Le déclin de la fertilité masculine s’accélère sur l’ensemble de la planète révèle une nouvelle étude publiée le 15 novembre 2022. Touchés par la pollution et des modes de vie nocifs, les pays du Nord comme du Sud connaissent une baisse majeure de la concentration en spermatozoïdes chez les hommes.
Publiée dans la revue Human Reproduction Update, une méta-analyse révèle pour la première fois une baisse mondiale de la fertilité chez les hommes. L’équipe de scientifiques à l’origine de l’article scientifique et dirigée par Haigai Levine, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, a observé un déclin généralisé de la concentration de gamètes (spermatozoïdes) dans le sperme grâce à des données récoltées sur l’ensemble du globe entre 1973 et 2018.
Le déclin de la fertilité mondiale s’accélère
Déjà en 2017, la même équipe de chercheurs avait démontré dans une précédente étude un déclin de la fertilité entre 1973 et 2011 dans les « pays développés », à savoir ceux situés en Amérique du Nord, en Europe, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Afin de démontrer cette baisse, les scientifiques se sont appuyés sur deux variables indispensables à la fertilité de l’homme : la concentration de gamètes dans le sperme (le nombre de spermatozoïdes par millilitre) et le nombre total de spermatozoïdes dans chaque éjaculat.
Restait à savoir si cette dépréciation de la qualité du sperme était cantonnée à ces pays, ou si d’autres pays étaient aussi concernés par le déclin. Mais à l’époque, le nombre d’études sur le sujet était encore trop faible dans de nombreuses régions d’Afriques, d’Amérique central et du Sud et d’Asie. Afin de lever le voile sur cette interrogation, les scientifiques ont donc tenté une nouvelle fois l’expérience, ajoutant une littérature plus abondante se basant sur des études issues de 53 pays sur l’ensemble des continents.
Le bilan ? En 45 ans, la concentration de spermatozoïdes a baissé de 1,16% par an, passant en moyenne de 101 millions de spermatozoïdes (mill/ml) par millilitre en 1973 à 49 (mill/ml) en 2018.
À la lecture des données après les années 2000, le résultat est encore plus probant. La concentration moyenne en gamètes mâles perd 2,64 points par années sur deux décennies. « Mondialement, nous observons un déclin significatif de 50% du nombre de spermatozoïdes au cours des 46 dernières années, un déclin qui s’est accélérée lors des dernières décennies », explique le professeur Haigai Levine.
Un constat préoccupent alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) fixe le seuil d’oligospermie à 15 mill/ml, seuil en dessous duquel il est difficile, voire impossible d’avoir un enfant. La méta-analyse fait en outre exception d’autres complications de mobilité ou morphologique que peuvent subir les spermatozoïdes et qui compliquent la procréation. L’infertilité pourrait donc se révéler être un problème de santé publique bien plus vaste.
Modes de vie et pollutions humaines, causes du déclin de la fertilité
Même si les raisons de la dépréciation de la qualité du sperme, et de son accélération restent encore floues, une littérature scientifique de plus en plus abondante dresse le portrait de deux coupables. Le premier portrait révèle que l’apparition de nouveaux modes de vie participe indirectement à réduire la concentration de gamètes dans le sperme. La sédentarisation et l’obésité qui en découle, la mauvaise alimentation, la consommation de cigarette ou d’alcool sont autant d’habitudes à risques pour la fertilité de l’homme.
Pour le second, même si la littérature sur le sujet est encore au stade d’hypothèse, les preuves s’accumulent et tissent un lien entre pollutions humaines et infertilité. Une étude publiée en 2021 soulignait déjà de potentielles connexions entre la pollution chimique issues de la combustion des énergies fossiles et le déclin de la fertilité chez les hommes. D’autres études démontrent que l’exposition à des perturbateurs endocriniens (pesticides, bisphénol A, phtalates…) favorise l’altération des fonctions reproductives chez les hommes.
Fertilité, un indicateur de bonne santé
Les scientifiques de l’étude appellent donc à une meilleure considération de la fertilité, non pas seulement car elle permet de maintenir la population, mais également car dans le domaine médical, la qualité des spermatozoïdes est un parfait indicateur de bonne santé chez les hommes. Une faible quantité de spermatozoïdes est souvent associé à un système métabolique plus faible, une baisse de la production d’hormones sexuelles, un potentiel surpoids…
Ce déclin de la fertilité observé dans les dernières décennies est également dangereux pour l’individu en lui-même, mais aussi pour ses proches. Modes de vie délétères et pollutions humaines ont aussi des répercussions sur la fertilité des femmes et sur la descendance, notamment le développement du syndrome de dysgénésie testiculaire, un trouble du développement des testicules pouvant amener à des malformations.
L’infertilité possède de nombreuses causes : âge, problèmes génétiques, hormonaux, anatomiques infectieux. Mais dans 10% à 20% des cas d’infertilité, la science n’est pour le moment pas capable de trouver son origine. L’hypothèse de la cause environnementale est de plus en plus mise de l’avant afin d’expliquer ces cas restés sans réponse.
La dégradation des capacités de reproduction des hommes représente, selon les chercheurs, un sérieux problème de santé publique qui pourrait même à terme « menacer l’Humanité ».
Image par Thomas Breher de Pixabay
– De Jonge, et al. (2019). The present crisis in male reproductive health : An urgent need for a political, social, and research roadmap. Andrology.
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– Levine, H., et al. (2017). Temporal trends in sperm count : A systematic review and meta-regression analysis. Human Reproduction Update.
Levine, H., et al. (2022). Temporal trends in sperm count : A systematic review and meta-regression analysis of samples collected globally in the 20th and 21st centuries. Human Reproduction Update.
– Skakkebæk, N. E., et al. (2022). Environmental factors in declining human fertility. Nature Reviews Endocrinology.