Frappés par les vagues de chaleur à répétition, les coraux tentent tant bien que mal de lutter face à la hausse de la température des océans. Contre la menace de l’extinction, certaines espèces semblent développer une résistance au changement climatique.
2023 aura été exceptionnelle. L’année de tous les records. Aucune année depuis 1850 n’aura été aussi chaude qu’en 2023 au niveau mondial selon le rapport du Copernicus Climate Change Service (C3S), le programme de recherche sur le changement climatique de l’Europe. Les dernières années battaient déjà des records de température, ou s’en approchaient dangereusement. Les prochaines années les battront sans doute sans effort. C’est l’effet logique de la hausse des températures moyennes engendrée par les activités humaines dans le monde.
On regrettera sans doute les couleurs qui accompagnait les paysages. Non pas qu’elles disparaîtront totalement, mais le changement climatique réduira à son plus simple appareil des écosystèmes jusqu’à présent colorés. Sur terre, des végétations luxuriantes disparaissent déjà pour laisser la place à des espaces presque désertiques. En mer, les coraux perdent leurs couleurs si caractéristiques et blanchissent signifiant leur mal-être face à la chaleur.
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Perdre les coraux serait une preuve de plus des désastres de la crise écologique. Ces écosystèmes accueillent « plus d’un tier des organismes marins dont 4000 espèces de poissons dont dépendent directement pour leur subsistance plus de 500 millions de personnes à travers le monde » rappelle une fiche de la Plateforme Océans et Climat.
Si faire face à cette hausse des températures de l’eau n’est pas aisé, certaines espèces de coraux y arrivent pourtant, et s’adaptent face aux vagues successives de chaleurs qui s’abattent sur les récifs. C’est du moins le constat d’une récente étude publiée dans la revue PNAS.
Les vagues de chaleur responsables du phénomène de blanchissement des coraux
Le « blanchissement » des coraux est un phénomène qui a été mentionné dès 1929 par les zoologistes Charles Maurice Yonge et Albert George Nicholls lors de leurs observations de la Grande Barrière de corail en Australie. Mais les années 1980 marquent une nouvelle étape. La fréquence des épisodes de blanchissement s’accèlere sensiblement jusqu’à aujourd’hui où les récifs coraliens connaissent quasiment chaque année des blanchissements plus ou moins importants en fonction des régions du globe.
La Grande barrière de corail a connu 7 blanchissements massifs depuis 1998, et les quatre derniers en date ont été observés en 2016, 2017, 2020 et 2022. Seul 2% de ce récif australien n’aurait pas été encore touché par ce phénomène.
Le blanchissement ne veut pas dire que le corail est mort. Ce phénomène démontre cependant un état de mauvaise santé certain. Il annonce le départ d’un micro-organisme indispensable au développement des coraux, les zooxanthelles, des algues unicellulaires présentes dans les tissus de ces animaux et indispensables à l’apport en nutriments et au processus de photosynthèse. En cela, le blanchissement est un exemple parfait des symbioses qui existent entre les espèces : l’homme et son microbiote intestinal, l’acacia corne de boeuf et les fourmis, le héron et les bovins…
La hausse de la température de l’eau entraîne une rupture de la symbiose entre le corail et ses zooxanthelles, ce qui a des effets directs sur le développement, la fertilité et les capacités de reproduction des coraux. Une rupture prolongée, donc si la température de l’eau reste au-delà des seuils acceptables, participe à la mort de ces cnidaires. Lorsque la température redescent, les zooxanthelles retrouvent leur place d’origine et les couleurs des coraux encore vivants renaissent.
Une résistance des coraux accrue face à la hausse des températures
Plongés au milieu de 40 larges colonies de coraux, les scientifiques en charge de l’étude publiée dans le PNAS ont découvert que certaines espèces de polypes coralliens développaient une capacité d’adaptation suite aux vagues de chaleur successives. L’étude qui a été menée pendant plus de 10 ans à Hawaï sur deux espèces de coraux, Porites compressa et Montipora Capitata, a démontré une forme d’acclimatation de leur part face à la hausse des températures. À la manière d’un exercice imposé à la biodiversité, les coraux et les micro-organismes qui les composent développent une « mémoire écologique » des événements climatiques et se créer des outils de défense, ou plutôt d’adaptation afin de maintenir leur symbiose.
Mais les espèces observées ne sont pas égales face au changement climatique. Porites compressa a connu une forte mortalité lors des premières périodes de surveillance en 2014 et 2015 à l’occasion de fortes vagues de chaleur. Mais Porites compressa a démontré une capacité d’adaptation particulièrement importante quelques années plus tard lors de la vague de chaleur de 2019 et face aux tests menés par les scientifiques. Porites compressa n’a montré aucun signe de blanchissement lors de cette période et démontrait une capacité de récupération accrue après les épisodes climatiques.
La Montipora Capitata a connu au contraire plusieurs années de suite des épisodes de blanchissement et une hausse de la mortalité malgré des températures moyennes raisonnables.
Une perte de diversité des coraux préjudiciable aux sociétés humaines
Les capacités évidentes d’adaptation des coraux sont un point positif, mais qui n’enlèvent en rien à la crise que subit la biodiversité dans le monde. Les espèces marines qui le peuvent ont déjà commencé une grande migration vers des eaux profondes plus favorables à la vie. Les coraux, eux, sont voués à migrer et coloniser de nouveaux espaces en eau plus froide pour survivre, mais le processus sera long et la fuite ne sera pas éternelle.
La création d’aires marines protégées (AMP) et la réimplantation des coraux demeurent les mesures directes les plus efficaces à l’heure actuelle pour limiter le déclin des espèces marines. D’autres méthodes, comme l’évolution assistée, sont en développement dans les laboratoires afin de rendre plus résistantes à la chaleur les espèces de corail.
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Mais la hausse continue des températures dans ces régions du monde, la destruction des habitats du Vivant par les activités humaines et la concurrence entre espèces entraîneront irrémédiablement l’exctinction des individus les plus vulnérables.
Photo par Francesco Ungaro pour Pexels.