Depuis plusieurs décennies, on observe un basculement par rapport aux problématiques nutritionnelles. Il y a encore 50 ans, la faim dans le monde et la sous-nutrition faisaient les unes des médias. Aujourd’hui, ce sont les maladies liées à la suralimentation qui font parler : les syndromes métaboliques et l’obésité, le diabète, mais aussi l’hypertension ou encore les maladies coeliaques. Que s’est-il passé pour que notre alimentation transforme ainsi notre santé ? Notre nourriture serait-elle devenue toxique ?

Aujourd’hui, on compte dans le monde plus d’obèses (près de 2 milliards de personnes, soit pratiquement un tiers de la population mondiale) que de personnes en situation de sous nutrition. Lorsque l’on parle de l’obésité, on emploie même des expressions comme « le mal du siècle ». Bien sûr, cette évolution est notamment due à une augmentation de la quantité de nourriture consommée, en particulier dans les pays les plus riches. Mais progressivement, on observe aussi les effets néfastes de notre alimentation sur la santé, la multiplication des cancers, des intolérances et des maladies.

Notre alimentation serait-elle devenue toxique ? Qu’est-ce qui a changé depuis une centaine d’années dans notre façon de nous alimenter ? Retour sur les évolutions de notre système alimentaire et sur ses conséquences sur la santé. Préparez-vous, la liste est longue.

Sucres, viandes, lait … : la transformation de notre alimentation est-elle nocive ?

Pour comprendre comment notre alimentation est devenue l’un des pires ennemis de notre santé, il faut d’abord comprendre que notre façon de manger a beaucoup évolué. Certes, on consomme plus de calories qu’autrefois, et cela permet de comprendre en partie pourquoi en moyenne, nous sommes plus gros (et plus gras) qu’il y a une centaine d’années. Mais nous ne mangeons pas seulement plus de calories, nous mangeons aussi de façon très différente.

Alimentation et santé : trop de glucides et de glucides raffinés ?

Le premier constat que l’on peut faire, c’est que notre apport en glucides a évolué. Les glucides, c’est ce que l’on appelle souvent (par abus de langage) les sucres de notre alimentation. Et nous en consommons beaucoup plus que par le passé.

Notamment, dans les pays riches, nous mangeons beaucoup plus d’aliments sucrés, à base de fructose ou de glucose. Selon une étude de l’American Journal of Clinical Nutrition, un américain mange aujourd’hui en moyenne 7 fois plus de sucre qu’un américain au début de l’ère industrielle (en 1850), soit près de 70 à 80 kg par an et par personne. En Europe, les chiffres sont légèrement inférieurs, mais on constate de la même façon une augmentation de la part du sucre dans notre alimentation.

augmentation de la consommation de sucre

Le sucre étant considéré comme l’une des substances les plus addictives qui existent, il n’est pas étonnant que sa consommation augmente. On le voit bien avec l’augmentation de la consommation des desserts sucrés, sodas sucrés et autres Le problème, c’est que la plupart des études médicales et nutritionnelles (1, 2, 3, 4, 5) permettent d’établir un lien entre consommation d’aliments sucrés et de nombreuses maladies (obésité, diabète, arthrose, cancers, maladies cardiaques…).

D’autre part, les glucides que nous consommons sont différents. Il y a 150 ou 200 ans, on consommait énormément de glucides provenant de céréales (pain, farines notamment). Aujourd’hui, cette consommation a baissé au profit des sucres (fructose et glucose), mais elle a aussi évolué. Les glucides que nous consommons aujourd’hui sont beaucoup plus « raffinés » et transformés que par le passé. Nous avons remplacé les farines complètes par des farines blanches, le riz complet par du riz blanc. Ainsi, la consommation de céréales sous forme complète a fortement diminué dans les pays développés. Aux Etats-Unis, elle ne représente que 3% de l’apport calorique moyen. Or ces glucides transformés contiennent moins de fibres et de nutriments que les glucides « complets » et certains chercheurs estiment que l’on consommait en 2000 40% de fibres de moins qu’en 1909. Et encore une fois, la plupart des études cliniques (6, 7, 89, 10, 1112) établissent un lien entre ces glucides simples pauvres en fibres et l’augmentation de la prévalence du diabète de type 2 ou d’autres problèmes métaboliques.

