Parmi les plus grandes entreprises ayant pris des engagements vers la neutralité carbone, combien tiennent vraiment leurs promesses ? Aucune, d’après le Corporate Climate Responsibility.
Face à la crise climatique, de plus en plus d’entreprises prennent des engagements à réduire leurs émissions de CO2. Certaines vont même jusqu’à se revendiquer « neutres en carbone », « net zéro », et indiquent s’engager à respecter les Accords de Paris.
Mais respectent-elles ces promesses ? Pas sûr. Chaque année, le Corporate Climate Responsibility Monitor analyse les engagements et les actions mis en place par les entreprises en matière climatique, pour voir si elles sont cohérentes avec les trajectoires climatiques globales. En 2023, comme chaque année, le rapport note un grand décalage entre les promesses climatiques des entreprises et la réalité sur le terrain.
Des promesses climatiques insuffisantes
Le rapport a ainsi analysé les engagements climatiques de 24 grandes entreprises multinationales qui se sont engagées à respecter les Accords de Paris. Ces entreprises, qui représentent à elles seules 2.2 milliards de tonnes de CO2 (4% des émissions globales) ont toutes pris des engagements audacieux en matière climatique : neutralité carbone à l’horizon 2050, réduction massive de leurs émissions.
En analysant leurs rapports RSE et leurs éléments de langage, les auteurs de l’étude ont ainsi pu mettre en perspective les promesses faites par les entreprises avec les objectifs climatiques. Et d’emblée, on voit que les promesses des entreprises sont bien en deçà des seuils qui permettraient de respecter les accords de la COP21 et les objectifs de 1.5 degrés.
Pour être en accord avec une trajectoire 1.5 degrés, ces entreprises devraient en principe réduire de près de 45% leurs émissions globales (du scope 1 au scope 3) d’ici 2030. Or en moyenne, elles ne sont engagées qu’à des réductions de 36%. Et elles sont loin d’atteindre les seuils permettant de se prétendre « neutres en carbone ».
Des promesses irréalistes et floues
Il faut dire que parmi les entreprises analysées, un certain nombre comptabilisent déjà mal leurs émissions de CO2. Elles excluent par exemple un certain nombre d’émissions qui font partie de leur scope 3, c’est-à-dire des émissions liées à leurs fournisseurs et à leur chaîne d’approvisionnement. Plus de 400 millions de tonnes, soit près de 19% des émissions globales de ces entreprises ne sont ainsi même pas mentionnées dans leurs engagements climatiques.
Pour le reste, les entreprises hésitent entre de vraies actions de réduction et le recours à des mécanismes de compensation douteux. Côté réduction nette, seules 5 entreprises ont ainsi pris l’engagement de réduire leurs émissions à des niveaux équivalents à 90% de leurs émissions, soit les niveaux nécessaires pour pouvoir décemment parler de « neutralité carbone ». Mais quoi qu’il en soit, les promesses analysées apparaissent bien souvent ambigües lorsqu’on les regarde de près. Dans la majorité des cas, les actions à mener pour atteindre ces réductions (et la répartition de ces actions par rapport aux objectifs) ne sont pas précisées par les entreprises dans leurs reportings climatiques. Et quand elles le sont, on constate souvent qu’elles sont irréalistes au regard des enjeux du secteur et des moyens mis à disposition.
Voir aussi : Entreprises et neutralité carbone : le grand flou
Globalement, les entreprises ne proposent pas de plan d’action de réduction ou d’investissement portant vraiment sur leur coeur de business : 20 entreprises sur 24 investissent dans des solutions de décarbonation qui n’ont pas de lien avec leurs postes principaux d’émissions.
Une confiance aveugle dans des mécanismes de compensation douteux
Côté compensation, les engagements des entreprises multinationales ne sont pas plus précis et pas plus à la hauteur. Les plans de compensation sur lesquels se sont concrètement engagées les entreprises couvrent à peine 5% de leurs émissions globales en moyenne. Et encore, sans que ces plans de compensation soient toujours très fiables.
Voir aussi : Climat : les limites de la compensation carbone
Si l’on additionne, ces grandes entreprises se déclarant neutre en carbones ont donc pris des engagements pour réduire leurs émissions de 36%, elles ont prévu de compenser précisément 5% de leurs émissions, elles mettent de côté (ou oublient de compter) 19% de leurs émissions… Et pour les 40% qui restent, c’est le grand flou : des mesures de réduction vagues et imprécises, des systèmes de compensation non-précisés.
Il ressort donc de cette étude que les grandes entreprises sont très loin de faire le job en matière de réduction de leurs émissions de CO2. Or, ces mêmes entreprises adoptent souvent un discours très volontariste et enthousiaste au sujet de leurs actions climatiques, allant jusqu’à laisser entendre qu’elles seraient « neutres en carbone ». Une belle définition du greenwashing.
Photo de Maxim Tolchinskiy sur Unsplash