L’ADEME, l’Agence de la Transition Écologique, vient de publier son étude annuelle sur les représentations sociale du changement climatique. Résultats : les Français semblent de plus en plus conscients du réchauffement climatique, mais cette réalité est particulièrement forte chez les jeunes et les électeurs de gauche.
[box]À retenir :
- Les Français comprennent de mieux en mieux les enjeux du réchauffement climatique, et s’en inquiètent
- Cette année, de nombreux citoyens disent avoir vécu eux-mêmes les conséquences des changements climatiques
- Les causes, conséquences et solutions en lien avec la crise climatique sont mieux comprises, même si les changements de comportements liés à la voiture restent difficiles à mettre en place
- On observe un clivage dans la perception des enjeux climatiques : les jeunes et les personnes situées à gauche politiquement comprennent mieux ces sujets [/box]
Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faudra un engagement de tous les acteurs : politiques, entreprises et acteurs économiques, mais aussi citoyens et consommateurs. Il est donc fondamental que chacun soit correctement informé sur ces sujets, et qu’il en comprenne les enjeux.
Les représentations sociales du réchauffement climatique sont donc particulièrement importantes dans la mesure où elles conditionnent l’adhésion des différents acteurs aux mesures d’atténuation et aux éco-gestes. L’ADEME publie donc depuis une vingtaine d’années une étude annuelle pour comprendre ce que pensent les Français du réchauffement climatique : comprennent-ils son fonctionnement, son origine, ses causes et ses conséquences ? Comment évolue le climatoscepticisme ? Et comment les Français perçoivent-ils les risques climatiques et les actions à mener ?
Les Français et le climat : prise de conscience et inquiétude
Cette année, l’étude montre que les Français sont de plus en plus conscients et inquiets des enjeux climatiques, surtout les jeunes et les sympathisants de gauche. D’abord, l’environnement et la transition écologique représentent aujourd’hui la deuxième préoccupation des citoyens. Près de 10% des interrogés considèrent que c’est la préoccupation la plus importante du moment, contre 38% pour la hausse des prix. La dégradation climatique est également la première préoccupation environnementale des Français : un peu moins de la moitié la placent en tête de leurs préoccupations écologiques, devant la dégradation de la biodiversité (16%).
72% des interrogés considèrent aussi que le réchauffement climatique est une certitude pour la plupart des scientifiques (ce qui est le cas) : c’est le plus haut taux jamais enregistré depuis le début de ces études ADEME. 75% pensent que les scientifiques évaluent correctement les risques climatiques. Les Français sont également de plus en plus nombreux à comprendre les causes du réchauffement climatique, puisque près de 80% d’entre eux considèrent qu’il est causé par les activités humaines, contre seulement 18% qui pensent encore (à tort) qu’il s’agit d’un phénomène cyclique aux causes naturelles.
Les Français semblent également bien connaître les secteurs émetteurs de gaz à effet de serre puisque le transport, les activités industrielles, la consommation énergétique des bâtiments ou encore la déforestation sont cités par plus de 90% des sondés. En revanche, on note que seuls 75% des interrogés placent l’agriculture parmi les secteurs les plus émetteurs, alors que ce secteur est l’un des plus importants émetteur de gaz à effet de serre, notamment via l’élevage et la déforestation qu’il engendre. 53% des Français estiment aussi que les centrales nucléaires font partie des secteurs émettant beaucoup de gaz à effet de serre, alors que ce moyen de production d’électricité est au contraire bas carbone (1 kWh d’électricité d’origine nucléaire génère moins de gaz à effet de serre qu’1 kWh d’électricité produite par des panneaux solaires).
Les conséquences du réchauffement climatique de mieux en mieux identifiées, comme les leviers d’action
Les Français repèrent également bien les conséquences du réchauffement climatique : près des 3/4 comprennent désormais que les conditions de vie vont devenir extrêmement difficiles avec le réchauffement climatique, même si encore un quart des sondés pensent que l’on pourra s’adapter à ces changements. Près de 70% des sondés estiment que le réchauffement climatique ne sera probablement pas limité à des niveaux raisonnables d’ici la fin du siècle. Ce qui inquiète le plus les citoyens parmi les conséquences du réchauffement climatique ? La multiplication des catastrophes naturelles (53%) devant les températures caniculaires en été (16%) et les conflits liés aux crises alimentaires (11%).