Plus de viande et de produits laitiers dans notre alimentation : quels risques pour la santé ?

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Deuxième constat : on mange aujourd’hui beaucoup plus de viande et de produits laitiers. Dans les pays riches, on constate que la consommation de viande a augmenté de 70 % depuis une centaine d’années. Aujourd’hui, un américain moyen consomme 125 kg de boeuf par an, soit près de 300 g par jour. De la même façon, la quantité de produits laitiers a augmenté, avec notamment la consommation de yaourts, crèmes, glaces et autres produits transformés à base de lait.

Beaucoup d’études ont été menées au sujet de l’impact de ces aliments sur notre santé et la viande rouge notamment est au coeur de nombreux questionnements sanitaires. Il y a quelques mois, l’OMS publiait ainsi un rapport mettant en évidence un lien entre la viande transformée (charcuterie, plats cuisinés à base de viande, viande hachée et autres nuggets…) et l’augmentation de la prévalence du cancer.

Selon les chercheurs d’Authority Nutrition, qui ont passé en revue l’ensemble des études menées sur le sujet ces dernières années, il existe un consensus fort dans la communauté scientifique sur les impacts de la viande sur la santé. Ainsi, si les chercheurs estiment que la viande en soi n’est pas un aliment nocif pour la santé (13, 14, 15, 16) de nombreuses études montrent un lien entre viande transformée et des problèmes de santé graves : troubles cardiovasculaires, cancers, hypertension… (17, 18, 19, 20, 21, 22)

Or aujourd’hui en France, plus de 55% de la viande consommée l’est sous forme transformée (charcuterie, viande hachée), et c’est sans compter sur tous les plats cuisinés ou surgelés qui contiennent de la viande. Ce chiffre ne cesse d’ailleurs d’augmenter, puisqu’il y a 10 ans à peine, il n’était que de 47%. De la même façon, la sur-consomamtion de produits laitiers est suspectée d’être impliqués dans l’augmentation des maladies métaboliques et autres cancers (23, 24, 25).

Les dérives de l’agro-alimentaire industrialisée : entre pesticides et antibiotiques, y’a-t-il des risques ?

L’autre grosse évolution de notre alimentation, c’est la déferlante de produits issus de l’agro-alimentaire industriel. En premier lieu, les fruits et légumes produits aujourd’hui sont moins denses en termes nutritionnels qu’il y a 50 ou 100 ans, en particulier à cause de la détérioration de la qualité des sols et de la dilution génétique (26, 27, 28)

Mais en plus, on constate que ces aliments sont aujourd’hui presque toujours modifiés après récolte. Que ce soient nos viandes et poissons, nos farines et nos céréales, les plats que nous mangeons, mais aussi les sauces, condiments et même les fruits et légumes, aujourd’hui presque tous les aliments ont subi un processus industriel qui les transforme : découpe, cuisson, surgélation, hachage, pressage, et autre. Lors des processus industriels, les aliments et surtout leur composition nutritionnelle se trouvent considérablement modifiés. D’abord, parce que les fruits et légumes transformés (prédécoupés ou surgelés par exemple) perdent une bonne partie de leurs nutriments et de leurs vitamines et de leurs fibres.

Mais surtout, ce sont tous les produits qui sont ajoutés lors de la production et de la transformation des aliments qui sont problématiques.

Pesticides, engrais et alimentation : quels dangers pour la santé ?

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En première ligne : les engrais, pesticides, herbicides et autre fongicides. Ces produits chimiques destinés à aider les aliments à pousser, ou à les protéger des maladies et des insectes, sont devenus incontournables depuis le milieu du 19ème siècle, et en particulier à partir du 20ème siècle avec la découverte des engrais azotés issus du procédé Haber Bosch. Certes, ces produits ont permis d’augmenter de façon considérable les rendements agricoles, et ont donc contribué à mieux nourrir le monde. Mais en contre partie, ils ont exposé la population à des niveaux plus élevés de produits chimiques. Certaines études ont montré que l’alimentation industrialisée dite « conventionnelle » était associée à un risque 4 fois plus élevé d’exposition à des résidus de pesticide par rapport à une agriculture biologique. Il ne s’agit pas de dire que ces produits sont forcément dangereux, d’ailleurs aucune étude n’a pu prouver clairement la dangerosité de cette exposition, qui reste systématiquement sous les limites sanitaires en vigueur (29). Mais l’idée d’être exposé à des résidus de pesticides par notre nourriture reste inquiétante en l’absence de certitude sur l’impact sanitaire de ces produits.

