Si la majorité des forêts dans le monde ne cessent de croître grâce aux effets du changement climatique, le chaos que sème la crise climatique laisse entrevoir un futur bien sombre. Les probables vagues de chaleur, les sécheresses et les feux de forêts pourraient bien mettre à terre une grande partie des forêts du pourtour méditerranéen.

40 °C. C’est ce qu’ont affichés les thermomètres des régions les plus au Sud de l’Espagne qui ont connu à la fin du mois d’avril, un épisode de chaleur particulièrement fort et précoce pour la saison. Cette vague de chaleur est un coup dur de plus pour un pays déjà durement touché par une sècheresse historique depuis plus de 30 mois.

Un sol craquelé qui deviendra monnaie courante dans la péninsule ibérique. Mais cette situation ne se limite pas à l’Espagne, c’est toute le pourtour méditerranéen qui sera concerné par cette désertification progressive des terres. Étrillées de toutes parts, les forêts qui parsèment les côtes méditerranéenne pourraient bien disparaître au profit de steppes semi-désertiques.

Une disparition qui, au delà de la perte nette de ces écosystèmes riches, serait également une perte sèche pour les populations présentes autour de la Méditerranée.

Afin de comprendre les enjeux de la gestion de la forêt en France : La gestion complexe des forêts françaises face à la crise écologique

Forêts méditerranéennes : des écosystèmes vulnérables face au changement climatique

La forêt recouvre à ce jour près de 88 millions d’hectares repartis sur plus de 31 pays qui bordent la mer Méditerranée. Grandement stimulées par les effets de la crise climatique, les forêts méditerranéennes ont comme la majorité des forêts du monde connu un pic de croissance très conséquents lors du vingtième siècle. L’augmentation des températures, les taux de CO2 favorables, les dépôts azotés, ont été autant de mécanismes favorables au développement des forêts, « par exemple + 100 % de productivité pour le chêne blanc », explique l’ingénieur forestier Michel Vennetier dans un article de la revue Sciences Eaux & Territoires, « et + 40 % pour la croissance en hauteur pour le pin d’Alep ».

Si les forêts méditerranéennes ont profité grandement de la crise environnementale jusqu’à présent, l’avenir est quant à lui bien moins radieux. Le dernier rapport du Giec le souligne déjà, la Méditerranée sera l’un des territoires les plus durement touché par le changement climatique. Les vagues de chaleur vont affluées, plus fortes, plus fréquentes et plus longues sur l’ensemble des pays méditerranéens, et face à la sécheresses des sols, au stress sur la ressource en eau, aux feux de forêt, les forêts feront parties des premières victimes du changement climatique dans la région.

La santé des forêts menacée

Si les feux de forêts sont une cause évidente de mort chez les arbres – plus de 400 000 hectares de forêts méditerranéenne brûlent chaque années – d’autres mécanismes plus pernicieux sont aussi à l’œuvre. D’abord en ce qui concerne le manque d’eau.

Les sécheresses successives entre 2003 et 2007 en France, puis plus récemment entre 2015 et 2017 avaient déjà donné un aperçu du futur. Nombre d’arbres ont été victimes de défoliation, pertes partielle ou totale des feuilles, ou ont vu une partie de leurs branches mourir. Que ce soit le chêne pubescent, le chaine-liège ou le chaine vert, le pin sylvestre ou celui d’Alep, le sapin pectiné… tous sont dorénavant concernés par une détérioration de leur santé. Ainsi, selon le département français « santé des forêts », les arbres du Sud de la France ont connu une augmentation du taux moyen de défoliation de près de 25 points entre 1990 et 2018, passant de 12,5% à 37%.

À cela s’ajoute d’autres variables. La montée des températures favorise le développement à la fois de maladies et la reproduction d’espèces nuisibles pour les arbres. Michel Vennetier déplore ainsi une présence de plus en plus grandes en altitude et vers le Nord de guis et de chenilles processionnaires qui étaient jusqu’à présent cantonnés à des espaces plus restreints, et qui deviennent maintenant une menace pour le pin sylvestre.

Mais outre la mortalité, c’est l’état de santé globale des forêts qui est alarmant. Toutes ces menaces minent les capacités de reproduction des forêts. D’après les données du sixième rapport du GIEC, la forêt pourrait bientôt laisser place à des biomes plus désertiques, moins accueillants pour la biodiversité. Et cette situation pourrait arriver d’ici seulement quelques décennies si rien n’est fait pour endiguer la crise environnementale.