D’ailleurs, une majorité de Français (51%) disent aujourd’hui avoir déjà subi personnellement les conséquences du réchauffement climatique : canicules, tempêtes, inondations, grêles ou encore sécheresses parmi les évènements les plus cités.
Près des deux tiers des Français (62%) ont également compris que la lutte contre le réchauffement climatique impliquait de changer massivement nos modes de production, modes de vie et modes de consommation. 16% pensent que le rôle d’action appartient avant tout aux Etats, qui devraient trouver une solution de coopération internationale. Et 11% croient encore, malgré l’état de la littérature scientifique sur le sujet, qu’il suffira d’innover et de trouver des solutions technologiques pour éviter la catastrophe climatique. Cela dit, près de 87% des sondés estiment que leur territoire devra prendre des mesures radicales pour lutter contre le réchauffement climatique et s’y adapter. Autre chiffre intéressant : 63% des français estiment que la priorité du gouvernement devrait être de réorienter en profondeur notre économie en soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement, la santé et la cohésion sociale (au lieu de simplement viser la relance et la croissance).
Concernant les solutions à mettre en oeuvre face au réchauffement climatique, certaines actions sont considérées comme souhaitables par les Français : déploiement des énergies renouvelables (90%), interdire la publicité pour les produits polluants (83%) ou obliger les propriétaires à rénover énergétiquement leurs logements (74%). D’autres en revanche, notamment ceux qui sont liés à l’usage de la voiture ou à l’habitat sont moins bien identifiées : seulement 65-66% pour le fait de favoriser l’usage de véhicules moins polluants et taxer les véhicules polluants, 46% pour la baisse de la vitesse à 110 km/h sur l’autoroute, 37% pour la densification de l’habitat. Preuve qu’il est encore difficile de faire accepter les mesures qui touchent directement à nos habitudes et à nos modes de vie, notamment quand elles concernent la voiture.
L’étude montre également l’importance de la justice sociale dans la transition écologique. Lorsque l’on demande aux sondés à quelles conditions ils accepteraient de modifier profondément leurs modes de vie pour lutter contre le réchauffement climatique, près de la moitié déclarent en premier qu’il faudrait que ces changement soient partagés de façon juste entre tous les membres de notre société
Un clivage gauche / droite et une fracture générationelle
L’une des données intéressantes de cette étude, c’est qu’elle permet aussi de creuser un peu au-delà des moyennes, pour comprendre comment les différentes populations qui constituent la population française perçoivent les enjeux climatiques.
Les résultats permettent de voir qu’il existe encore certains clivages sur les questions climatiques dans la population française. Le premier de ces clivages est générationel. D’une manière générale, les jeunes semblent plus sensibilisés, mieux informés et plus conscients des enjeux du réchauffement climatique que les séniors. Par exemple, les plus de 65 ans sont la catégorie de population parmi laquelle on trouve le plus de « sceptiques » du réchauffement climatique : 14% contre seulement 3% chez les 18-24 ans. Seuls 8% des seniors considèrent que l’environnement et la transition écologique sont leurs préoccupations premières, contre 23% pour les plus jeunes. De même, 35% des plus de 65 ans estiment qu’on pourra s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique, contre seulement 16% des 15-17 ans.
Logiquement, les jeunes sont aussi plus susceptibles de s’engager dans des actions d’activisme environnemental : parmi les 18 -24 ans, 60 % se disent prêts à la désobéissance civile et à l’activisme environnemental, contre 34 % parmi les 65 ans et plus.
On observe un clivage similaire sur l’échiquier politique, les sympathisants de gauche étant généralement mieux informés sur les sujets environnementaux. Les deux clivages sont d’ailleurs probablement liés, puisque les personnes âgées ont tendance à se situer plus à droite sur l’échiquier politique. On trouve ainsi plus de sceptiques à droite (13 et 17% à droite et à l’extrême droite) qu’à gauche (2 à 4% à gauche et du côté de la gauche radicale).
Mais ce clivage se réduit progressivement : les chiffres que l’on observe dans l’étude 2022 sont ainsi moins significatifs que dans les études des années passées. Preuve que finalement, le travail de sensibilisation opéré par les différents acteurs en lien avec le réchauffement climatique finit par payer, même chez les Français les plus récalcitrants.
Photo par Matt Palmer sur Unsplash