Quel bilan tirer de la COP26 et du Pacte de Glasgow ? Quels progrès dans la lutte contre le réchauffement climatique ? On fait le point.

La COP26 se termine, avec de nouveaux accords, de nouvelles déclarations et de nouveaux objectifs. Présentée par beaucoup comme la réunion de la dernière chance pour inverser l’aggravation de la crise climatique, la COP26 a réuni de nombreux dirigeants politiques et économiques a Glasgow pour négocier le futur des actions climatiques internationales.

Il s’agissait, comme chaque année, de réexaminer la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique, de suivre les actions climatiques (y compris celles actées dans le cadre de l’Accord de Paris) et de prévoir la suite. Et l’enjeu est énorme : le rapport du GIEC sorti en août dernier a reconfirmé l’urgence de faire décroître de façon rapide nos émissions de gaz à effet de serre pour éviter une situation catastrophique. La COP26 devait donc permettre d’accélérer la mise en place d’actions structurées dans ce but.

Alors, après deux semaines de négociations, qu’en est-il ? La COP26 est-elle un succès ? Pas vraiment. Les trois déclarations (ici, ici et ici) du Pacte de Glasgow font 11 pages. On peut en tirer 10 grands enseignements des négociations climatiques de Glasgow : 5 positifs, et 5 négatifs. Pour un bilan plus que mitigé. Commençons par le positif.

1 – Objectif : 1.5 degré

C’est l’un des points d’achoppement réguliers des négociations climatiques : faut-il viser 1.5 degré, ou 2 degrés, dans le cadre de notre action climatique ? L’Accord de Paris en 2015 s’était arrêté sur un consensus mou, en visant « un niveau bien en dessous de 2 degrés », laissant ouvertes les interprétations. Le pacte de Glasgow est plus clair, et remet l’objectif d’1.5 degré sur la table. La pression exercée aux négociations ont permis au moins de clarifier ce point.

2 – Des ambitions révisées à la hausse

Dans l’Accord de Paris, il est prévu que les pays signataires se fixent des ambitions de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Il est également prévu que ces ambitions soient revues régulièrement à la hausse. En amont de Glasgow, certaines parties de la conférence ont ainsi actualisé leurs déclarations, et renforcé leurs objectifs. Mais surtout, le Pacte de Glasgow a renforcé ce mécanisme : alors que les ambitions devaient initialement être révisée en 2024, l’accord prévoit qu’ils soient désormais dès 2022, ouvrant la voie à une révision annuelle des déclarations. En résumé : le Pacte de Glasgow accélère le suivi des ambition climatiques.

3 – L’affirmation de l’importance des solutions naturelles

Autre point positif : le Pacte reconnait le besoin de protéger, conserver et restaurer la nature et les écosystèmes, notamment les forêts et les autres écosystèmes terrestres et marins. C’est une avancée par rapport aux accords précédents, qui ne mentionnaient que vaguement les « solutions basées sur la nature ». Désormais, la préservation des écosystème est au coeur des débats.

Pour preuve : un accord signé par une centaine de pays sur la déforestation. Objectif : mettre fin à la déforestation en 2030. Si l’objectif existait déjà dans de précédents accords internationaux, l’accord signé réaffirme ici l’ambition collective, et prévoit des fonds pour la préservation des forêts.

4 – Un accord sur le méthane

Les négociations ont aussi accouché d’un accord sur le méthane, deuxième gaz à effet de serre le plus important. Près de 80 pays se sont engagés à réduire d’au moins 30% leurs émissions de méthane, alors qu’il n’existait pas d’objectif clair pour ce gaz. L’accord vient étendre un objectif européen déjà bien institutionnalisé. Problème : de nombreux pays, dont certains gros émetteurs (Australie, Russie, Inde) n’ont pas signé cet accord.

5 – La diplomatie climatique Etats-Unis-Chine renforcée

Le dialogue a aussi été renoué entre les Etats-Unis et la Chine sur la diplomatie climatique à Glasgow. Les deux pays ont ainsi publié une déclaration conjointe de renforcement de leur action climatique. Après une présidence Trump qui avait rendu la coordination entre les deux pays difficiles sur le sujet climatique, c’est une surprise très positive, émanant des deux plus grands pollueurs de la planète. Rien ne dit que cette déclaration sera suivie d’effets, mais elle fait en tout cas renaître une forme d’espoir.

Toutefois, les annonces du Pacte de Glasgow s’avèrent décevantes sur bien des points, et assombrissent franchement le bilan de cette COP26.

6 – Déception sur les énergies fossiles

D’abord, la grande déception vient des déclarations concernant les énergies fossiles. Suite à une pression exercée par le gouvernement indien notamment, l’idée d’affirmer la nécessaire « sortie du charbon » a été effacée du Pacte, au profit d’une nettement moins ambitieuse « diminution de l’usage du charbon ». À l’heure où l’ensemble des pays du monde devraient mettre leurs efforts sur une sortie rapide des énergies fossiles, c’est un échec important pour la convention cadre.

