Les premières communications sur l’application de la loi sur le devoir de vigilance montrent une tendance lourde : les entreprises ne mesurent pas la portée de la thématique des droits humains comme levier de résilience, d’innovation et de compétitivité.

Des entreprises confinées dans une prise en compte de leurs enjeux droits de l’Homme « a minima »

Les Principes Directeurs des Nations Unies ont été officialisés en 2011. Ils ont restructuré progressivement l’ensemble de la soft law – les Principes Directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises par exemple. Mais aussi la hard law – le devoir de vigilance français est un bon exemple.

7 ans plus tard, que peut-on observer ? Sur la base des communications partagées par les entreprises sur leur application du devoir de vigilance, la compréhension du sujet reste limitée, polarisée et statique :

  • Limitée. Le périmètre ouvert par la Charte internationale des droits de l’Homme n’est généralement pas couvert
  • Polarisée. Les communications sont centrées sur la chaîne d’approvisionnement, il est vrai en réponse à une loi sur le devoir de vigilance qui occulte la responsabilité avale vis-à-vis des clients par exemple. Pourtant, c’est bien l’activité des clients en aval, notamment en B2B, qui a souvent une grande influence sur la maîtrise des enjeux droits de l’Homme sur la chaine d’approvisionnement en amont !
  • Les plans d’action s’appuient beaucoup sur ce qui a déjà été déployé dans les précédentes années, afin de faire étalage de moyens. Pourtant, les principes directeurs s’intéressent avant tout aux résultats démontrant une capacité réelle à identifier certes, mais surtout réduire des risques

On peut espérer que les entreprises ont une maturité interne bien plus élevée que ce qui est partagé dans les plans. Toutefois, et c’est à craindre : le pire ennemi des droits de l’Homme reste l’ignorance. Comment respecter des droits si on ignore leur traduction concrète dans un environnement opérationnel ? Il y a là un réel risque éthique. Egalement, le manque probable de maturité prive les entreprises d’un levier à même de renforcer la résilience, l’innovation et la compétitivité des entreprises. Il est urgent de corriger le tir.

Les entreprises développent leur propre résilience lorsqu’elles comprennent leurs enjeux droits de l’Homme

La photo de cet enfant Pakistanais cousant des ballons de foot a fait le tour de la Planète en 1997. Il y a plus de 20 ans !

devoir de vigilance travail enfants

La résilience pose la question de la capacité des entreprises à surmonter un choc traumatique et s’adapter. En réponse à ce scandale du ballon de foot parmi tant d’autres, comme le Rana Plaza plus récemment, cela fait déjà plus de 15 ans que les filières électronique ou textile internationales ont mis en place des audits sociaux, et se sont organisées pour harmoniser leurs attentes vis-à-vis de leurs fournisseurs : santé, sécurité, travail des enfants, gestion environnementale, conditions de vies dans des dortoirs… Surtout, ces filières ont commencé à s’organiser et à travailler collectivement sur les sujets concrets bien identifiés : formations santé sécurité, certifications de fournisseurs, gestion des heures supplémentaires par exemple.

Pourquoi ? Si les audits sociaux ont permis dans un premier temps de structurer des attentes entre clients et fournisseurs, les opérationnels ont rapidement vu les limites. L’approche collaborative a permis de commencer à déployer des réponses collectives à des enjeux systémiques. Si des accidents réguliers et tragiques viennent régulièrement rappeler combien il reste à faire, ces efforts ont participé à créer les conditions de la résilience des chaînes d’approvisionnement locales. Respecter les droits de l’Homme, c’est aussi pour les entreprises améliorer la productivité, la qualité, le respect des délais, pour conserver l’acceptabilité de ces chaînes d’approvisionnements par les clients et les consommateurs.

On peut tirer de cet exemple trois leçons pour créer de la résilience en approfondissant la thématique des droits de l’Homme pour une entreprise ou un secteur économique.

  1. Développer une compréhension systémique des enjeux de droits de l’Homme. Cet exemple montre des acteurs qui comprennent par exemple que pour réduire les risques de travail des enfants, il faut en comprendre les causalités et aborder les questions de manière systémique : créer des pratiques cohérentes chez les fournisseurs avec les attentes des donneurs d’ordre, travailler sur le salaire et les dépenses des foyers, améliorer l’accès à l’éducation par exemple.
  2. Clarifier les rôles des parties prenantes selon les sujets. Cet exemple montre que pour travailler par exemple sur la question de l’accès à l’éducation, il faut associer différentes expertises et perspectives. Chacun doit se concentrer dans le rôle où il est le plus pertinent. Le donneur d’ordre n’a pas à devenir un un expert de la Convention internationale des droits de l’enfant par exemple.
  3. Porter une vision de long terme. Les acteurs savent bien qu’ils investissent sur du long terme, dans une logique de renforcement de compétitivité de filières d’approvisionnement. Cela suppose de porter une vision de relations de long terme avec les fournisseurs locaux…

