dans certaines conditions d’altitude, de pression, d’hygrométrie et de température, les gaz issus de la combustion des moteurs d’avion se « condensent ». Cela forme des traînées blanches que l’on aperçoit du sol et qui sont essentiellement constituées de vapeur d’eau et de suies de combustion.

Normalement, ces traînées se dissipent très rapidement et n’ont pas d’effet climatique significatif. Mais dans certains cas, elles peuvent se transformer en nuages plus persistants, qui restent plusieurs heures voire plusieurs dizaines d’heures en suspension dans l’atmosphère.

Le problème, c’est que cette couverture nuageuse artificielle modifie les circulations énergétiques dans l’atmosphère et accentue des phénomènes comme l’effet de serre. Et cela contribue donc à la perturbation des mécanismes climatiques et donc au réchauffement climatique.

Aujourd’hui on estime que ces traînées de condensation contribueraient autant au réchauffement climatique que l’ensemble des émissions de CO2 des avions. La contribution de l’aviation au réchauffement climatique pourrait donc être deux fois supérieure aux estimations des dernières années.

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Changer l’altitude de vol pour réduire le forçage radiatif des traînées de condensation

Les chercheurs de l’Imperial College ont cherché à étudier ce phénomène pour comprendre comment il se formait, dans quelles conditions, afin de trouver des solutions pour le limiter.

Selon leurs travaux (basés sur les données de l’aviation au Japon), seule une faible proportion des vols civils, dans des conditions particulières, entraîneraient la formation de traînées de condensation persistantes. Environ 2.2% des vols seraient responsables de 80% des traînées de condensation persistantes.

Et il serait en théorie possible de réduire fortement ces traînées en décalant légèrement l’altitude de croisière des avions. En effet, la plupart des trainées de condensation se forment lorsque les gaz d’échappement chauds des avions sont émis dans des zones sursaturées en glace (quand l’humidité relative est supérieure à la saturation). Or ces zones sont généralement distribuées sur de vastes zones horizontalement, mais se développent peu en hauteur. En volant un peu plus haut ou un peu plus bas, on peut donc en théorie les éviter.

L’idée des chercheurs serait donc de décaler l’altitude des vols susceptibles de créer des contrails (moins de 2% des vols), d’environ 600m vers le haut ou vers le bas (selon les conditions) afin d’éviter de circuler dans des zones sursaturées.

Altitude et traînées de condensation : une question complexe

Toutefois, une telle stratégie doit être minutieusement réfléchie pour être efficace. Il faut en effet que les changements de circulation soient planifiés pour éviter de surconsommer du carburant. Il faut aussi prendre en compte les contraintes techniques et de sécurité, par exemple examiner comment les changements d’altitude peuvent avoir lieu dans des zones qui sont déjà saturées par les circulations aériennes.

Mais en se focalisant seulement sur les vols les plus susceptibles de participer à la formation de contrails (moins de 2% des vols), les chercheurs estiment qu’il est possible de réduire jusqu’à 60% les traînées de condensation et le forçage radiatif associé. En combinant cette stratégie avec le déploiement de moteurs rejetant moins de polluants comme les DAC (Double Annular Combustors), on pourrait même aller encore plus loin. En effet, en réduisant la quantité de résidus de suie présents dans les gaz d’échappement, on réduit aussi la concentration de cristallisation des traînées de condensation, qui sont alors moins denses et persistantes. Si tout cela est confirmé, la combinaison de ces deux stratégies pourrait réduire significativement l’impact climatique de l’aviation.

Malgré tout, une telle stratégie ne résoudrait pas le problème climatique immense posé par le trafic aérien mondial. En effet, le trafic aérien est en croissance constante, d’année en année. Prix de plus en plus bas, compétition des compagnies low-costs, infrastructures de plus en plus nombreuses… Il n’a jamais été aussi simple de prendre l’avion. Résultat, les émissions de CO2 liées à l’aviation civile sont en augmentation rapide. Même en déployant des stratégies de réduction ciblées comme celles présentées par les chercheurs de l’Imperial College, une telle croissance, si elle se poursuit, ne sera jamais compatible avec l’atteinte des objectifs climatiques fixés par le GIEC.

Il faut donc, au-delà des mesures techniques, avoir une réflexion bien plus profonde sur la place du transport aérien dans le monde, et notamment s’interroger sur la nécessité de limiter au maximum son usage.

Photo par Harry Knight sur Unsplash