Autre déception concernant les énergies fossiles : le gaz et le carburant ne sont toujours pas mentionnés, alors qu’ils représentent la majorité de l’énergie consommée dans le monde, et qu’ils contribuent très largement au réchauffement climatique.

7 – Pas grand chose sur le financement du Fond Vert

Les négociations sur le plan financier n’ont pas non plus tellement avancé. Depuis 2009, c’est pourtant une question fondamentale : les pays riches, plus gros pollueurs historiques, devaient financer un Fond Vert de 100 milliards par an pour aider les pays les moins avancés à faire leur transition écologique et à s’adapter au réchauffement climatique qui les frappe de façon importante. Pourtant, ce fond n’a pas été financé à hauteur des 100 milliards en 2019, date pour laquelle les données sont disponibles.

À Glasgow, les choses n’ont pas vraiment été clarifiées et rien ne permet de dire si le financement suivra dans les prochaines années. Seul point positif : la part du financement allouée à l’adaptation au réchauffement climatique a été réévaluée à la hausse, ce qui était une demande des pays en développement et du G77.

8 – Pas de progrès sur les pertes et préjudices et le Santiago Network

Autre question cruciale : celle des pertes et préjudices. Cette notion renvoie à l’idée que les pays riches, qui sont historiquement les plus gros pollueurs et ont le plus profité du développement économique des deux derniers siècles, devraient financer la réparation des dégâts causés par le réchauffement climatique dans les pays plus pauvres. Ce sont en effet dans ces pays, notamment les Etats insulaires, de l’Asie du Sud et du Sud-Est, ou d’Afrique, que les dérèglements climatiques causent dès aujourd’hui le plus de dégâts.

Sur ce sujet, l’accord de la COP26 donne peu de réponses. Au mieux, le pacte prend acte de la nécessité de négocier plus en profondeur sur ce sujet. Il met aussi l’accent sur l’importance du Santiago Network, réseau chargé d’évaluer les pertes et préjudices et de coordonner l’action sur ce thème. Mais globalement, le sujet est renvoyé à l’ordre du jour de la prochaine COP, probablement à Charm el-Cheikh, en Egypte.

9 – Toujours pas de consensus

La COP26 a aussi été l’occasion de reconfirmer que la problématique climatique est encore loin de susciter le consensus international. D’abord, les délégations internationales ont été décevantes pour beaucoup, avec l’absence remarquée de nombreux chefs d’Etat, notamment ceux de gros contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre globales. Mais surtout, le Pacte signé par les parties est l’illustration du manque de consensus sur le sujet climatique.

Outre les désaccords majeurs sur le financement ou le charbon, le Pacte ne contient pas grand chose de significatif sur les sujets majeurs. Les accords sur le méthane ou sur la déforestation, ainsi que l’accord Etats-Unis / Chine ont d’ailleurs été signés hors du cadre du Pacte de Glasgow et de la convention cadre. Ils n’impliquent donc pas les signataires dans leur ensemble. Et ils n’ont pas vraiment réussi à réunir toutes les parties prenantes critiques. Bref : pas mal de déclarations, mais qui sont peu engageantes et ne rassemblent pas.

10 – Encore loin du compte

Enfin, l’ensemble des décisions prises à la COP26 sont fondamentalement insuffisantes. L’ensemble des ambitions affichées dans le cadre du Pacte de Glasgow nous feraient prendre une trajectoire menant à une augmentation de près de 2.4 degrés à la fin du siècle selon Climate Action Tracker, soit un réchauffement réellement catastrophique à l’échelle globale et aux échelles locales.

L’urgence d’une décroissance rapide des émissions de gaz à effet de serre a bien été actée dans le Pacte, avec une remise en avant des données publiées cette année par le GIEC. L’objectif d’une descente des émissions pour atteindre maximum 1.5 degré est réaffirmé. Mais les ambitions des signataires sont encore très loin de nous permettre d’amorcer cette décente. Et le manque de décision ambitieuse sur des termes clés comme la sortie des énergies fossiles, le financement de la transition et de l’adaptation, et la responsabilité commune mais différenciée sont réellement un frein à une politique climatique internationale efficace.

Bref, la COP26 n’est pas un échec total, puisqu’elle marque certains progrès intéressants en matière de diplomatie climatique. Mais on ne peut objectivement pas blâmer ceux qui la qualifient de COP du blabla, car l’essentiel a été éludé. Encore un an pour pas grand chose, donc, à l’heure où chaque année compte pour éviter des conséquences dramatiques liées au réchauffement climatique.

Photo par Number10gov sur Flickr.