L’obésité serait associée à risque encore plus élevé de mortalité qu’on ne le pensait, selon les résultats d’une étude menée par l’Université de Boulder et publiée dans Population Studies.

On sait désormais que l’obésité est une maladie grave, aux conséquences multiples sur la santé. L’obésité est associée à de nombreux risques de santé : risques cardio-vasculaires, hypertension, problèmes métaboliques comme le diabète.. Elle ferait également partie des causes du cancer, et de nombreuses autres pathologies, notamment articulaires et même neurologiques.

Pourtant, depuis plusieurs années, les liens entre obésité et mortalité sont parfois discutés. Certaines études avaient ainsi mis en évidence que, si l’obésité sévère était en effet associée à une mortalité plus élevée, ce n’était pas forcément le cas des formes moins sévères ou du surpoids « léger ». On a ainsi parlé dans les médias d’un « paradoxe de l’obésité » : l’obésité, tant qu’elle n’est pas sévère, provoque des maladies chroniques, mais ne serait pas forcément associée à des risques plus élevés de mortalité.

Sauf qu’une récente étude publiée par l’Université de Boulder revient sur ce paradoxe, pour le remettre en cause. Selon les résultats de leurs analyses épidémiologiques, la relation entre obésité et surpoids d’un côté et mortalité de l’autre serait en fait linéaire. L’obésité serait donc encore plus « mortelle » qu’on ne l’imaginait. Explications.

Mortalité et obésité : les raisons d’un paradoxe

Pour étudier les conséquences de l’obésité sur la santé, les chercheurs utilisent généralement ce que l’on appelle les études « épidémiologiques » ou « observationnelles ». Ces études consistent à comparer des populations obèses ou en surpoids avec des populations ayant un poids sain, afin d’évaluer si l’une ou l’autre de ces populations développe plus certaines pathologies ou certains risques que l’autre.

En règle générale, pour comparer ces populations, les chercheurs utilisent un outil qu’on appelle l’Indice de Masse Corporelle (IMC). Cet indice est construit en comparant la taille et le poids des individus afin d’en tirer une unité de mesure exprimée en kg/m2. Entre 18 et 25 d’IMC, on a un poids « normal », entre 25 et 30, on est en surpoids et au-delà de 30 on est obèse et au-delà de 35 en obésité sévère.

C’est en comparant les populations grâce à leur IMC que plusieurs études dans les années 2000 ont mis en évidence que les personnes avec un surpoids ou une obésité légère n’avaient pas significativement plus de risque de mortalité que les personnes ayant un poids normal. Mais depuis, plusieurs études ont remis en cause ces résultats, en expliquant que ces études observationnelles, notamment celles basées sur l’IMC pouvaient avoir des biais. Et une étude récente publiée par l’Université de Boulder confirme ces biais.

Obésité et mortalité : les biais de l’IMC

En effet, en comparant les populations en fonction de leur IMC, on laisse de côté de nombreux critères qui peuvent expliquer les risques de mortalité. Par exemple, avoir un IMC élevé ne signifie pas nécessairement que l’on est en surpoids ou obèse. Teddy Riner, dix fois champion du monde de judo, serait considéré comme obèse mobide avec ses 2 mètres 04 et 145 kg. Pourtant, sa masse graisseuse n’est pas celle d’un obèse. Sans aller dans les extrêmes des sportifs de hauts niveau, l’IMC est un parfois un mauvais reflet de la morphologie des individus, qui reflète mal les morphologies atypiques : les personnes plus petites ou plus grandes que la moyenne, les personnes plus musclées, les sportifs, etc. On peut être lourd sans être nécessairement « gros », ou « gras ».

D’autre part, la prise en compte de l’IMC à un instant T ne dit rien des antécédents médicaux des personnes évaluées. L’étude montre ainsi que 20% des populations de « poids normal » étudiées dans les données épidémiologiques américaines étaient en fait d’anciens obèses ayant perdu beaucoup de poids suite à une maladie chronique (cancer, maladies cardiaques, ou autre)… Maladies qui peuvent par ailleurs avoir été en partie provoquées par le surpoids. Ces personnes sont donc comptabilisé dans les « poids sains » alors que leurs antécédents les classeraient dans la catégorie des personnes en surpoids ou obèse. Inversement, les personnes considérées obèses à un instant T peuvent très bien avoir vécu quasiment toute leur vie à un poids relativement sain, ce qui altère l’analyse des risques de mortalité, puisque l’on sait que les risques posés par l’obésité sont liés au temps passé en surpoids.

Sans compter que de nombreux autres autres facteurs confondants (tabac, pratique sportive, antécédents familiaux, âge) peuvent faire varier les résultats.

L’obésité augmente considérablement et de façon linéaire les risques de mortalité

L’étude montre ainsi que si l’on corrige l’ensemble de ces biais, l’association entre obésité et mortalité apparaît nettement plus clairement. En d’autres termes, l’obésité, et en particulier le temps passé en situation de surpoids ou d’obésité, augmente considérablement les risques de mortalité toutes causes confondues. L’association est linéaire, c’est-à-dire que plus le surpoids est important, plus les risques de mortalité sont élevés.

L’étude montre même que lorsque ces biais sont corrigés, les risques de mortalité sont plus élevés chez les personnes ayant un léger surpoids que chez celles ayant un léger déficit de poids (IMC inférieure à 18). C’est donc l’inverse de ce que l’on pensait jusqu’ici.

Cette étude est la dernière d’une série d’études récentes qui réaffirment les liens entre l’obésité et la dégradation de la santé, les risques de mortalité ou les risques de développer des maladies chroniques. Cela confirme donc que l’obésité est l’un des problèmes de santé publique les plus importants de notre époque, notamment dans les pays développés où elle est de plus en plus répandue. En France, près de la moitié de la population est en surpoids, et 17% sont obèses.

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Photo de Mufid Majnun sur Unsplash