Beaucoup de consommateurs souhaitent rendre leur mode de vie plus écolo. Ils veulent réduire leur empreinte environnementale pour faire leur part du combat contre le réchauffement climatique, la pollution ou la production de déchets. Pour y parvenir, ils mettent en place divers gestes, astuces ou comportements supposés réduire leur empreinte carbone.
Le problème, c’est que certains de ces gestes très répandus sont en réalité… pas si écolo que ça. Certains sont même totalement contre-productifs. En voici 5, avec l’explication.
1 – Éteindre le robinet en se lavant les dents
Depuis qu’on est tout petits, on nous répète que l’eau est une ressource en voie de disparition, qu’il faut protéger. Pour ça, on nous propose tout un tas de conseils, parmi lesquels bien éteindre son robinet en se lavant les dents ou en se lavant les mains. Pourquoi ? Tout simplement pour éviter que cette eau ne coule « pour rien » et soit gaspillée.
Pourquoi ce n’est pas si utile que ça ?
En réalité, l’eau consommée quand on laisse le robinet ouvert n’est pas gaspillée, elle n’est pas perdue. Elle est simplement envoyée dans le circuit d’épuration puis rejetée dans la nature où elle continuera son cycle normalement. Ce n’est donc pas « grave » si vous laissez votre robinet ouvert du point de vue écologique, car l’eau n’est pas perdue ! Et puis, ce sont de toute façon des montants très faibles, de l’ordre 500 à 1000 litres d’eau par an maximum. Or en France, comme il n’y a normalement pas de stress hydrique fort (nos réserves sont largement suffisantes 99% du temps) nous n’avons pas réellement besoin de nous préoccuper de ça. Même s’il faut bien admettre que ces dernières années, dans certaines régions, les ressources en eau disponibles diminuent.
Bernard Chocat, docteur-ingénieur en génie civil à l’INSA de Lyon explique ainsi : « L’eau ainsi rejetée […] n’est donc pas vraiment perdue. […] Elle est en permanence recyclée et remise en circulation par la nature. La vraie question est donc celle de la qualité de nos réserves. »
Bien sûr, ce n’est pas une raison pour laisser couler volontairement son robinet (si tout le monde le faisait, cela finirait sans doute par être problématique), mais il est toujours bon de rappeler qu’au fond, ce n’est pas vraiment en se concentrant sur ce petit geste que l’on aura un impact décisif sur le problème.
Qu’est-ce que je peux faire à la place ?
Plus que la quantité d’eau consommée, ce qui est important c’est surtout la qualité de l’eau. Car si l’eau consommée au robinet rejoint rapidement le cycle de l’eau, et est rapidement disponible pour être réutilisée… elle peut en revanche être polluée ! Par exemple, lorsque l’on jette un mégot et qu’il se retrouve dans le cycle de l’eau, il contribue à polluer durablement 500 litres d’eau. Et cette pollution est très difficile à « nettoyer ». De la même façon, laver trop souvent ses fibres synthétiques contribue à dégrader la qualité de l’eau en la polluant avec des micro-plastiques impossibles à filtrer. Jeter des médicaments ou encore des huiles, des produits chimiques type peintures ou vernis rendent aussi le traitement des eaux plus difficile.
Autre geste bien plus important vis-à-vis de l’eau : sa température. On pollue bien plus en « surchauffant » l’eau, qu’en la laissant un peu trop couler. En effet, quand on chauffe son eau (pour une douche, pour se laver les mains…) on consomme du gaz ou de l’électricité, et on émet donc des gaz à effet de serre. Réduire un peu la température de sa douche est donc un geste bien plus écologique que d’être obsessionnel du robinet.
En résumé : il vaut mieux se préoccuper des gestes qui préservent la qualité de l’eau que d’ergoter sur la qualité d’eau consommée. Mais si vous pouvez faire les deux, c’est encore mieux (notamment pour votre porte monnaie). Et à ce propos, sachez qu’il existe des gestes bien plus efficaces pour réduire votre consommation d’eau, comme réduire la durée de votre douche de 3 minutes. À propos de brossage, sachez que réduire la quantité de dentifrice que vous utilisez a plus d’impact environnemental que de couper l’eau ! Inutile de couvrir votre brosse, une petite goutte de la taille de votre ongle d’auriculaire suffit selon l’UFC Que Choisir.
