On le dit souvent : en France, la mer n’est pas à la place qu’elle mérite. En dehors des grandes courses au large qui déplacent les foules, il n’y aurait plus cette culture de la mer qui fait envisager (et rêver) le meilleur aux entrepreneurs les plus intrépides. Qui de nos jours à l’impact d’un commandant Cousteau, les rêves d’un Jules Vernes ou l’ambition maritime d’un Cardinal de Richelieu ?
Si ce constat est partagé par une grande partie des gens des mers il reste que le tableau n’est pas si noir que ça. Je vous en parle toutes les semaines : les défis que l’océan et la planète doivent relever sont une source d’aventures incroyables pour certains, prêts à se remonter les manches. Aujourd’hui je vous propose de découvrir cinq de ces raisons d’espérer un avenir plus radieux pour nos océans… Et tourner notre économie vers la mer.
Les algues au secours de la croissance bleue
Quand on parle de croissance bleue, les politiques pensent avant tout à l’industrie de la pêche, sans forcément savoir que la mer… Ce n’est pas que les poissons. Toutes ces petites pépites du tissu économique français qui s’intéressent aux algues en font aussi partie.
L’exploitation des algues est encore confidentielle en France mais se développe rapidement. On s’intéresse ici aussi bien aux micro-algues, utiles pour développer des carburants de nouvelle génération, qu’aux macro-algues de plus grande taille comme les laminaires, cultivées en mer ou à terre. Cette culture marine d’un nouveau genre doit permettre entre autres la fabrication de plastiques bio sourcés et biodégradables dans la lignée de l’interdiction des sacs plastiques dans les commerces français depuis le 1er janvier 2017.
On peut ainsi compter sur le programme européen GENIALG lancé à la station biologique de Roscoff qui rassemble un consortium de 18 entreprises et universités européennes, doté de 11 millions d’euros sur quatre ans. Le but est de fournir le prototype d’une filière industrielle rentable, basée sur les macro-algues, capable de développer une large gamme d’applications allant du bio-plastique aux médicaments en passant par les aliments. L’objectif est ambitieux et vise À faire de la France le leader de cette industrie d’ici 2020.
D’autres entreprises commercialisent déjà des applications issues de la culture des algues, principalement pour le bio-plastique comme les Français Algopack, Olmix ou Fermentalg.
Les énergies marines se développent enfin
2017 année charnière pour les énergies marines ? Il semblerait en effet : en 2017, le troisième acteur du secteur engagé dans l’énergie hydrolienne (Alstom) a jeté l’éponge. La Sabella a décroché une importante levée de fond pour financer la deuxième étape de son plan visant à fournir aux îles isolées une énergie propre issue des courants marins. DCNS a lui décroché la timbale au Canada en étant retenu pour la fourniture d’hydroliennes à mouiller dans la baie de Fundy : il s’agit à l’heure actuelle du plus grand marché à l’export pour cette technologie.
Quand à l’énergie éolienne offshore elle poursuit son bonhomme de chemin, avec une nouvelle technologie prometteuse : l’éolienne flottante. La première machine sera testée en mer au large du Croisic dès cette Été et la technologie sera par la suite déployée en Bretagne, non loin de l’île de Groix ainsi qu’en méditérannée, sur les concessions retenues par l’État.
Plus problématique est la situation de l’éolien offshore posé, dont la totalité des parcs prévus par l’État se retrouvent devant les tribunaux administratifs, suite aux recours déposés par des associations de riverains. Si ces ennuis judiciaires ne remettent pas en cause la volonté de se doter de X mWh d’éoliennes offshore posé, ils font tout de même prendre deux ans de retard à une filière qui est complètement à la traîne par rapport à nos voisins européens. Jugez un peu : les Britanniques ont su saisir l’importance de l’innovation il y à vingt ans et sont maintenant leader en Europe… Tout en ayant dorénavant le prix du mWh éolien offshore le plus faible au monde, à 112 euros.
Une autre aquaculture est possible pour nourrir le monde
Dans le domaine de l’aquaculture aussi tous les espoirs semblent permis. Encore une fois la France (mais l’Europe aussi) est à la traîne, avec moins de 2% du total de la production mondiale, mais cette situation pourrait s’améliorer grâce aux nouvelles techniques d’élevage.