Les entreprises nourrissent leur capacité d’innovation avec une contribution positive sur leurs enjeux droits de l’Homme

objectifs developpement durable

Les objectifs de développement durable offrent un plan sociétal à horizon 2030 invitant notamment les entreprises à développer l’accès à des besoins essentiels – éducation, eau, énergie, santé… Contribuer d’une manière ou d’une autre à ces objectifs planétaires peut être une fierté tant pour l’entreprise que pour ses collaborateurs. L’accès à de nombreux services contribue au développement humain et permet d’adresser des attentes très concrètes contenues dans la Charte International des droits de l’homme. Ainsi, sans occulter les questions de gestion de risques, la complémentarité d’une approche droits de l’Homme « positive », comme levier d’innovation permet de tirer là aussi plusieurs enseignements :

  1. Associer risques et opportunités sur les questions de droits de l’Homme. La question des droits de l’Homme est fortement tournée vers le risque. Tout le langage de la soft / hard law sur ces questions invite l’entreprise à réduire ses risques. Il ne s’agit pas ici d’occulter cette dimension. Il faut challenger l’entreprise sur ses devoirs, mais aussi la motiver à pousser le plus loin possible les sujets sur lesquels elle peut avoir un impact positif
  2. #Tech4Good – Concentrer l’innovation sociale sur les leviers à fort impact sociétal. Quelques thématiques fortes sont à identifier. L’entreprise ne peut pas tout faire. En identifiant quelques marqueurs forts – accès à l’éducation, la santé, emploi décent, égalité entre les sexes – l’entreprise peut prendre à bras le corps des problématiques de développement ou d’exclusion par exemple, et irriguer sa capacité d’innovation pour accroître une contribution positive articulée autour de la mesure d’un impact sociétal sur le long terme
  3. Embarquer les opérationnels. C’est indispensable. Et c’est évidemment plus simple de mobiliser des opérationnels sur des thématiques positives – comment nos produits et services contribuent à améliorer la vie des gens – que de simplement les nourrir de chartes éthiques, de code anticorruption et de formations sur les pratiques à bannir. La réalité d’une démarche droits de l’Homme se nourrit dans l’entre deux : parce qu’il y a des marqueurs et des actions positives qui embarquent les opérationnels et suscitent l’adhésion, ceux-ci sont plus réceptifs pour comprendre et améliorer les pratiques à faire évoluer…

Faire vivre les droits de l’Homme au quotidien comme levier de compétitivité

Il y a déjà plus de 20 ans, lorsque Larry Kahaner et Patricia Jones publient « Say it and Live it », ils révolutionnent les méthodes de management en portant un regard nouveau sur l’importance et l’impact que des valeurs, une mission, un projet d’entreprise peuvent avoir sur la mobilisation, la motivation et l’engagement des salariés. Absentéisme, turnover, innovation, expérience client, ventes… c’est l’ensemble des rouages de l’entreprise qui en bénéficient.

Donner du sens, et faire vivre au quotidien les valeurs droits de l’Homme déclinée dans la réalité opérationnelle de chaque entreprise, chaque corps de métier, c’est renforcer le contrat social et affectif qui associe l’entreprise à ses salariés et ses partenaires économiques. Renforcer l’implication des salariés et des partenaires, c’est nourrir l’adhésion à la réussite du projet d’entreprise et de ses produits et services, libérer l’innovation, contribuer à améliorer l’expérience client.

Ainsi, on peut tirer de cet exemple trois leçons pour nourrir la compétitivité de l’entreprise par une pratique, au quotidien, des droits de l’Homme.

  1. S’appuyer sur un référentiel clair et précis. La thématique des droits de l’Homme est vaste, et technique. Elle doit se traduire de manière claire et précise autour d’enjeux et de situations s’appliquant aux activités de l’entreprise et impactant ses parties prenantes de manière concrète. Par exemple, on ne parle pas de « combattre le travail forcé » pour embarquer des opérationnels. A la place, on fait vivre des procédures concrètes pour s’engager à limiter les horaires, payer les heures réellement effectuées, donner un choix au salarié, former et améliorer la productivité du salarié, donner de la transparence sur sa paye et s’assurer qu’il comprenne les informations, lui fournir un canal de plainte sans craindre de retour de bâton s’il a besoin d’exprimer des inquiétudes par exemple
  2. Donner de l’espace au management pour comprendre et gérer les injonctions contradictoires. Le management est un rouage essentiel de diffusion. Il doit donc comprendre et adhérer aux enjeux, mais il doit aussi comprendre les injonctions contradictoires et pouvoir s’exprimer et prendre des décisions en fonction.
  3. Alimenter, de manière transparente, les décisions stratégiques et opérationnelles de tous les jours en s’appuyant sur le référentiel. Ce qui compte et suscite l’adhésion des collaborateurs, ce n’est pas d’avoir une politique droits de l’Homme solide. C’est la « mise en mouvement ». C’est de la capacité à s’en servir comme aiguillon au quotidien pour nourrir les prises de décision. C’est cela qui créé de l’investissement affectif de la part des collaborateurs.

Bref, on ne se paye pas de mots avec une démarche droits de l’Homme robuste : on renforce la gestion des risques pour renforcer la résilience. On nourrit la fierté d’appartenance et par là même, on renforce l’innovation sociale et la compétitivité. On gère mieux la complexité de l’humain dans la prise de décision stratégique et opérationnelle.

On fait du management en s’appuyant sur les meilleurs standards internationaux.

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Voir aussi : L’impact du devoir de vigilance sur la responsabilité des entreprises