Le réchauffement climatique devrait, selon les prévisions des modèles climatiques, rendre dans certaines zones du monde les rivières atmosphériques encore plus destructrices qu’elles ne le sont aujourd’hui. Mais de nombreuses incertitudes sur ces phénomènes climatiques persistent encore.
Le phénomène climatique des “rivières atmosphériques”, nommé de cette manière seulement depuis les années 1990, a été médiatisé ces dernières années à la suite de fortes intempéries, souvent destructrices, qui ont notamment frappé la Californie au début de l’année 2023. Lors de cet épisode, au moins une vingtaine de personnes ont perdu la vie et près de 200 000 foyers ont connu des coupures d’électricité. Les routes ont été coupées, les rues inondées, les maisons détruites…
Cette rivière atmosphérique à l’origine de ces dommages est communément appelée Pineapple Express (la route de l’Ananas) par la communauté scientifique. Ces événements climatiques, le reste du monde en connaît aussi. Selon le Département de l’Énergie des États-Unis, au moins 4 à 5 rivières atmosphériques se déplacent simultanément sur Terre, portant une grande quantité d’eau, équivalant au débit de l’embouchure de l’Amazonie, sur plusieurs milliers de kilomètres.
Alors que la crise environnementale s’aggrave et que le réchauffement climatique apporte plus de chaos dans les cycles physico-chimiques terrestres, les dommages liés aux rivières atmosphériques devraient eux aussi empirer dans les prochaines décennies, notamment en Amérique du Nord. Mais les incertitudes sont encore nombreuses.
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Rivière Atmosphérique, qu’est-ce que c’est ?
Les rivières atmosphériques tiennent leur nom de leur forme particulière. Longiligne à la différence des précipitations “habituelles” prenant la forme d’un tourbillon, les rivières atmosphériques concentrent une grande quantité de vapeur d’eau qu’elles transportent dans les trois premiers kilomètres juste au-dessus de la surface terrestre, soit dans la troposphère – la première couche de l’atmosphère dont la limite se trouve entre 8 et 15 km de la surface de la Terre.
Il ne faut pas les voir comme un courant continu de vapeur d’eau, mais comme un flux d’air chaud et humide approvisionné par plusieurs autres courants et zones d’évaporation plus locales tout au long de son parcours.
Les rivières atmosphériques sont des phénomènes climatiques qui ont toujours existés et qui ont une importance tout particulièrement dans certaines régions du monde puisqu’elles y apportent des précipitations indispensables pour l’agriculture et la biodiversité. Elles ont une influence certaine sur la formation des nuages, la température de l’air, les zones gelées et d’autres phénomènes climatiques.
Les rivières font donc partie intégrante du cycle de l’eau sur Terre.
Les chercheurs estiment que les rivières atmosphériques permettent l’approvisionnement de 90% de l’humidité dans les pôles du globe et entre 20 et 30% des précipitations annuelles dans l’ouest de l’Europe, 30 à 50% dans l’ouest des États-Unis, et entre 14 et 44% des précipitations lors des saisons chaudes en Asie de l’Est.
Les rivières atmosphériques combinent le bien et le mal dans un seul et même phénomène, car poussé à l’extrême, les pluies diluviennes qui en découlent ravagent des régions entières comme ce fut le cas en Californie.
Le changement climatique va-t-il aggraver les dommages causés par les rivières atmosphériques ?
On compte plusieurs séries d’épisodes climatiques particulièrement violents provoqués par les rivières atmosphériques. On a parlé des récentes inondations en Californie, mais c’est généralement l’ensemble de la côte Ouest américaine, de l’État de Washington au sud de la Californie qui est touchée plus ou moins régulièrement par de fortes pluies et des inondations.
L’Europe aussi a été frappée par des phénomènes de rivières atmosphériques, notamment lors de la bascule entre l’année 2022 et 2023 où une rivière atmosphérique provenant des Caraïbes est venue s’abattre sur l’Europe de l’Ouest. Comme l’indique Christophe Cassou, climatologue au CNRS et co-auteur du sixième rapport du Giec sur le climat, le 31 décembre 2022 sur X (anciennement Twitter), “cette rivière atmosphérique [ …] va engendrer sur la Bretagne l’équivalent d’à peu près un mois de pluie en 2-3 jours”, il poursuit, “cet épisode va s’accompagner de vents forts en lien avec une petite tempête au large de la France”.
Alors avec le changement climatique, cela va-t-il augmenter la violence de ces rivières atmosphériques ?
Comme l’explique le climatologue quelques messages plus loin, “L’influence humaine est un booster, un dopant non seulement pour les températures mais aussi pour les précipitations”. Selon les prévisions des chercheurs, une atmosphère plus chaude d’un seul degré pourrait permettre de contenir 7% de vapeur d’eau en plus.
Logiquement, plus les rivières atmosphériques contiennent d’eau, plus les précipitations seront importantes. Le dernier rapport du Giec indique ainsi que les précipitations provenant des rivières atmosphériques seront plus longues et plus violentes qu’auparavant.
Des résultats confirmés dans certaines régions par une étude de 2020 publiée dans Nature Reviews Earth & Environment sur l’impact du changement climatique sur les rivières atmosphériques. L’Amérique du Nord va continuer de subir les effets de ce phénomène sur son territoire, notamment dans les zones vallonées qui facilitent les précipitations.
L’apparition de rivières sera plus fréquente dans la zone, elles porteront plus d’humidité et seront plus violentes. Les précipitations et les précipitations extrêmes devraient être plus récurrentes, et donc les risques d’inondations qui vont avec le seront tout autant. L’Europe devrait suivre des tendances similaires même si les données sont encore incomplètes sur les lieux touchés par ces phénomènes et sur la fréquence des précipitations dans la région.
En outre, dans les pôles, les rivières participent à la fonte des glaces à faible altitude en Arctique et Antarctique, comme le souligne le glaciologue Vincent Favier dans un article de The Conversation.
Mais de nombreuses incertitudes existent encore sur les rivières atmosphériques, leur développement, les chemins qu’ils parcourent et les potentiels changements qu’aura le réchauffement climatique sur ces dernières.
Crédit photo : Département de l’Énergie des États-Unis, Energy Exascale Earth System Model (E3SM) project
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