Quel est l’impact environnemental des batteries des voitures électriques ? Quelles sont les conséquences de la production des batteries des voitures électriques sur la planète ? Cela ne supprime-t-il pas l’intérêt écologique des voitures électriques? Explications.
La révolution des voitures électriques arrive. On nous le répète régulièrement, brandissant les chiffres des dernières ventes en augmentation, les déclarations messianiques d’Elon Musk ou les performances de plus en plus fortes des derniers véhicules mis au points par les industriels. Et apparemment, la voiture électrique serait l’une des solutions majeures à tous nos problèmes environnementaux.
Le problème, c’est que les voitures électriques ne sont pas toutes vertes. Elles polluent, elles aussi. D’une façon différente des voitures à combustible fossile, certes, mais elles polluent (voir à ce sujet : Les voitures électriques polluent-elles moins que les voitures thermiques ?). Un des aspects potentiellement problématiques de la production des voitures électriques sur le plan environnemental est bien-sûr la question des batteries. Et plusieurs études récentes viennent confirmer ces craintes : les batteries des voitures électriques pourraient nous poser certains problèmes environnementaux importants. Eh oui, les batteries des voitures électriques sont polluantes, et même si les voitures électriques restent plus écologiques que les voitures thermiques, il faut tout de même prendre garde à l’impact environnemental de leurs batteries.
L’impact environnemental de la des batteries des voitures électriques
La production d’une batterie de voiture électrique demande d’abord beaucoup de ressources et d’énergie. Plus, même, que la production d’un moteur à combustible. On estime ainsi que la production de la batterie représente 35-41% de l’empreinte carbone d’un véhicule électrique, et c’est en partie ce qui explique que la production d’un véhicule électrique génère plus d’émissions que la production d’une voiture thermique. Bien sûr, si l’on regarde l’ensemble du cycle de vie, une voiture électrique émettra moins de CO2 et de polluants atmosphériques qu’une voiture thermique, car elle ne génère par de pollutions à l’usage. Les études parlent ainsi d’une empreinte carbone réduite de moitié au moins sur l’ensemble du cycle de vie, en comptant tous les aspects de la production et de l’usage du véhicule (fabrication, production de l’électricité, usage…).
Mais il n’y a pas que la pollution atmosphérique et les gaz à effet de serre à prendre en compte. Produire des batteries, c’est aussi extraire des métaux et des matériaux plus ou moins rares. Par exemple, le lithium dont sont en partie composées les batteries est une ressource difficile à extraire et dont la production a des impacts très forts sur l’environnement. Une étude menée en 2013 par l’EPA (Environmental Protection Agency aux Etats-Unis) et Abt Associates, montrait ainsi que l’extraction de lithium posait un important problème d’éco-toxicité notamment.
De plus, les études récentes montrent qu’il n’y aura sans doute pas assez de lithium pour soutenir la croissance du marché des véhicules électriques. Des alternatives comme les batteries au cobalt et au nickel sont en cours d’élaboration, mais elles font, elles aussi peser des risques sur l’environnement : pérennité des ressources, impacts du minage et de la transformation industrielle… Pour récolter ces matériaux, il faut aussi des mines, qui détruisent localement des écosystèmes.
Globalement, la production de véhicules électriques, si elle est plus intéressante sur le plan climatique et en termes de pollution atmosphérique, pose donc tout de même des problèmes environnementaux : épuisement des ressources, eutrophisation, dégradation des écosystèmes.
La question du recyclage des batteries
Mais la production n’est pas le seul problème environnemental que pourrait engendrer la multiplication de batteries pour les véhicules électriques. La gestion de la fin de vie et le recyclage des batteries est une autre problématique fondamentale. En effet, les batteries n’ont pas une durée de vie infinie. Quand elles tombent en panne, il faut les prendre en charge et les recycler pour éviter que leurs composants ne se retrouvent à polluer des décharges. Sauf que… c’est assez compliqué.
