Selon un baromètre C3D / Wavestone, de plus en plus d’entreprises s’engagent en matière de RSE. Mais le sondage montre aussi qu’il reste un long chemin à parcourir avant que cette RSE soit pleinement intégrée à la stratégie d’entreprise.
On ne peut que se réjouir que de plus en plus d’entreprises s’engagent (contraintes ou non) dans une transformation de leurs modèles d’affaires afin d’y intégrer les enjeux sociaux et environnementaux. En ce sens, le développement de la RSE est un début de bonne nouvelle pour ceux qui voudraient voir enfin le système économique se préoccuper d’autre chose que de rendements et de dividendes.
Un récent baromètre publié par le C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable, qui rassemble près de 200 professionnels de la RSE) en partenariat avec Wavestone, vient en ce sens confirmer une tendance plutôt positive : de plus en plus d’entreprises s’engagent en matière de RSE. Mais quand on creuse, on voit que cet engagement reste encore trop en surface, pas ancré assez profondément dans les stratégies corporate.
RSE : un développement en demi-teinte dans les entreprises françaises
130 professionnels de la RSE et dirigeants d’entreprises françaises ont ainsi répondu à une série de questions sur leur vision de la RSE et leur engagement sur les thématiques sociales et environnementales. Ces sondés, principalement issus de grandes entreprises et d’ETI (78% des entreprises interrogées) et de quelques PME/TPE (22%) nous permettent d’avoir un aperçu de l’état de la RSE dans les entreprises aujourd’hui.
Et on peut en tirer au moins une bonne nouvelle : la RSE se démocratise, et elle commence enfin à chatouiller les oreilles des dirigeants, dans les COMEX notamment. Le chemin fût long, mais les chiffres sont désormais clairs : 78% des entreprises disent avoir intégré la RSE à leur COMEX. Toutefois, derrière ce chiffre, c’est le flou, car il est difficile de dire quel rôle exactement jouent les référents RSE dans les instances dirigeantes, ni à quel point la RSE y influence les décisions.
91% des entreprises interrogées disent mettre le climat dans leurs priorités, et c’est 88% concernant le bien-être au travail ! Bonne nouvelle ! Même si on s’attendrait, en 2022, à ce que 100% des entreprises considèrent au moins le bien-être de leurs salariés comme une priorité, on ne peut que constater que ces sujets progressent par rapport aux débuts de la RSE. Mais au-delà des déclarations de bonnes intentions, on peine à trouver des entreprises ayant réellement intégré à leurs objectifs stratégiques une réduction significative (et en valeur absolue) de leurs émissions de CO2, dans le cadre d’une trajectoire compatible avec la neutralité carbone. On peine aussi à trouver des entreprises qui ne souffrent pas du turn-over ou du « quiet quitting« . Étrange non ?
On comprend mieux en regardant les autres chiffres. Un exemple ? Le budget alloué à la RSE reste encore faible (moins de 2 millions d’euros par an pour 72% des entreprises) et les équipes dédiées à la questions ont encore peu d’effectifs (moins de 5 personnes à temps plein pour la majorité des entreprises interrogées). Bien-sûr, il faut relativiser ces moyennes, puisqu’elles concernent un panel d’entreprises comprenant une part non négligeables de TPE/PME, pour lesquelles il est difficile de dédier un budget et des équipes à la RSE. Mais on voit bien que les ressources sont loin d’être suffisantes pour engager un changement stratégique.
RSE : encore un manque d’outils et d’incentives
De même, on constate que beaucoup d’entreprises manquent encore des outils nécessaires à la bonne réalisation d’une stratégie RSE. Plus de la moitié n’ont même pas d’outil leur permettant de mesurer leur performance extra-financière, et même parmi les grandes entreprises, pourtant soumises au reporting extra-financier, seules 66% disposent d’un outil ad hoc. On se demande alors, comment des entreprises d’habitude si attachées aux métriques (du moins quand il s’agit de parler argent) pourraient elles déployer une stratégie sans en mesurer réellement les effets ? Comment la RSE peut-elle rendre l’entreprise plus écologique, plus sociale, si rien ne permet de le mesurer ?
La vérité, c’est que nombre d’entreprises peinent justement à déployer leur stratégie RSE. Moins d’un tiers des entreprises interrogées disent ainsi avoir réellement décliné leurs stratégies RSE aux différentes spécificités de leurs implantations locales. Or c’est justement là que se joue l’efficacité d’une stratégie RSE : dans sa capacité à se décliner localement, sur les enjeux pertinents, et aux bonnes échelles.
Il faut dire qu’on est encore loin de voir dans les entreprises les leviers permettant d’inciter réellement dirigeants et managers à intégrer la RSE à leurs activités opérationnelles. Si certaines entreprises, notamment les grandes, disent aligner la rémunération de leurs dirigeants sur des critères extra-financiers, ce n’est pas encore le cas de toutes. Elles ne sont ainsi que 76% à le faire, et encore, à des niveaux limités puisqu’en moyenne c’est environ 16% de la rémunération variable qui est alignée sur des critères RSE. Et encore, il faudrait regarder dans le détail quels sont ces critères et comment ils sont mesurés, si tant est qu’ils le soient.
Voir aussi : Transition écologique : quel rôle pour les entreprises ?
Un manque d’expertise et de relais internes pour la stratégie RSE
Le résultat, c’est que malgré tout, la RSE n’intéresse vraiment que les professionnels de la RSE. Dans la majorité des entreprises interrogées, la diffusion de la stratégie RSE n’est ainsi imputée qu’à la direction ad hoc. Ce qui signifie qu’il n’existe pas de réseau d’ambassadeur RSE dans les directions métier et chez les managers pour faire infuser les objectifs RSE à l’ensemble des activités.
Cela dit, c’est logique, car les entreprises semblent encore très en retard en matière de formation et de sensibilisation de leurs collaborateurs aux enjeux environnementaux et sociaux. Ainsi, moins d’un tiers des entreprises déclarent avoir consacré plus de deux heures à la sensibilisation de leurs collaborateurs sur les différents enjeux de la transition écologique et sociale. Deux heures. On sait pourtant que la formation et la sensibilisation sont des enjeux fondamentaux pour faire des salariés des ambassadeurs de la politique RSE, capables d’en être le relai interne dans les directions opérationnelles.
Et c’est là tout le paradoxe, car les entreprises identifient comme premiers freins au développement de leur stratégie RSE… le manque de personnel et le manque d’expertise. Soit deux obstacles qui pourraient être surmontés en engageant du personnel compétent et en formant les collaborateurs en exercice aux sujets écologiques et sociaux qui concernent leurs métiers. Les entreprises le savent d’ailleurs bien : 55% identifient, à raison, la formation comme un facteur clé de succès de leurs politiques RSE.
Se pourrait-il alors qu’il s’agisse tout simplement d’un manque de volonté ? Ou peut-être d’un manque de vision. Car comme leurs salariés, les dirigeants d’entreprises sont souvent mal sensibilisés et mal formés aux enjeux sociaux et environnementaux. Et à l’urgence de passer à l’action.
Photo par Gabrielle Henderson sur Unsplash