Vers une désertification de la méditerranée ?

C’est sur les côtes grecques auprès de l’ancienne ville de Philippi (Grèce) qu’une équipe de scientifiques de l’Université d’Heidelberg s’est rendu pour y étudier des pollens fossilisés (la palynologie). Véritables garants de l’histoire végétale de la région, ces fossiles leur ont permis de revenir 500 000 ans en arrière. Ils ont ainsi observé l’évolution de la végétation dans cette région de la Grèce à des périodes où les conditions météorologiques étaient différentes.

Les chercheurs ont ainsi pu constater que les forêts méditerranéennes de la région étaient particulièrement sensibles au réchauffement climatique. Un changement, même léger, dans les précipitations régionales avait des conséquences quasi immédiate sur la végétation. Et lorsque ces précipitations atteignent une certaine limite, c’est l’écosystème tout entier qui se transforme.

Selon les estimations des chercheurs, il n’a fallu dans le passé qu’une baisse des précipitations de 40 à 45% pour que les forêts disparaissent au profit de zone semi-désertique à l’image des steppes, des étendues d’herbes dépourvues d’arbres, et donc moins riche en espèces animales, végétales ou fongiques.

Disparition des forêts, la fin d’un écosystème vital

Cette transition rapide et violente transformerait drastiquement les écosystèmes locaux et aurait des répercussions terribles sur les quelques 500 millions de personnes qui vivent en région méditerranée.

Le bassin méditerranéen est le second berceau de la biodiversité mondiale. La forêt méditerranéenne occupe une place prépondérante dans ce grand puzzle. Elle accueille en son sein 3/4 des mammifères présents sur le pourtour méditerranéen, la moitié des espèces vertébrées, et presque 3/4 des insectes terrestres selon un rapport de 2018 sur l’état des forêts méditerranéenne !

Mais la disparition probable de la forêt, si ce n’est certaine si rien n’est mis en place, mettrait un terme à l’existence de nombreuses espèces animales, végétales, fongiques, microbiennes… Ce ne sont pas moins de 339 espèces qui sont en ce moment même menacées d’extinction, soit 16% de l’ensemble des espèces présentes dans cet écosystème forestier.

Adapter la forêt au changement climatique

Si la réduction des pressions anthropiques est indispensable pour la protection de ces écosystèmes, reste que dans la pratique, les chances de rester sous la barre des +1,5 °C d’ici 2050 demeurent encore un objectif difficilement atteignable en l’état. Les émissions de CO2 et l’empreinte écologique des activités humaines sur l’environnement ne baissent toujours pas malgré les nombreux messages d’alertes des scientifiques, ONG et militants écologistes.

Pour en savoir plus : La forêt française pourrait bientôt émettre plus de CO2 qu’elle n’en stocke

Dans l’attente de mesures réellement effective d’atténuation des effets du changement climatique sur la Méditerranée, Michel Vennetier propose un triptyque de solutions afin d’adapter, au moins un petit peu, les forêts de la région aux futurs climatiques : « éclaircir, rajeunir, diversifier ».

L’éclaircissement permet de réduire la compétition entre les végétaux et ainsi réduire la consommation d’eau. Rajeunir les forêts leurs permettront d’être moins vulnérables face aux épisodes de sécheresse. Enfin, diversifier ces espaces permettra une plus grand latitude tant sur la gestion des maladies que des insectes ravageurs tout en facilitant, en fonction des espèces d’arbres utilisées, une répartition plus sobre et efficace de la ressource en eau.

Mais cela nécessite que l’État et les collectivités allouent des ressources conséquentes au suivi de l’état de santé des espèces végétales dans la région, à la réduction de l’impact des activités humaines et du changement climatique sur les forêts et à l’accompagnement au maintien et à la protection des forêts méditerranéennes.

Koutsodendris, A et al. (2023). Atmospheric CO2 forcing on Mediterranean biomes during the past 500 kyrs. Nature Communications.

Preparing for the future of Mediterranean forests. (2019). INRAE.

State of Mediterranean Forests 2018 | FAO. (2018).

Vennetier, M. (2020). Forêts et changement climatique. Le constat en région méditerranéenne. Sciences Eaux & Territoires, Numéro 33.

Photo de Nilina, via Pexels

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