2 – Être trop zélé sur le recyclage
Certains écolo font parfois du zèle quand ils font du recyclage. Et dans ce domaine, quelques geste très répandus sont pourtant particulièrement inutiles : vouloir trier tous les plastiques et tous les verres, laver ses bocaux, et conserves avant de les jeter, enlever les bouchons des bouteilles avant de les recycler…
Pourquoi c’est totalement inutile voire contreproductif ?
Rétablissons quelques vérités sur les règles du recyclage :
- tous les plastiques ne se recyclent pas. Inutile de vouloir recycler tous vos plastiques en enlevant précautionneusement les opercules en plastique de vos barquettes ou de vos emballages : ils ne se recyclent pas ! Les seuls plastiques recyclables sont ceux des bouteilles et des flacons (shampoings, produits d’entretien etc…). Note de la rédaction : cette information, écrite en 2017, n’est plus nécessairement valable depuis le 1er janvier 2019. En effet, depuis cette date, certaines communes, notamment Paris, acceptent tous les plastiques dans la benne de recyclage. Renseignez-vous auprès de votre commune.
- Arrêtez de vouloir trier vos verres cassés ! Le verre de vaisselle ne se recycle pas (que ce soit un plat en verre ou un verre à vin), ni les verres type vitres ou miroirs. Les seules verres qui se recyclent sont les contenants type bouteilles en verre, bocaux alimentaires etc… Les ampoules non plus ne sont pas considérées comme du verre recyclable !
- Inutile de laver vos bocaux, bouteilles ou conserves.. Cette opération de nettoyage est déjà effectuée dans les centres de tri et de recyclage… De ce fait, il est inutile que vous le fassiez à la maison puisque cela vous fait consommer de l’eau pour rien. Bon, ce n’est pas un drame comme on vient de le voir, mais quand même !
- N’enlevez pas vos bouchons de bouteilles en plastique avant de les mettre au recyclage. Ils se recyclent avec la bouteille !
- Aussi, n’écrasez pas forcément vos bouteilles avant de les mettre à recycler. Cela dépend des centres de tri, mais la plupart du temps, il faut que la bouteille ne soit pas écrasée pour être triée correctement une fois dans les centres de tri. Pour plus d’information, voir cet article de Libération à ce sujet.
Qu’est-ce que je peux faire à la place ?
Faites vous un petit stage pour réviser vos règles du recyclage en consultant notre article « Règles du recyclage : comment bien recycler ? ».
3 – Acheter une liseuse numérique pour éviter d’acheter des livres et de consommer du papier
On est désolé de vous l’apprendre, mais vos liseuses numériques sont tout sauf écolo. Elles sont peut-être pratiques et tendances, mais au niveau de l’empreinte carbone et de l’empreinte environnementale, elles sont bien moins efficaces qu’un bon vieux livre. Si vous pensiez acheter une liseuse pour éviter de couper des arbres en fabricant des livres, oubliez, c’est une mauvaise idée.
Pourquoi c’est (très souvent) contre-productif ?
Une liseuse, c’est un appareil électronique constitué de centaine de composants, de dizaines de métaux (parfois rares) de plastiques, de verre etc… L’extraction et la fabrication de ces composants pollue beaucoup. Beaucoup plus que de faire un livre ! L’empreinte carbone d’une liseuse électronique est forte (environ 235 kg d’équivalents CO2 selon une étude Carbone 4) alors que celle d’un livre est plutôt faible (1.3 kg selon la même étude). Vous allez me dire que vous pouvez lire des centaines de livres sur votre liseuse, et que donc au final ça sera plus écolo. Mais si l’on regarde les chiffres, on s’apperçoit qu’il faut lire environ 180 livres sur sa liseuse pour avoir un bilan environnemental positif par rapport à l’achat de livres papiers. Sauf qu’un français ne lit en moyenne que 18 livres par an… Il faudrait donc 10 ans de lectures assidues pour compenser la pollution générée initialement par la liseuse ! Et encore, c’est sans compter la consommation électrique de la liseuse, sans compter qu’un livre a généralement plusieurs vies (il est lu par plusieurs personnes, peut-être donné, prêté, rendu)… Et surtout sans compter que le livre papier est issu de ressources renouvelables (le bois) alors qu’une liseuse est issue de ressources non-renouvelables : plastiques, minéraux, métaux… Si en plus votre liseuse tombe en panne, se casse ou que vous devez la remplacer alors votre empreinte environnementale sera bien plus importante que si vous aviez juste acheté des livres…
Pour plus d’informations voir : Qu’est-ce qui est le plus écolo : un livre ou une liseuse ?
