Comment agir face au gaspillage alimentaire ? Quels sont les enjeux ? On fait le point !
Les pertes et gaspillages alimentaires représentent des volumes colossaux à travers le globe et ont des impacts à la fois éthiques, sociaux, environnementaux et économiques. Réduire le gaspillage alimentaire serait donc une manière de lutter contre la crise écologique et climatique, mais aussi de contribuer à la résolution de nombreux enjeux sociaux et économiques.
C’est dans cet esprit que les Nations Unies se sont fixées comme objectif, d’ici 2030, de « réduire de moitié à l’échelle mondiale le volume de déchets alimentaires par habitant, au niveau de la distribution comme de la consommation, et diminuer les pertes de produits alimentaires tout au long des chaînes de production et d’approvisionnement, y compris les pertes après récolte ».
Mais alors, comment agir face au gaspillage alimentaire ? Quels sont les enjeux ?
Chaque année à l’échelle du globe, 1/3 des aliments produits sont perdus ou gaspillés, soit 1,3 milliard de tonnes de nourriture.
Derrière ce chiffre de la FAO, il faut voir que les pertes et gaspillages alimentaires ne sont aux mêmes niveaux partout. En particulier, les pays en développement sont davantage concernés par les pertes alimentaires et les pays développés par le gaspillage alimentaire. Un point sémantique s’impose pour bien distinguer ces deux notions.
Les pertes alimentaires désignent une réduction de la quantité ou de la qualité d’un produit destiné à la consommation humaine à mesure qu’il avance dans la chaîne alimentaire, et qui n’est finalement pas consommé. Ces pertes peuvent se produire dans toute les phases précédant la commercialisation : phase de récolte (limitations financières ou techniques à l’exploitation), phase de stockage (mauvaises conditions de stockage qui détériorent le produit, non-respect de la chaîne du froid le rendant impropre à la consommation), phase de transport (produits perdus ou renversés), etc.
Les niveaux de pertes sont plus élevés dans les pays en développement, en raison de limitations inhérentes aux techniques de récolte, au stockage et aux infrastructures de transport.
A l’inverse, le gaspillage alimentaire est plus fréquent dans les pays développés. Ce dernier renvoie aux produits finis, de bonne qualité et aptes à la consommation, qui vont jusqu’au bout de la chaîne alimentaire mais qui pourtant ne sont pas consommés et finissent jetés. Il est lié aux décisions des commerçants, des fournisseurs de services de restauration et des consommateurs. Le gaspillage alimentaire résulte de nombreux facteurs, parmi lesquels on peut citer la non-adéquation des produits à des normes de qualité et d’apparence strictes, l’incompréhension des dates de consommation (confusion entre DLC pour Date Limite de Consommation et DDM pour Date de Durabilité Minimale) ou encore les mauvaises pratiques d’achat et de conservation par les consommateurs.
Finalement, la notion de pertes et gaspillages alimentaires renvoie à la réduction à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, de la production à la consommation, en quantité ou en qualité, de nourriture qui était initialement destinée à la consommation humaine – quelle que soit la raison.
En France, 20 tonnes d’aliments sont perdues ou gaspillées chaque minute, soit environ 10 millions de tonnes annuellement.
C’est près de 20% de la nourriture produite qui finit à la poubelle chaque année en France. Toutes les étapes de la chaîne alimentaire participent aux pertes et gaspillages alimentaires. Selon l’ADEME, elles se répartissent comme suit en France :
- 32% en phase de production
De mauvaises conditions climatiques, une méthode de récolte non adaptée ou encore à un moment de récolte inapproprié peuvent engendrer des pertes dès la phase de production des matières premières.
Par ailleurs, une fois la récolte effectuée, beaucoup de fruits et légumes ne sont pas proposés à la vente car considérés comme « hors calibres ». Cela signifie qu’ils ne correspondent pas aux « normes » : ils sont petits, n’ont pas une forme commune…
- 21% en phase de transformation
Les pertes au cours de cette phase peuvent être liées, entre autres, à une surproduction (date de péremption trop proche pour distribuer les produits), une mauvaise gestion du stockage/transport (rupture de la chaîne du froid), à des erreurs dans la recette ou dans sa mise en œuvre (oubli d’un ingrédient, surcuisson, etc rendant les aliments invendables).