La mauvaise presse de la pisciculture est due principalement à son impact sur le milieu marin. L’Union Européenne a donc fait le choix de développer une nouvelle filière expérimentale propre, basée sur l’AMTI, l’aquaculture multitrophique intégrée.
Ses avantages ? utiliser les déchets organiques issus de la production comme nourriture pour d’autres espèces complémentaires à l’élevage de poisson. Ainsi de véritables fermes aquacoles vont voir le jour, où l’on ne se contente plus d’une monoculture polluante mais d’un élevage diversifié en coquillages, algues et poissons. L’impact sur le milieu est fortement réduit, l’éleveur ne dépend plus d’une seule espèce et la qualité sanitaire de l’élevage s’en ressent, permettant une montée en gamme. Il s’agit tout simplement de produire de façon écologiquement intensive, comme le fait un écosystème riche en bon état en mer.
Simple dans le principe, plus compliqué à mettre en oeuvre, mais très prometteur : le programme IDREEM est là aussi européen et concerne 7 sites pilotes.
On fait pousser des coraux partout dans le monde
2016 aura été une sale année pour les coraux. Il s’agit non seulement d’un nouveau record de température mais aussi d’une année de très fort blanchiment, lié entre autres à un épisode exceptionnel d’El Nino. Ce blanchiment conduit dans la majorité des cas à la mort du corail. Devant la répétition de ces évènements à l’échelle de toute la planète, les scientifiques prédisent la disparition des massifs corallien d’ici 2050.
Alors comment agir vite pour sauver cet écosystème vital aussi bien pour l’Homme que pour la biodiversité marine ? Certains scientifique et ingénieur se sont penchés sur la culture des coraux, pour assurer une croissance optimale aux jeunes pousses avant de les replacer dans leur milieu.
Ceci pourrait ressembler à de la science fiction mais tout est bien réel : des exemples se démocratisent en Floride, à Madagascar ou en Indonésie. Sans être toutefois une solution à la mort de plus en plus rapide des récifs coralliens, ces actions aident les récifs à se remettre plus rapidement d’un épisode de blanchiment et limitent la pression humaine que font peser certains aquariophiles peu scrupuleux, n’hésitant pas à se servir sur la ressource sauvage.
Ces techniques investissent également la population locale dans la préservation et la reconstruction des récifs. Et si cette petite entreprise marseillaise ne se trompe pas, élever des coraux pourrait permettre le développement de nouvelles techniques de lutte contre le cancer. Autant de bonnes raisons de préserver cet habitat à l’origine de 25 à 40% des pêcheries mondiales.
Il n’y a jamais eu autant d’aires marines protégées sur la planète.
Et la France joue un rôle moteur dans ce développement ! Alors même si nous n’avons pas la plus grande zone protégée du monde, la France a respecté son engagement de placer au moins 20% de ses eaux sous protection. D’autres développements internationaux sont attendus, notamment vis à vis des aires marines protégées en haute mer qui ne disposent d’aucun statut de protection international.
Mais maintenant que ces AMP ont été décidées, il est temps de s’intéresser à leur statut de protection, qui s’avère bien trop souvent vide ou sans ambition. De même il est intéressant de s’emparer de l’outil des AMP pour protéger la biodiversité marine puisque celui-ci a prouvé son efficacité. Mais il faut avoir le moyen de ses ambitions, et nos millions de km² de mer ne se surveilleront pas tout seuls !
Ces cinq exemples nous montrent finalement que cette relation particulière que les Français se sont toujours flatté d’avoir avec la mer persiste encore de nos jours. Mais sous une forme différente : là où certains grands hommes voyaient grand, nous voyons petit et souple, à l’image de ces PME innovantes. Finalement, peut être que nous nous intéressons un peu trop à ce qui a fait notre réussite dans le passé au lieu de regarder vers l’avenir : nous avons une marine performante mais c’est dorénavant la biodiversité qu’il faut protéger. Nous rêvons encore d’habitat sous les mers mais c’est d’abord l’énergie de ces mers que nous devons dompter. Dans tous les domaines la mer fournit une solution, à condition de repenser notre façon de faire : c’est là le fondement de cette révolution bleue.