Les algues font tantôt peur, tantôt envie : présentes dans notre alimentation (qui n’aime pas les sushis ?), dans la peinture et bien sûr dans l’environnement, elles sont considérées comme un véritable trésor pour les entrepreneurs de la révolution bleue. Mais quand elles s’échouent par tonnes entières sur nos plages elles deviennent le cauchemar des riverains et des touristes. Alors comment cet encombrant végétal pourrait-il bien être la solution à notre dépendance au pétrole ?
L’une des plaisanteries favorites d’un de mes amis quand je lui rappelle que j’habite en Bretagne est de me demander si les thalassothérapies Bretonnes font toujours payer les bains d’algues. Source de blagues pour quelques uns, les échouages massifs d’algues sont pourtant en régression suite aux multiples plans de gestion conçus pour éradiquer ce fléau. Les agriculteurs font des efforts, les communes littorales également et l’on peut espérer un bel été pour les plages concernées par ce problème.
Au-delà des soucis inhérents à l’excès d’azote épandus sur les champs de la campagne Bretonne, la culture d’algue (l’algoculture) se développe partout en France, et fait rêver bien des industriels pour un futur plus vert… Ou marron.
Algues : un plastique entièrement biodégradable en quelques jours
Nous vous en avions parlé dans un précédent article, le plastique fait des ravages dans les océans. Il devient urgent de trouver une solution à notre dépendance aux énergies fossiles pour la production d’un matériau plus écologique que les actuels plastiques issus de l’industrie pétrolière, qui sont extrêmement longs à se dégrader dans l’environnement. Une petite PME basée à Saint Malo fait partie de ces tenants d’une « autre industrie », écologiquement compatible et utilisant des ressources durables.
Algopack commercialise depuis 2010 le premier plastique bio-sourcé entièrement à base d’algues brunes. Ce plastique est distribué sous forme de produits finis, directement compostables en quelques jours ou sous forme de billes utilisables en mélange par d’autres industriels de la plasturgie. Les algues brunes (laminaires ou goëmon) étant facile à reproduire au sein d’écloserie c’est l’assurance de posséder une ressource ayant un impact minimal sur le biotope. La culture se fait sur filière, en eau peu profonde. L’entreprise Algopack étant installée à Saint Malo l’ensemble de son approvisionnement provient des fermes situées à moins de 250 Km !
Le procédé ne demande aucune modification des machines-outils, seule la perméabilisation du produit (qui lui permet de se dégrader très rapidement dans l’environnement) est à double tranchant : impossible dans ces conditions de faire une bouteille d’eau risquant de fuir au bout de quelques heures. Néanmoins mélangé à d’autres plastiques cet inconvénient disparaît, tout en limitant la durée de vie du produit. Pour rappel il faut 500 ans à une bouteille de plastique pour être biodégradée…
Un des inconvénients de l’utilisation d’algues est la légère odeur qui accompagne le plastique. La société Ceraplast a développé le Biopropylène 109D pour pallier ce souci : composé à 20% de polymères issus d’algues il est un pas prometteur vers une plasturgie affranchie du pétrole.
Une énergie disponible à l’infini, sans impact majeur sur l’environnement
Les algocarburants ne sont pas des « agro-carburants » comme les autres : ils ne concurrencent pas l’alimentation humaine pour ce qui est de l’eau et des surfaces arables, leur exploitation est bien moins polluante et prends 20 à 30 fois moins de place. A ce titre on les considère comme des biocarburants de 3ème génération, après les oléagineux (actuellement commercialisés) et les biocarburants à base de bois, paille et feuilles.
Le directeur adjoint du pôle de compétitivité Pôle Mer – Bretagne Stéphane-Alain Riou explique le fonctionnement des algocarburants :
« Les algues se servent de l’énergie solaire et du CO2 alentour pour leur photosynthèse. Pendant leur croissance, les algues accumulent de la graisse. Et c’est à partir de cette graisse que le carburant est fabriqué. »
En puisant dans le stock atmosphérique de CO2 et en supprimant notre dépendance aux énergies fossiles les algues promettent une révolution dans les 20 prochaines années. Les pistes les plus prometteuses passent par le « dopage » génétique de micro-algues afin qu’elles produisent plus de lipides, transformables en carburant ou dans la sélection d’espèces aptes à produire beaucoup pour peu de besoin (lumière, eau).
La course au graal du carburant à bas prix intéresse de nombreuses entreprises comme PSA Peugeot Citroën ou EADS (maintenant Airbus) qui participent au financement de Shamash, une initiative française pour la production de carburant par des micro algues. Mais on trouve aussi beaucoup de petites PME ayant chacune leur piste de recherche : Fermentalg, qui utilise des micro-algues se développant dans le noir et n’ayant donc pas besoin de lumière ou Alpha Biotech qui propose des bio-réacteurs aux industriels.
Le rôle stratégique d’un carburant issu d’une source renouvelable n’a pas échappé à l’armée américaine, qui a sélectionné Solazyme pour développer un carburant renouvelable issu d’algues pour l’US Navy.
En France on compte près de 70 acteurs de la filière des micro-algues, la plupart se basant sur une activité de commercialisation d’algues à des fins cosmétiques ou alimentaires pour financer le développement de futures activités de production d’algocarburant.
En nous fournissant des polymères pour le plastique et des lipides transformables en carburant les algues sont une solution prometteuse pour pallier la disparition programmée du pétrole. Mais plus encore, elles sont une filière dynamique où les découvertes touchent tous les secteurs, de l’agroalimentaire au paramédical en passant par l’énergie. Le monde de demain se trouverait-il déjà sous la mer ?