Vendanges de plus en plus tôt, augmentation de la teneur en alcool du vin… Les signaux sont clairs : le changement climatique affecte la production viticole.
La part du vin dans la l’économie agricole française est significative. Le vin représente, selon FranceAgriMer, 15 % de la valeur de la production agricole française. Connue dans le monde entier pour la typicité de ses terroirs, la production viticole française est parmi les plus réputée de la planète.
Mais alors, comment le réchauffement climatique affecte-t-il la production de vin, en général, et notamment en France ? Comment la vigne réagit-elle face aux variations atmosphériques ? Quelles sont les conséquences pour cette filière agricole ? On fait le point.
Réchauffement climatique : des vendanges de plus en plus précoces
La première conséquence des évolutions climatiques sur la production de vin est visible sur le calendrier de la vigne. Selon l’INRA, la date des vendanges est de plus en plus précoce au fur et à mesure que le climat se réchauffe. Les vendanges auraient avancé de près de 15 jours en 26 ans à St-Emilion et dans les Côtes du Rhône, et de 26 jours en Alsace.
Une tendance qui devrait se poursuivre à en croire cette étude menée en 2007 : si en 2004 les vendanges s’effectuent autour du 18 septembre (moyenne sur 10 ans) en Bourgogne, elles devraient être réalisés autour du 8 septembre en 2050 et du 24 août en 2100, en se basant sur l’évolution des températures du GIEC. Tout simplement parce qu’une température élevée favorise et accélère la maturation de la vigne en raison de journées plus longues et plus chaudes.
L’étude souligne que ces dates peuvent servir d’indications pour des autres régions, en prenant en compte les écarts moyens par rapport au « Référent Bourgogne » en fonction des caractéristiques climatiques locales, des cépages et du type de vin recherché.
Le problème, c’est que le fait de vendanger alors que les températures sont encore estivales peut engendrer des difficultés dans les processus de vinification. Lorsque l’on vendange par temps chaud, les grappes de raisin s’oxydent plus facilement et perdent certaines de leurs qualités organoleptiques. Pour s’adapter à cette nouvelle réalité, de plus en plus de domaines viticoles choisissent alors par exemple de vendanger de nuit.
L’augmentation de la teneur en alcool du vin
Autre témoin du réchauffement climatique dans la viticulture : l’augmentation de la teneur en alcool dans le vin. Elle a bondi de 2% en 20 ans d’après cette étude menée notamment en partenariat avec l’INRA.
Pour bien comprendre, il faut savoir que l’alcool provient du sucre qui a fermenté grâce à des levures. Ainsi, plus le raisin est riche en sucre, plus le vin sera chargé en alcool. 17g de sucre par litre, donnent 1% d’alcool. Avec le réchauffement climatique, les raisins sont plus concentrés en sucre, et donc en alcool après transformation. Comment l’expliquer ?
La concentration en sucre du raisin dépend en grande partie du niveau d’ensoleillement et de la concentration atmosphérique en CO2. La hausse de ces deux facteurs accélère le processus de photosynthèse, à l’origine de la production végétale. Le raisin arrive donc à maturité plus rapidement.
Du fait de l’avancée de la véraison (période au cours de laquelle le raisin gonfle et prend sa couleur définitive) et de l’augmentation de la température moyenne, la maturation se déroule en conditions de plus en plus chaudes. Le raisin est donc plus chargé en sucre. Une étude menée dans le cadre du projet LACCAVE constate par exemple que le Bordeaux a gagné près d’1° d’alcool et perdu 1g/L d’acidité.
Climat : quel impact sur la qualité du vin
Ainsi, la composition des raisins et des vins évolue avec le dérèglement climatique. Les raisins sont naturellement sucrés et acides. Le rapport sucres/acides est important pour la structure, l’équilibre et la conservation des vins.
Depuis 30 ans, on observe des modifications de ce rapport, mais aussi un écart grandissant entre accumulation des sucres et des polyphénols (molécule organique aux propriétés antioxydantes) et des effets sur la composante aromatique : certains arômes disparaissent à haute température quand d’autres émergent au contraire lorsque les températures montent.