Qu’est-ce que je peux faire ?
Si vous êtes un énorme lecteur, investir dans une liseuse peut à la limite se justifier du point de vue environnemental. Quelques conditions toutefois : prenez soin de votre appareil pour qu’il dure le plus longtemps possible, réparez-le s’il tombe en panne et faites le recycler en fin de vie. Pour la majorité des lecteurs, il vaut mieux rester aux livres papiers, en essayant d’en prendre soin et de leur donner plusieurs vies en les prêtant, en les échangeant et en les recyclant en fin de vie !
4 – Remplacer votre matériel par des alternatives écolo
Halte aux idées reçues : acheter un produit écolo pour remplacer votre vieil objet n’est pas toujours écolo. Aujourd’hui, beaucoup réclament que les consommateurs changent leurs ampoules pour des ampoules basse consommation par exemple, certains conseillent d’acheter le dernier smartphone écolo ou le lave vaisselle économe. Mais ça ne marche pas vraiment.
Pourquoi ce n’est pas vraiment écolo (enfin, pas tout le temps) ?
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la majorité des impacts environnementaux d’un objet se situent généralement sur sa phase de production (et non pas sur sa phase d’utilisation). Par exemple, pour un smartphone, la phase de production concentre 60 à 70% des impacts environnementaux (et jusqu’à 80% pour certains impacts comme l’éco-toxicité). En gros, ce qui pollue le plus, c’est de fabriquer le produit. On pourrait donc être tenté de penser qu’il est plus intéressant de posséder un smartphone produit dans des conditions écologiques. Et dans l’absolu c’est vrai. Mais si votre téléphone est encore fonctionnel, il vaut mieux le garder (même s’il n’est pas spécialement écolo) que de le changer pour un modèle green. Pourquoi ? Tout simplement car cela évite de produire un nouveau téléphone (ce qui pollue beaucoup) alors que le votre est encore en état de marche. Si vous le remplacez, il ne sert plus à rien ! En le gardant plus longtemps, vous amortissez son impact environnemental.
Cela vaut aussi pour le matériel électro-ménager, numérique ou électrique. Même si vous avez la possibilité d’acheter un réfrigérateur moins gourmand en énergie, il vaut mieux garder l’ancien jusqu’à ce qu’il ne fonctionne plus. Certes il consomme plus, mais au moins vous ne gaspillez pas un appareil qui fonctionne encore très bien et qui a été très polluant à produire. Les seules exceptions ce sont les objets qui polluent plus lorsqu’ils sont utilisés que quand ils sont produits, comme les ampoules, ou les voitures dans une certaine mesure.
Qu’est-ce que je dois faire ?
Dans l’absolu, il est presque toujours plus intéressant de garder votre ancien matériel (même s’il consomme plus d’énergie) que de le remplacer. Gardez le jusqu’au jour où vous n’avez plus le choix, et à ce moment-là, choisissez un modèle écologique ! En règle générale, la meilleure façon de réduire notre impact environnemental serait de réduire notre consommation et notre production. Moins vous consommez, moins vous achetez, moins vous polluez. Même si c’est pour acheter un objet écolo.
D’ailleurs globalement, ce n’est pas parce qu’un produit est labellisé écolo qu’il est écolo de l’acheter. Si vous pouvez vous en passer, c’est toujours mieux pour la planète.
5 – Utiliser les « astuces de grand mère » pour nettoyer
Vinaigre blanc et bicarbonate ? Cola pour nettoyer la rouille ? Jus de citron et savoir noir dans tous vos produits d’entretien faits-maison ? Depuis plusieurs années, faire ses produits d’entretien soi même connait un véritable engouement. Mais ce n’est pas toujours aussi écolo que l’on peut le penser…
Pourquoi ça n’est pas (toujours) très écolo ?
