L’article 173 de la loi de transition énergétique instaure une obligation de reporting sur les questions climatiques pour les gestionnaires de fonds financiers. Cette réglementation est-elle en passe de devenir un modèle pour les acteurs internationaux de la finance ?

La loi de transition énergétique française a d’ores et déjà un impact significatif sur les questions environnementales en France. Mais cette nouvelle réglementation ne concerne pas seulement les questions énergétiques.

L’article 173 : le modèle de reporting financier français

Outre les mesures les plus connues de cette loi (développement des énergies renouvelables, interdiction du gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces…) l’un des articles les plus significatifs de cette loi est peut-être son article 173. Cet article prévoit pour les gestionnaires financiers (gestionnaires de portefeuilles, fonds de pension, assurances, banques ou encore mutuelles) l’obligation de communiquer sur les risques climatiques des actifs financiers qu’ils gèrent, mais aussi de faire une évaluation de la part des actifs « verts » de leurs investissements. L’article prévoit aussi que les gestionnaires de fonds doivent définir une stratégie de réduction de l’impact carbone de leurs actifs.

reporting climat financier

Concrètement, cela signifie que désormais le monde de la finance, en France, doit prendre en compte les critères climatiques et de développement durable dans ses portefeuilles. Bien sûr, la loi n’impose pas aux banques ou aux fonds de pension de devenir soudain « green » et d’investir dans le durable, mais en les obligeant à communiquer sur la composition de leurs portefeuilles, elle fait entrer le climat dans les critères d’investissement scrutés publiquement. Théoriquement, plus de 800 gestionnaires de fonds sont concernés et vont devoir publier en 2016 la composition de leurs fonds, ou au minimum publier un document justifiant de leur refus de le faire.

C’est une première dans un grand pays doté d’une place financière d’importance comme la France, c’est un premier pas pour faire de la finance un acteur plus éco-responsable. Et il se pourrait bien que d’autres pays prennent l’article 173 pour modèle.

Le reporting français bientôt imité ?

Déjà, les ramifications du monde financier commencent à être affectées par cette loi. En effet, la finance est par essence internationalisée. Lorsqu’un gestionnaire de fond français doit effectuer un reporting de ses actifs, il est donc forcé de savoir ce que contiennent les actifs des intermédiaires financiers auprès desquels il investit. Selon Gordon Morrison, gestionnaire ESG auprès d’une branche du Financial Times Stock Exchange (un indice boursier londonien), des gestionnaires de fonds américains à Boston ont d’ores et déjà reçu des demandes de transparence de la part de grands gestionnaires français.

L’article 173 incite donc les acteurs internationaux à faire l’inventaire de leurs actifs afin de respecter la réglementation française. Selon Kévin Bourne, lui aussi gestionnaire au Financial Times Stock Exchange, « Nous pensons que cette législation française aura des répercussions extrêmement larges pour l’industrie, car c’est une règlementation simple, mais qui incite à beaucoup d’action. » Et en effet, par effet rebond et par diffusion des bonnes pratiques, il se peut que ce modèle de reporting des acteurs financiers devienne vite un standard nécessaire pour l’accès à certains marchés financiers. On peut donc imaginer que l’idée se propage hors du cercle des acteurs français.

Vers une législation européenne sur le reporting financier

article 173 reporting climat financeCôté Union Européenne; la législation française et l’article 173 seraient en passe de devenir une source d’inspiration pour une réglementation européenne. D’après Business Green, les experts européens de la régulation financière se pencheraient en ce moment sur l’expérience française avec l’article 173 afin d’élaborer dans les deux prochaines années une réglementation contraignante obligeant les acteurs financiers européens ou opérant avec des acteurs européens à plus de transparence sur la question climatique.

Au final, la France a peut-être lancé un mouvement plus large de régulation des marchés financiers sur les critères climatiques. Il reste à voir comment les acteurs financiers accueilleront de telles dispositions, et comment cela influencera l’investissement socialement responsable. Potentiellement, si des incitatifs se développent pour que les acteurs financiers investissent dans les énergies renouvelables ou dans des actifs décarbonnés, cela peut représenter un levier susceptible de booster les technologies environnementales.

 

En attendant, espérons que l’expérience française pousse d’autres pays à adopter de telles législations.

Crédits image : reporting financier, finance reporting, rapport financier