Les conséquences sur la composition finale des raisins et des vins vont dépendre des interactions complexes entre tous de nombreux paramètres tels que la concentration de CO2, la température moyenne, la sécheresse ou encore le stress thermique. Ces paramètres dépendront également des cépages, des régions et du climat. L’évolution du climat a donc un effet bien réel mais difficile à prédire sur la qualité générale des vins.
L’apparition plus fréquente d’agents pathogènes
Les évolutions climatiques peuvent aussi modifier les cycles des ravageur ou des champignons pathogènes pour la vigne, comme le mildiou ou l’oïdium. Difficile de prévoir exactement quelles seront ces évolutions, puisqu’elles dépendent des vignobles et de leurs spécificités climatiques, mais il est possible que l’augmentation des phénomènes météo extrêmes favoris le développement de ces agents pathogènes certaines années dans certains vignobles. Par exemple, en 2015, dans le Gard, c’est le black-rot, une maladie ancienne de la vigne, qui a entraîné la perte de plusieurs millions de bouteilles.
A ces préoccupations s’ajoutent les insectes. La cicadelle par exemple peut être porteuse de l’agent pathogène de la flavescence dorée. Celui-ci se présente sous la forme d’un phytoplasme, agent biologique persistant qui provoque la mort du cep contaminé au bout de deux ans. La cochylis et l’eudémis sont également des insectes craints des viticulteurs. Des papillons femelles déposent leurs oeufs sur sur les feuilles ou bien dans les boutons floraux. Deux ou trois semaines plus tard, des chenilles apparaissent et sont responsables des dommages portés sur la vigne.
Le changement climatique pourrait élargir les territoires de ces insectes vecteurs, bien que les preuves scientifiques soient pour l’heure disparates. On constate ainsi que les températures élevées semblent favoriser la prévalence de la flavescence dorée, tout en limitant la progression de son vecteur, la cicadelle. En tout état de cause, le changement climatique n’est pas le seul facteur qui puisse influencer le développement de ces pathogènes : l’état global de la biodiversité, la gestion des sols, la densité des plantations ou la diversité des cultures sont des facteurs prépondérants dans le développement (ou non) des agents pathogènes du vin.
L’impact sur la singularité du vin
La transformation du climat pourrait aussi altérer la typicité des vins, en France et ailleurs. La typicité du vin français est très dépendante du sol et du climat de ses terroirs. Ainsi, le changement climatique peut provoquer une modification de la spécificité des vins qui risquent alors de perdre leurs caractéristiques uniques.
Par exemple, selon l’Université de Bourgogne, certains cépages comme le Pinot Noir sont d’ores et déjà touchés par le dérèglement climatique dans le vignoble de Beaune. Le cépage est en effet très réactif aux aléas climatique et semble d’ores et déjà à la limite de sa capacité d’adaptation. Certains imaginent alors déjà pouvoir remplacer l’emblématique Pinot Noir de Bourgogne, par des cépages plus adaptés aux températures élevées comme le mourvedre, le grenache ou encore la syrah. Mais la spécificité des vins de Bourgogne serait alors totalement transformée.
D’une manière plus générale, selon une étude publiée dans la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), plus d’une région viticole sur deux dans le monde pourrait ne plus être apte à la culture viticole actuelle dans un scénario à +2°C. Si la planète se réchauffe de 4 degrés, comme dans les pires scénarios climatiques, le chiffre monte à 85%. Mais tous les territoires ne seraient pas touchés également. Si en France la culture de la vigne devrait devenir plus difficile dans les régions méridionales, les zones septentrionales pourraient bénéficier de nouvelles zones cultivables. Une question de latitude.
La situation actuelle et les prévisions pour l’avenir montrent que le dérèglement climatique a un impact sur la viticulture française. Il sera nécessaire, dans un avenir proche, de modifier le cahier des charges des AOC et de proposer de nouveaux vins adaptés à l’évolution de l’environnement (teneur en alcool réduite…).
Photo by Kym Ellis on Unsplash
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