« Quoi ? Les produits d’entretien faits maison ne sont pas toujours écolo ? Mais c’est n’importe quoi ! On m’a dit que le vinaigre blanc… » STOP ! Il y a beaucoup d’idées reçues sur ces sujets, et elles sont malheureusement rarement basées sur des faits scientifiques. On vous explique.
- Le vinaigre blanc : c’est sûr que sur le papier, le vinaigre blanc semble une alternative écolo et saine par rapport aux produits d’entretien chimiques. Après tout, du vinaigre, on en met dans nos salades donc ça peut pas être mauvais pas vrai ? Sauf qu’en réalité, la fabrication du vinaigre blanc n’est pas si différente de la fabrication des produits qui sont contenus dans certains produits d’entretien. Le vinaigre blanc, c’est de l’acide acétique, et la plupart des produits anti-calcaires vendus dans le commerce en contiennent aussi. Le problème, c’est qu’on a souvent tendance à en mettre beaucoup quand on fait ses produits soi-même… Plus que nécessaire ! Alors que dans certains produits vendus dans le commerce, la dose est parfaitement étudiée pour en gâcher le moins possible. En plus, parfois on fait n’importe quoi avec le vinaigre blanc
- Le combo vinaigre blanc + bicarbonate de soude : celui qui fait hurler les chimistes. Le vinaigre, comme on l’a dit, c’est un acide. Le bicarbonate de soude, c’est ce qu’on appelle une base, l’inverse d’un acide. L’acide a un pH bas alors que la base a un pH élevé… Et quand on est les mélange, une réaction acido-basique qui se produit : les acides sont neutralisés par les bases (en résumé). Concrètement cela veut dire que si cherchiez à utiliser les propriétés acides du vinaigre, celles-ci sont annulées et si vous souhaitiez utiliser les propriétés basiques du bicarbonate, celles-ci sont aussi annulées. Alors oui, ça mousse (c’est la réaction acido-basique) mais ça ne veut pas dire que ça soit efficace pour nettoyer. Pour que ça soit efficace, dans certaines utilisations uniquement, il faut doser parfaitement le mélange pour produire la juste quantité d’acétate sans effacer les propriétés de pH désirées pour l’usage en question. Et ce n’est pas si facile que ça !
- Jus de citron, cola et huiles essentielles : là encore, on trouve tout et n’importe quoi. Le cola est connu pour être une catastrophe environnementale, l’utiliser pour enlever la rouille est donc parfaitement contre-productif si on veut être écolo. C’est l’acide citrique du cola qui agit sur la rouille. Et de l’acide citrique, vous pouvez en acheter en gros dans des drogueries écologiques : il est spécialement produit à partir de moisissures et il n’est pas plus dangereux que l’acide citrique de votre cola ou de votre jus de citron. D’ailleurs, arrêtez de gaspiller de bons citrons pour nettoyer, c’est pareil ! Quant aux huiles essentielles, il est toujours bon de rappeler qu’elles ne se prêtent pas à toutes les utilisations, qu’elles peuvent-être dangereuses et qu’il faut les utiliser en quantités infimes. D’autant qu’elles ne sont pas toujours contrôlées par les autorités sanitaires, contrairement aux produits d’entretien commercialisés.
Qu’est-ce que je peux faire ?
Déjà, sachez limiter votre utilisation de produits d’entretien. Pour de nombreuses tâches de nettoyage, une simple eau chaude avec du savon noir ou du savon de Marseille suffit. Pas besoin de se lancer dans des fabrications alambiquées à base de cristaux de soude, d’acide acétique et d’huiles essentielles. D’autre part, ce n’est pas parce qu’un produit semble naturel, comme le jus de citron, qu’il est forcément plus écologique qu’un produit de synthèse comme l’acide citrique. En fait, ces deux produits ont exactement la même propriété et la molécule active est la même. Seule différence, le produit de synthèse est produit de façon optimisée pour cet usage, et donc son empreinte environnementale finale est généralement plus faible que celle de votre citron à usage comparable. Plutôt que de gâcher des citrons, il vaut donc mieux acheter de l’acide citrique chez un producteur écologique.