Le budget carbone de l’Humanité, c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre que le monde peut émettre avant de dépasser le seuil de réchauffement d’1.5 degré, serait plus petit que prévu. C’est ce que révèlent les experts de Carbon Brief, en se basant sur les données du GIEC et du Global Carbon Budget.

Combien de gaz à effet de serre l’Humanité « peut-elle » encore émettre avant de dépasser le dangereux seuil de 1.5 degré de réchauffement climatique ? C’est à cette question que tente de répondre les analyses du Global Carbon Budget (GCB). Chaque année, l’organisme publie un rapport estimant la quantité d’émissions de gaz à effet de serre qu’il ne faudrait pas dépasser pour avoir 50% de chances de rester sous le seuil de 1.5 degré. Ce « budget carbone » permet d’avoir une idée des ordres de grandeur de réduction d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour faire face au réchauffement climatique.

Cette année encore, le GCB publie son rapport, mais déjà certains experts estiment qu’il pourrait avoir sur-estimé notre budget carbone restant. Selon les experts de l’organisation Carbon Brief, spécialiste des enjeux climatiques, ce budget ne serait que de 260 milliards de tonnes de CO2. Soit à peine 6 ans d’émissions aux niveaux de 2022.

Le budget carbone 2022 : comprendre les chiffres

[box]Budget carbone : quelques précisions

La notion de budget carbone permet de mieux visualiser le décalage entre nos taux d’émissions actuels et nos objectifs dans la lutte contre le réchauffement climatique. Toutefois, le risque de ce concept est qu’il soit mal compris. En effet, on pourrait être tenté de penser que ce budget correspond à « ce que l’on peut encore émettre » sans risque. Or, c’est précisément l’inverse : le risque existe déjà, et chaque émission de gaz à effet de serre supplémentaire augmente ce risque. Le budget permet de voir à partir de quels seuils d’émissions le risque devient beaucoup trop important. À l’inverse, le budget carbone ne dresse pas non plus une « ligne rouge » à partir de laquelle tout serait fichu. Il faut voir ce chiffre comme un rappel de l’urgence d’agir pour limiter nos émissions. [/box]

Calculer un budget carbone est une opération complexe. D’abord, parce que la science climatique est par définition en partie incertaine. On sait que le climat se réchauffe, on sait que les conséquences de ce réchauffement seront dramatiques, on peut mesurer à peu près à quel rythme les émissions de gaz à effet de serre augmentent le forçage radiatif de la planète et dans quelle mesure cela peut participer à son réchauffement. Mais il est plus difficile de dire précisément comment les cycles climatiques vont s’adapter à cette perturbation du forçage radiatif, ou de prédire exactement de combien de degrés la planète va se réchauffer, car de nombreuses boucles de rétroaction et de phénomènes naturels et climatiques sont en jeu. C’est d’ailleurs pour cette raison que les scénarios du GIEC sont toujours présentés sous forme de fourchette, avec des niveaux variés de certitude.

Ensuite, le calcul d’un budget carbone dépend de la façon dont on compte les émissions de gaz à effet de serre. Il existe en effet différents gaz à effet de serre (CO2, méthane, oxydes d’azote…) qui ont des pouvoirs de réchauffement différents et des durées de vie différentes, et que l’on peut donc intégrer différemment dans les modélisations climatiques. De même, les puits de carbone peuvent être comptés de différentes manières. De ce fait, les budget carbone ne sont que des estimations, dont la portée prédictive est toujours soumise à une forme d’incertitude. On présente ainsi le budget carbone sous une forme statistique : c’est la quantité d’équivalents CO2 qu’il ne faudrait pas dépasser pour avoir 50% de chances de rester sous le seuil d’1.5 degré.

Dans son dernier rapport, le GIEC estimait que le budget carbone restant en 2020 était d’environ 500 milliards de tonnes. Soit environ l’équivalent d’un peu plus de 10 ans d’émissions si l’on restait aux niveaux actuels. Le GCB, qui vient de publier son rapport annuel, estime que le budget carbone restant en 2022 est d’environ 380 milliards de tonnes de CO2. Soit environ 9 ans.

Un budget carbone plus restreint que prévu

Mais d’après Carbon Brief, cette estimation pourrait être encore plus basse, si l’on y intègre les dernières mises à jour des méthodologies de modélisation du budget carbone, et en particulier les données liées à la contribution des émissions des autres gaz à effet de serre et polluants (notamment les aérosols). Selon l’organisme, la pollution aux aérosols, qui contribue actuellement à « limiter » le réchauffement climatique, va baisser, ce qui risque de réduire la marge de manoeuvre avant d’atteindre les fameux 1.5 degrés.

D’après les calculs de Carbon Brief, le budget carbone restant en 2022 serait donc plus proches des 260 milliards de tonnes, soit environ 6 ans d’émissions aux taux actuels. Un budget encore plus faible que prévu, donc, et qui rappelle encore une fois l’urgence d’une baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre.

Pour rappel, les politiques mises en oeuvre dans les différents pays du monde pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre restent très insuffisantes. Nous sommes encore loin des trajectoires qui pourraient nous amener à respecter les engagements pris dans le cadre des Accords de Paris à la COP21, engagements qui sont eux-mêmes encore loin d’être suffisants pour permettre à la planète de se maintenir sous le seuil d’1.5 degré.

Un budget inférieur aux émissions liées aux infrastructures d’énergie fossile

Le budget carbone estimé par Carbon Brief est près de 2.5 fois inférieur aux émissions qui devraient résulter de l’exploitation des infrastructures de production d’énergie fossile actuelles. Concrètement, cela veut dire que si nous exploitons ces infrastructures de production comme prévu, nous exploserons très largement notre budget carbone, et donc très probablement le seuil de réchauffement d’1.5 degré.

Ces chiffres indiquent qu’il y a réellement urgence à engager un changement radical de modes de production et de modes de consommation, et à aller beaucoup plus loin dans nos stratégies d’atténuation du réchauffement climatique.

[box]Sources :

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Photo par Chris LeBoutillier sur Unsplash

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