Quel rapport entre le réchauffement climatique et les maladies et infections résistantes aux médicaments et antibiotiques ? Aucun ? Apparemment si. C’est en tout cas le résultat d’une étude publiée aujourd’hui dans Nature Climate Change.

Il semble que l’on ait pas fini d’entendre que « le réchauffement climatique est responsable de tel ou tel phénomène ». On savait déjà que le réchauffement climatique augmentait le risque d’incendies, que le changement climatique aggravait les risques d’inondations, ou encore qu’un climat plus chaud entraînait de plus grands risques de cyclones. C’est vrai qu’à force, cela peut sembler ridicule, et pourtant, tout ça est très sérieux. Une étude qui vient d’être publiée va même encore plus loin et montre comment l’augmentation des températures pourrait entraîner une multiplication des infections, bactéries et maladies résistantes. Explications pour mieux comprendre.

Températures plus élevées : plus de bactéries résistantes ?

Ce sont des chercheurs de l’Université de Toronto en partenariat avec l’Hôpital pour Enfants de Boston qui ont mis en évidence cette réalité dans une étude publiée dans la revue Nature Climate Change. Les scientifiques observent depuis longtemps déjà en laboratoire que les bactéries (pathogènes ou non) se reproduisent plus vite lorsque les températures sont plus élevées : c’est la raison pour laquelle on conserve notamment les aliments au froid. Or une croissance et une multiplication plus rapide des bactéries, cela veut aussi dire une fréquence de mutations plus élevée. En effet, chaque nouvelle génération de bactérie est porteuse de potentielles mutations de son ADN. Et plus de mutations, cela veut dire plus de chances de développer des résistances aux médicaments et antibiotiques que l’on utilise pour les combattre.

De plus, quand les températures sont plus élevées, un phénomène que l’on appelle le « transfert génétique horizontal » est aussi amplifié. Il s’agit d’un phénomène qui permet aux mutations de se répandre au sein d’une même génération de bactéries. En gros, à haute température, les bactéries deviennent résistantes plus rapidement. La question qui restait en suspend était la suivante : ce phénomène s’observe-t-il aussi hors des laboratoires, dans des espaces ouverts comme les hôpitaux, lorsque les températures augmentent ?

Le réchauffement climatique : un danger bactériologique pour les hôpitaux

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Pour le savoir, les chercheurs ont analysé les résultats de tests bactériologiques et de diagnostics menés dans près de 230 hôpitaux à travers les Etats-Unis, afin d’analyser la sensibilité des évolutions bactériologiques en fonction de la température. Ils ont ainsi analysé la sensibilité aux températures des trois des bactéries les plus communes : Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae et Staphylococcus aureus.

Leurs résultats montrent que pour chaque augmentation de 10 degrés des températures minimum augmentait jusqu’à 4.2% la résistance aux antibiotiques de ces pathogènes. Et cela dans les conditions actuelles des moyennes de températures, qui ne sont pour l’heure pas extrêmement élevées. Il faut donc imaginer que si les températures continuent à augmenter (et sachant que le GIEC prévoit des températures pouvant augmenter jusqu’à 6 degrés jusqu’à la fin du siècle) le phénomène pourrait être encore plus marqué. En résumé cela veut dire que plus les températures vont augmenter, plus la résistance aux traitements des pathogènes les plus communs va augmenter rapidement. Dans un monde où la résistance aux antibiotiques est déjà considérée comme responsable de plusieurs millions de morts par an (avec des projections allant jusqu’à 10 millions de morts par an en 2050), c’est évidemment un enjeu considérable.

Résistance aux antibiotiques, changement climatique : un futur incertain

D’autant plus que la question de la résistance aux antibiotiques fait déjà l’objet de sérieuses inquiétudes dans la communauté scientifique et médicale. Notre alimentation (notamment le bétail élevé aux antibiotiques) ou la surmédicalisation généralisée dans les pays développés, pourrait déjà créer une véritable épidémie de résistance aux antibiotiques pour des pathogènes communs et dangereux. Si l’on ajoute à cela les perturbations climatiques (augmentation de la température, voire de l’humidité) le tout dans un contexte où les budgets des hôpitaux se réduisent, on obtient la recette parfaite pour une multiplication des infections résistantes et autres maladies nosocomiales.

Le futur est donc très incertain sur cette question, puisque l’on a encore du mal à prévoir comment ces réalités peuvent évoluer. Mais les conclusions des chercheurs sont assez claires : « les prévisions actuelles sur la fléau de la résistance aux antibiotiques pourrait avoir été significativement sous-estimée face à une population grandissante et surtout au réchauffement climatique ». Il est donc urgent de réfléchir à ces questions pour développer un vrai modèle de résilience médicale face au réchauffement climatique.