Mécanisme jusqu’à présent non pris en compte dans les modèles scientifiques, les marées auraient une influence conséquente sur la fonte des glaciers et la montée des eaux selon une récente étude américaine. Sans cette variable, les précédentes projections sur la montée des eaux pourraient avoir été fortement sous-estimées.
Si la fonte manifeste des glaces présentes dans les pôles n’est plus une surprise, les mécanismes à l’œuvre se révèlent progressivement aux scientifiques qui étudient ces vastes étendues glacées. Alors que les scientifiques pensaient que le cycle des marées n’avait aucune influence sur la fonte des glaciers, une récente étude américaine a démontré que ce constat était faux.
Grâce aux données satellites de trois missions européennes, les chercheurs de l’Université de Californie ont découvert que le glacier Petermann, situé dans le Nord du Groenland, subissait une pression des marées qui participait activement à sa fonte, et accélérait la fonte liée au réchauffement climatique. Un constat qui remet en question les précédentes estimations scientifiques sur la future montée des eaux dans le monde : les glaciers pourraient fondre encore plus vite que prévu.
L’influence des marées dans la fonte des glaces
En près de 25 ans, le glacier Petermann n’avait montré aucun signe de faiblesse depuis les observations faites en 1990. Mais ce colosse de glace de près de 70 km2 et de 20 km de largeur à l’époque a commencé à se fissurer très récemment. Ce glacier, le plus grand glacier groenlandais après le Jakobshavn est particulier. Il est l’un des seuls dans cette région à posséder une plateforme de glace, une structure de glace qui flotte à la surface de l’eau.
Cette plateforme de glace flottante, de plus de 60km de long, est séparée de la partie terrestre du glacier Petermann par une ligne : la « ligne d’échouage ». Jusqu’à maintenant, les études scientifiques s’étaient assez peu intéressées à la manière dont cette ligne d’échouage était transformée par le réchauffement climatique, ou les marées. Mais récemment, les données satellites ont permis de démontrer que cette ligne pouvait migrer de plusieurs kilomètres sous l’effet notamment des marées et du réchauffement des eaux. Un recul qui a des conséquences désastreuses sur la structure du glacier.
Marées et fonte des glaces : quelles conséquences ?
Lors des périodes où les flux marins sont plus chauds, les marées apportent des eaux chaudes qui s’infiltrent sous les glaciers immergés jusqu’à la ligne d’échouage, et participe donc à la fonte des glaces. Jusqu’au milieu des années 2010, cette ligne d’échouage est restée relativement stable, mais entre 2016 et 2022, elle a migré de près de 3,8 km vers les terres selon l’étude publiée dans la revue PNAS, laissant une cavité de 204 m sous le glacier. Ainsi à chaque nouvelle marée, les courants d’eau chaude viennent gratter toujours plus loin les structures de glaces et font reculer encore plus cette lignes d’échouage, participant à la fonte d’un volume encore plus grand de glace, et donc à la fragilisation de la structure d’un glacier qui subit déjà des contrecoups violents du changement climatique dans la région.
Déjà en 2022, une étude publiée dans la revue The Cryosphère alertait sur un autre mécanisme à l’œuvre dans la fonte du glacier. Deux grandes fissures (à voir sur le schéma ci-dessus) sont apparues, fractionnant en trois parties le glacier de Petermann. Fragilisés, ces morceaux de glaciers glissent progressivement des terres vers l’océan. L’étude estimait quant à elle que la ligne d’échouage avait reculé de près de 5 km.
Si les résultats diffèrent quelque peu, le constat reste le même. L’ensemble des glaciers souffrent du réchauffement climatique, et ces effets sont accentués par les marées et les circulations d’eau plus chaudes en profondeur. Tout cela participe à la montée des eaux, mais aussi à des transformations majeures des écosystèmes marins, qui auront, à terme, des conséquences sur les sociétés humaines.
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La fonte des glaces dans le monde, l’élévation du niveau de la mer sous-estimé ?
Cette découverte apporte un nouvel élément à la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans la fonte des glaciers dans le monde. Même si les glaciers avec une plateforme de glace restent minoritaires dans cette région, ces plateformes représentent tout de même 18 % du volume totale de glace présent au Groenland. Ainsi, il est fort probable que les marées participent également à la fonte d’autres glaciers avec plateforme autre part dans le monde.
L’absence de cette variable dans les études précédentes laisse craindre une situation plus désastreuse que prévue : la fonte des glaces pourrait être fortement sous-estimée dans le monde. Il se pourrait même que la hausse du niveau des océans soit deux fois plus importante que les projections faites par les précédentes études.
De nombreux espaces côtiers sont déjà concernés par une montée des eaux, alors même que plus de 20 % de la population mondiale vit à moins de 30 km des littoraux.
L’effondrement massif des glaciers, qu’ils soient situés dans les pôles ou aux sommets des chaînes de montagnes, représente une menace dont les conséquences seront à la fois sociales, économiques et environnementales.
Ciracì, E., et al. (2023). Melt rates in the kilometer-size grounding zone of Petermann Glacier, Greenland, before and during a retreat. Proceedings of the National Academy of Sciences.
Millan, R., et al. (2022). Ongoing grounding line retreat and fracturing initiated at the Petermann Glacier ice shelf, Greenland, after 2016. The Cryosphere.
Crédit photo : National Aeronautics and Space Administration (Nasa)