L’alimentation issue de l’agro-alimentaire industrielle contient aussi des niveaux significatifs de cadmium, un métal fortement toxique, lié à des maladies pulmonaires, des cancers du foie ou des os (30). Il faudrait ajouter à cela la présence dans nos aliments de divers antibiotiques, dont les effets sur la résistance aux bactéries sont discutés.

Graisses trans, additifs et autres recettes industrielles de l’agro-alimentaire

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Autres produits réputés dangereux présents dans l’agro-alimentaire : les divers additifs utilisés pour faire des produits transformés.

Des gélifiants, texturisants, conservateurs, colorants et autres produits synthétiques sont souvent ajoutés dans les produits transformés afin d’améliorer leur aspect ou leur goût. Mais ces substances sont-elles sans danger ? Difficile de donner une réponse car la plupart sont considérés sans danger par les autorités sanitaires. Néanmoins, certains sont très controversés comme la carraghénane, souvent appelé E407 (31), le MSG (Monosodium Glutamate, un exhausteur de goût) qui pourrait être impliqué dans l’hypertension (32), ou encore l’aspartame. La plupart de ces produits ont été médiatisés à la suite d’études mettant en évidence leurs effets possibles sur la santé. Bien que cela n’ait souvent pas été confirmé par les recherches ultérieures, ces produits restent soumis à caution.

D’autres produits sont en revanche très largement reconnus comme dangereux pour la santé, bien qu’ils soient présents dans de très nombreux produits que nous consommons chaque jour. C’est notamment le cas des produits suivants :

  • Les sucres industriels : notamment les sirops de glucose-fructose ajoutés dans les produits sucrés transformés. On en trouve dans pratiquement tous les produits industriels sucrés.
  • Les graisses et huiles végétales : comme les huiles de soja, de tournesol ou de colza. Ces huiles utilisées massivement dans l’industrie agro-alimentaire pour remplacer les autres graisses (animales ou végétales comme les huiles d’olive), seraient fortement liées avec l’augmentation des maladies inflammatoires et des maladies cardiaques notamment à cause de leur forte teneur en acide linoléique (33, 34, 35). De plus, ces graisses sont produites grâce à des solvants comme l’hexane, dont on trouve des résidus dans les huiles. Ces huiles sont présentes dans presque tous les produits transformés (biscuits, fritures, sauces…)
  • Les graisses trans : ces graisses sont transformées par adjonction d’hydrogène afin de mieux tenir à la cuisson et d’être moins liquides. Ce processus complexe entraîne la formation d’acide gras dits « trans », qui ont des effets très néfastes sur la santé (augmentation du mauvais cholestérol, syndromes métaboliques, maladies cardiaques et cancers) (36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44). On retrouve ces graisses notamment dans les soupes, viennoiseries industrielles, gâteaux, céréales industrielles, ou encore certaines pâtes à tartiner.
  • Le sel ajouté : utilisé pour renforcer les saveurs des aliments industriels (chips, plats préparés, sauces), le sel est reconnu dans la communauté scientifique comme une des causes majeures de l’épidémie d’hypertension.

 

Bref, sous prétexte de baisser les coûts ou d’améliorer la texture et le goût de leurs produits, certains acteurs de l’industrie agro-alimentaire intègrent dans leurs produits un cocktail d’ingrédients considérés comme nocifs pour notre santé. Bien que ces produits soient souvent présents en faible quantité dans les aliments que l’on achète, leur ingestion de plus en plus fréquente explique en bonne partie la multiplication de certains troubles de la santé.

 

Mais tout n’est pas perdu ! La semaine prochaine, nous évoquerons des solutions alternatives pour éviter au maximum tous ces nouveaux aliments qui ont rendu notre nourriture toxique. Circuits alternatifs et nouveaux modes de production seront à l’honneur pour vous permettre de vous nourrir plus sainement.

 

Crédits image : Chemicals Food, Pesticides, Meat, Trans Fat sur Shutterstock