- 14% en phase de distribution
Le transport entre le lieu de production et le lieu de vente peut être à l’origine d’une rupture de la chaîne du froid ou même d’une détérioration des produits les rendant soit impropres à la consommation pour raisons sanitaires, soit invendables si le produit est trop abîmé.
- 33% en phase de consommation
Cette catégorie regroupe la nourriture jetée par les commerçants et les consommateurs. En France, un habitant jette à la poubelle en moyenne entre 20 et 30 kg d’aliments chaque année selon les chiffres, dont 7 kg de produits alimentaires encore emballés. Des produits abîmés, une date de péremption dépassée ou encore des restes de repas non consommés sont les principaux motifs des consommateurs qui jettent des denrées alimentaires. Côté commerçants, c’est la gestion des stocks qui est souvent problématique et entraine parfois du gaspillage. Difficile par exemple pour un restaurateur d’anticiper le nombre de clients.
L’objectif national en France est de réduire le gaspillage alimentaire, d’ici 2025, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d’ici 2030, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.
Si le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le 3e plus gros émetteur de gaz à effet de serre au monde, derrière les Etats-Unis et la Chine.
Les pertes et gaspillages alimentaires s’accompagnent d’enjeux environnementaux majeurs.
En termes de pollution d’abord, puisque l’empreinte carbone des pertes et du gaspillage alimentaire est estimée à 3,3 gigatonnes (ou milliards de tonnes) d’équivalent CO2 par an. Ce chiffre recouvre l’énergie nécessaire pour produire, transformer, conserver, emballer, transporter… Autrement dit, à chaque fois que l’on jette de la nourriture, c’est du CO2 émis pour rien dans l’atmosphère, et donc un frein à la lutte contre le réchauffement climatique.
Il faut également souligner l’impact sur les ressources naturelles. Toujours selon la FAO, le volume total d’eau utilisé chaque année pour produire de la nourriture perdue ou gaspillée s’élève à 250 km3, soit environ 6% des prélèvements d’eau dans le monde. C’est près de trois fois le volume du lac Léman. C’est également une consommation inutile de terres agricoles : 1,4 milliard d’hectares de terres, soit 30% des superficies agricoles du monde, servent annuellement à produire de la nourriture perdue ou gaspillée.
Près de 10% de la population mondiale souffrait de faim en 2021.
Jeter de la nourriture est d’autant plus inacceptable dans la mesure où des millions de personnes ont du mal à se nourrir à travers le monde.
D’après un rapport de l’ONU sur l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, 9,8% de la population mondiale souffre de faim soit 828 millions de personnes en 2021. Et les chiffres ne diminuent pas, au contraire : la proportion de personnes touchées par la faim était de 8% de 2019 et a bondi en 2020 pour atteindre 9,3%. Par ailleurs, en 2021, quelque 2,3 milliards de personnes (29,3% de la population mondiale) étaient en situation d’insécurité alimentaire modérée ou grave.
Selon l’International Food Policy Research Institute (IFPRI), la réduction totale des pertes et gaspillages permettrait de nourrir environ 2 milliards de personnes et ainsi assurer la sécurité alimentaire et limiter l’empreinte écologique des systèmes alimentaires. On pourrait anéantir la faim dans le monde juste avec la nourriture jetée dans les pays industrialisés. Il y a donc là un enjeu éthique et social fort.
Le coût du gaspillage alimentaire représente 108€ par Français chaque année.
Les pertes et gaspillages alimentaires sont également un énorme gâchis d’argent.
Les conséquences économiques directes des pertes et du gaspillage alimentaire sont de l’ordre de 750 milliards de dollars (soit environ 775 milliards d’euros) par an dans le monde selon la FAO. C’est l’équivalent du PIB de la Suisse en 2020.
A l’échelle de la France, la valeur des 10 millions de tonnes d’aliments perdus ou gaspillés annuellement est estimée par l’ADEME à 16 milliards d’euros. Pour avoir un ordre d’idée, cela représente le coût net consacré par le gouvernement au prolongement du bouclier tarifaire, afin de réduire les factures d’énergie, en 2023. A l’échelle individuelle, l’ADEME estime que le coût du gaspillage de 29 kg de nourriture par personne et par an représente 108€. Mais ce chiffre recouvre uniquement la valeur d’achat des aliments. « A cela il faut ajouter les coûts d’énergie pour faire les courses, conserver et préparer les produits, traiter les produits jetés », précise l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Cela amène la facture globale à 160 € par personne et par an.
