Dans le pire des scénarios du changement climatique prévu par le GIEC, la montée des eaux pourrait entraîner un coût de 872 milliards d’euros pour les pays européens. Les dommages seraient très importants pour certaines régions comme la Vénétie (Italie) qui pourrait perdre 20% de son PIB.
872 milliards d’euros de dégâts, soit une baisse de 1,26% du Produit intérieur brut (PIB) européen et anglais, c’est ce que pourrait coûter la montée des eaux au continent d’ici la fin du siècle si rien n’est fait pour lutter contre le changement climatique. C’est du moins la conclusion d’une étude publiée dans la revue Scientific Reports par des chercheurs de l’Université de technologie de Delft (Pays-Bas).
Les fronts marins européens sont le lieu de vie de près de 200 millions de personnes. Environ 44% des citoyens européens et du Royaume Uni vivent à moins de 50km des côtes. L’activité économique y est importante : commerce international, tourisme, et industries de l’économie bleue façonnent généralement ces espaces côtiers. 40% du PIB de l’Europe proviendrait de ces régions, selon l’étude.
Or, « Cette élévation s’accélère et s’amplifie à mesure que s’accumulent les effets du réchauffement climatique, sur un horizon lointain (plusieurs siècles)”, souligne un autre rapport de France Stratégie sur le coût de l’inaction face au changement climatique en France parue en 2023. Et “cette augmentation du niveau de la mer entraîne d’une part des phénomènes de recul du trait de côte et, d’autre part, une augmentation des risques de submersion marine”. Mais les études chiffrant ces dommages divergent.
Une répartition inégale des dégâts en Europe
En s’intéressant dans leur étude au scénario le plus pessimiste du GIEC (SSP5 – 8.5), c’est à dire un fort développement économique d’ici 2100 porté par les énergies fossiles, correspondant à une hausse de la température moyenne de 5°C, les chercheurs néerlandais ont donc cherché à isoler les conséquences réelles de la montée des eaux de 1,7 mètres sur différents secteurs de production de biens et de services mais aussi à l’échelle des territoires en découpant la carte de l’Europe en 271 zones. Ils montrent ainsi très clairement le coût de l’inaction, si rien n’est fait par les Etats pour endiguer les effets du réchauffement climatique, ni pour renforcer les infrastructures présentes sur les littoraux.
Sur le continent européen, la Lettonie sera la plus impactée avec une perte de 7,69% de son PIB d’ici la fin du siècle. Les Pays-Bas, l’Italie, le Portugal et la République d’Irlande connaîtront une baisse de leur PIB située entre 2 et 5 %. La France, elle, devrait connaître une baisse de 1,49% de son PIB. Mais ces chiffres cachent une réalité nettement plus subtile et contrastée dans chaque pays.
Des vulnérabilités régionales contrastées
Dans l’Europe des 27, les régions telles que celles de la Vénétie (Italie), qui accueille la ville de Venise, ou la Voïvodie de Poméranie-Occidentale (Pologne), contiguë à la mer Baltique seront dévastées économiquement par une forte hausse du niveau de la mer. La Vénétie pourrait voir son PIB chuter de 20,84 % d’ici 2100, et la Voïvodie de 12%. La côte atlantique française et celle du Pas-de-Calais seront elles aussi particulièrement vulnérables à la montée des eaux. Les chercheurs estiment que ces régions subiront jusqu’à 7,2% de pertes.
L’Allemagne, l’Autriche, la République Tchèque, logiquement moins vulnérables à la hausse du niveau de l’eau par leur situation géographique, seront au contraire favorisées dans une certaine mesure par la relocalisation des industries de biens et de services. Ces régions pourraient connaître une hausse de 3% de leur richesse.
Pour la France, le rapport de France Stratégie souligne qu’en termes d’exposition au risque de submersion marine, l’ensemble des surfaces de bâtiments à risque en 2020 (soit 2 % du parc) devient à « risque très important » en 2050. Il mentionne aussi que France Assureurs estime le surcoût lié aux submersions marines à 100 millions d’euros annuels supplémentaires, presque intégralement dus au changement climatique, sur la période 2020-2050 selon le scénario RCP 8.5.
L’importance de l’enjeu mobilise une partie de la recherche européenne sur les conséquences du changement climatique. Plusieurs projets européens sur le recul du trait de côte et les risques de submersion marine sont en cours pour tenter d’éclairer les divergences entre les diverses estimations de dommages et de populations exposées disponibles dans la littérature à l’heure actuelle.
Photo par Klaus, Pexels.