Aujourd’hui en Europe, seules 5% des batteries lithium sont recyclées. Bien sûr, avec le développement des voitures électriques, une filière de recyclage devrait émerger, permise notamment par le concept de Responsabilité Élargie du Producteur (REP). Mais même avec une filière, les choses pourraient s’avérer compliquées. D’abord parce que les batteries sont différentes selon les constructeurs et il est donc difficile d’élaborer un processus standardisé pour recycler ces batteries. Ensuite, parce que même en recyclant on n’est aujourd’hui incapable de récupérer 100% des matériaux utilisés. Le lithium en particulier est difficile à récupérer sous une forme suffisamment pure pour être réutilisée facilement. Il faut ajouter d’autres process pour purifier le matériau.
Et puis surtout, le recyclage demande beaucoup d’énergie et de ressources. Dans une étude comparative menée en 2016, les chercheurs ont estimé que les méthodes actuelles de recyclage permettent de récupérer entre 50 et 85% des matériaux, grâce à des processus chimiques complexes. L’étude prévoit aussi que l’on pourrait améliorer ces rendements, mais au prix d’autres processus ayant un « coût non-négligeable ».
Autrement dit, même si l’on arrive à développer une filière de recyclage efficiente, cela ne se fera pas sans un coût (économique et surtout environnemental) important.
Recyclage des batteries : une filière à développer… et des freins
La question du développement de cette filière est elle d’ailleurs particulièrement intéressante. En effet les leaders mondiaux du secteur sont aujourd’hui loin d’avoir les capacités de recycler les volumes de batteries actuelles. Lorsque le marché des voitures électriques va se développer, et que les premiers modèles arriveront à la fin de leur cycle de vie, il faudra qu’une filière soit prête à prendre en charge le recyclage. Car les batteries non traitées sont très polluantes : elles peuvent générer des gaz éco-toxiques, des polluants contaminant les sols des déchetteries, etc. Le problème c’est que la filière est longue à se développer, et elle pourrait ne pas être rentable au départ.
C’est une autre version du problème de la poule et de l’oeuf : pour qu’une industrie de recyclage des batteries se développe, il faut qu’elle soit rentable. Or pour qu’elle soit rentable, il faudra que les acteurs (publics ou privés) soient prêts à prendre en charge le financement des coûts de ce recyclage. Or si le recyclage coûte cher, personne ne voudra le prendre en charge. Il faudra donc peut-être attendre que les impacts environnementaux des batteries non-recyclées commencent à coûter trop cher à la collectivité pour que celle-ci se décide à financer une filière. Et même si une filière de base parvient à se développer dès le départ (c’est déjà en cours avec certains acteurs comme Umicore, ou Li-Cycle), il faudra payer plus cher pour que les processus réellement efficaces soient mis en place.
Sans compter que toute la R&D faite aujourd’hui sur la question du recyclage pourrait être faite « pour rien » si demain d’autres batteries sont inventées par les constructeurs. En bref, le boom des véhicules pourrait rapidement (d’ici une dizaine d’années) poser un vrai problème environnemental : celui de milliers de batteries polluantes qu’il faudra rapidement recycler pour éviter les contaminations. Encore un aspect du problème à prendre en compte dans la transition écologique, et une raison de plus de viser non seulement la transition vers l’électrique, mais aussi (et surtout) vers plus de mobilité douce et collective.
La question des batteries des voitures électriques et de leur impact sur l’environnement doit donc être au coeur de la transition. Il est vrai qu’aujourd’hui la voiture électrique est nettement moins polluante que la voiture thermique, et ce même en comptant la batterie et son recyclage ou la production d’électricité, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se lancer tête baissée dans la transition vers l’électrique, sans se poser la question de la manière dont nous allons gérer les impacts de ces véhicules. L’erreur que nous avons fait avec le thermique était de croire que nous pouvions baser entièrement notre modèle de mobilité sur un seul type de véhicules, sans nous préoccuper des conséquences. Ne faisons pas la même erreur avec l’électrique. D’autres formes de mobilité sont possibles : transports en commun, mobilité douce, réduction des besoins en mobilité… Voilà des pistes à explorer, en même temps que l’on met en oeuvre notre sortie des véhicules thermiques.