6 conseils pour réduire le gaspillage alimentaire
Face à ce constat, comment agir ? Puisque le consommateur a une grande part à jouer dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, voici quelques conseils pour vous aider.
Conseil n°1 : Bien s’organiser pour éviter de surconsommer
Acheter uniquement selon ses besoins évite les paquets de gâteaux qui ramollissent au fond du placard et finissent à la poubelle, ou les fruits et légumes qui pourrissent au fond du bac du frigo. Si vous avez la possibilité de faire vos courses plusieurs fois dans la semaine, c’est plus simple. Si ce n’est pas le cas, voici quelques astuces pour mieux maîtriser vos courses :
-faire l’inventaire de ce dont vous disposez déjà avant de partir pour éviter les doublons et vérifier les dates de péremption des produits pour savoir lesquels consommer en priorité ;
-établir un menu pour la semaine et liste de courses ;
-éviter de se laisser tenter par les promotions, qui poussent à la surconsommation : avant d’acheter ce produit en tête de gondole ou ce pack de 18 yaourts, demandez-vous d’abord si vous allez réellement le consommer. En revanche, de plus en plus de magasins mettent en place un rayon anti-gaspi pour les produits à date courte : ça peut valoir le coup de jeter un oeil pour sauver un produit qui va potentiellement finir à la poubelle et que l’on sait que l’on consommera ;
-si possible, manger avant de faire les courses peut éviter d’avoir les yeux plus gros que le ventre une fois dans le magasin !
Conseil n°2 : Accepter d’acheter des produits qui ne ressemblent pas aux normes industrielles
Autant que possible, se tourner vers les fruits et légumes un peu tordus ou non calibrés. Bousculez vos habitudes ! Ils auront le même goût et vous contribuerez, à votre échelle, à faire évoluer les standards dans un bon nombre de magasins.
Conseil n°3 : Apprendre à distinguer les dates de péremption
Les dates de péremption sont inscrites sur les produits. Il en existe deux types.
DLC : il s’agit de la date limite de consommation. Lorsque vous lisez sur un produit « à consommer jusqu’au », il s’agit d’une DLC. Une fois dépassée, la consommation du produit peut présenter des risques sur la santé. Si elle est dépassée de seulement quelques jours, le bon réflexe, c’est d’abord d’observer le produit, de sentir, et si l’on ne remarque rien d’anormal, de goûter. En revanche, la vente et les dons sont interdits au-delà de cette date.
DDM : c’est la date de durabilité minimale qu’on retrouve sous la mention « à consommer de préférence avant le ». C’est une date indicative qu’on retrouve sur les produits secs : l’aliment peut perdre en qualité nutritive ou gustative mais reste consommable.
Conseil n°4 : Adopter les bons gestes pour améliorer la conservation de ses aliments
Respecter la chaîne du froid est déjà un premier réflexe à avoir pour éviter le développement de bactéries dans les produits et leur atterrissage dans la poubelle. Nettoyer régulièrement ses espaces de stockage est important également pour éviter au maximum les moisissures ou encore les mites alimentaires.
De manière générale, organiser son frigo de manière à ce que les produits à date courte soient à vue d’oeil aide à les consommer en temps voulu. Vous n’avez quand même pas eu le temps de les consommer ? Ayez le réflexe de les mettre au congélateur au bon moment !
Voir aussi : 15 astuces anti-gaspi pour conserver ses aliments plus longtemps)
Conseil n°5 : Les recettes anti-gaspi pour une valorisation complète des aliments
Saviez-vous que les épluchures de légumes (de préférence bio), le jus de la conserve de pois chiches aussi appelé aquafaba ou encore les fanes de carottes peuvent complètement se consommer ? Rien ne se perd, tout se transforme ! Avec un peu de pratique, la mousse au chocolat avec de l’aquafaba, le pesto aux fanes de carottes ou encore la soupe avec la partie verte du poireau n’auront bientôt plus de secret pour vous.
Conseil n°6 : Penser au doggy bag au restaurant
Depuis le 1er juillet 2021, dans le cadre de la loi Agriculture et Alimentation, les restaurants et débits de boissons à consommer sur place sont tenus de fournir à leurs clients qui en font la demande des contenants réutilisables ou recyclables permettant d’emporter les aliments ou boissons non consommés sur place (pratique appelée « doggy bags »), à l’exception de ceux mis à disposition sous forme d’offre à volonté. La prochaine fois, pensez-y !