Chaque semaine, Youmatter traite l’actualité RSE en brèves. Aujourd’hui on vous parle de ce qui s’est passé lors de la première semaine de la COP29 sur le climat, du report du règlement sur la déforestation par le Parlement européen, d’un nouveau réseau RSE ou de la généralisation du nutriscore chez un grand distributeur.

Le fil de l’actu

🗳️Son soutien au nouveau président américain a payé. Elon Musk fait son entrée dans l’administration Trump avec un portefeuille inédit à « l’efficacité gouvernementale ». Sa mission : « démanteler la bureaucratie gouvernementale, sabrer les régulations excessives, couper dans les dépenses inutiles, et restructurer les agences fédérales ». Son acolyte, Vivek Ramaswamy est lui connu pour ses positions « anti-ESG ». Bref, ça sent le sapin pour la transition écologique et sociale 🛢️ « Le président élu Donald Trump ne devrait pas retirer les États-Unis des accords internationaux pour atténuer le dérèglement climatique ». La phrase est signée du PDG du groupe pétrolier américain ExxonMobil. Présent à COP29, il a précisé au Wall Street Journal : « Je ne crois pas que cette alternance d’arrêts et de redémarrages soit une bonne chose pour les entreprises. C’est extrêmement dommageable, cela crée une grande incertitude ». Si même Exxon le dit…👨‍💼2/3 de décideurs déclarent avoir défini des objectifs en matière de transition énergétique et de décarbonation (50% dans les PME et 88 % dans les grandes entreprises). Mais seuls 38% disent être en avance sur leurs objectifs selon un sondage PwC France pour l’Usine Nouvelle. 3 freins principaux : le financement, le défaut de ressources et de compétences internes, et la difficulté d’accéder aux technologies pour faire des économies d’énergie. 💪Les Français se positionnent clairement pour une réorientation de l’économie soutenant exclusivement les activités qui préservent l’environnement (71 %) plutôt qu’un soutien à tous les secteurs sans prise en compte des objectifs environnementaux (28 %) selon le dernier baromètre des représentations sociales du changement climatique publié par l’Ademe. ♿ 7 % des cadres sont en situation de handicap et parmi eux la majorité ne fait pas reconnaître son handicap par crainte d’être stigmatisés au travail selon l’étude de l’Apec en partenariat avec l’Agefiph.💪

COP29 : une première semaine agitée à Bakou

Rien ne va plus dans les négociations climat qui se déroulent jusqu’à la fin de la semaine à Bakou en Azerbaïdjan. Le premier jour a commencé fort. Le pétrole et le gaz sont un « cadeau de Dieu », a martelé Ilham Aliev le président du pays hôte de cette COP29. Le deuxième jour, il enfonçait le clou : « Le pétrole, le gaz, le vent, le solaire, l’or, l’argent… Ce sont des ressources naturelles et on ne doit pas reprocher aux pays d’en avoir et de les fournir aux marchés, car les marchés en ont besoin. »Le troisième jour, après avoir créé la polémique avec la France (avec qui les relations étaient déjà plus que tendues) sur la situation en Calédonie, la coupe était pleine pour la ministre de la transition écologique française. Contrairement à ce qui avait été prévu, Agnès Pannier-Runacher a finalement annoncé qu’elle ne participerait pas aux négociations. Celles-ci se déroulent avec peu de politiques faisant le déplacement. Bref, il semble que comme nous vous l’expliquions la semaine dernière, il ne faille pas attendre beaucoup de cette COP dans un pays autoritaire et pétrolier…

Autre surprise de cette COP, la signature d’un accord sur les crédits carbone dès le premier jour des négociations. Ceux-ci sont mentionnés dans l’article 6 de l’Accord de Paris mais restent des outils controversés. La COP26 de Glasgow avait créé un organisme de surveillance de l’ONU pour superviser les crédits carbone. Tous les projets devront être à la fois approuvés par le pays où ce projet est mis en œuvre et par cet organe. Et les acteurs devront montrer que leurs activités contribuent aux ODD tout en identifiant et en traitant les éventuelles répercussions négatives sur l’environnement et les populations. La COP29 a fixé les méthodologies pour calculer le nombre de crédits qu’un projet donné peut générer et ce qui se passe si le carbone stocké est perdu par exemple. A première vue, c’est un moyen de répondre aux critiques sur leur manque de fiabilité et d’efficacité. Et l’on évoque des revenus de 250 milliards de dollars par an, pas inutile alors que l’on manque cruellement de financement.  Problème : les ONG dénoncent un accord en dehors des procédures réglementaires de la COP, avec des effets de bord dangereux sur les droits de l’Homme et en trompe l’œil car détournant l’attention du financement public de l’action climatique. Et l’un des grands risques « est une mainmise des entreprises sur ce nouveau marché. Une privatisation de l’action climat en quelque sorte« , souligne Renaud Bettin, VP Climate de Sweep, sur LinkedIn.

Climat : pendant ce temps, les émissions mondiales de CO2 issues des énérgies fossiles atteignent des records

Les émissions mondiales de CO2 provenant des combustibles fossiles atteindront un niveau record en 2024, avec 37,4 milliards de tonnes, en augmentation de 0,8% par rapport à 2023, selon le dernier bilan du Global Carbon Project (GCP). Pour autant, malgré la nécessité urgente de réduire les émissions pour ralentir le changement climatique et les (maigres) efforts promis par les Etats, il n’y a toujours « aucun signe » indiquant que le monde a atteint le pic des émissions de CO2 d’origine fossile, soulignent les chercheurs. Au cours des dix dernières années, les émissions de CO2 d’origine fossile ont augmenté tandis que les émissions de CO2 liées au changement d’affectation des terres ont diminué en moyenne, laissant les émissions globales à peu près au même niveau au cours de cette période. Pendant ce temps,« les effets du changement climatique sont de plus en plus dramatiques » selon le Professeur Pierre Friedlingstein. Tout va bien donc. 

Financement de la transition : à la recherche d’outils innovants

Face au mur d’investissement de la transition écologique, la tendance est à la recherche de financements innovants. Un groupe de travail sur les « taxes de solidarité » a été lancé en 2023. Mené par la France, le Kenya et la Barbade, il vient de donner ses premières orientations lors de la COP29. Il propose notamment des taxes sur le transport maritime (de 150 à 300 € la tonne équivalent CO2) et aérien international (via le kérosène et les billets luxe pour les grands voyageurs). Ces taxes sont dans les tuyaux depuis longtemps. Trois autres sont plus novatrices : une taxe sur les  cryptomonnaies (très énergivores), une taxe sur la production de plastique et une taxe annuelle de 2 % sur la fortune des 3 000 milliardaires dans le monde. Cette dernière est notamment soutenue par le Brésil, qui préside actuellement le G20. 

Réseau : une association soeur du C3D pour 2025

Le C3D, le collège des directeurs du développement durable, va s’enrichir d’une association « soeur ». Celle-ci vise à réunir l’ensemble des professionnels qui s’intéressent à la RSE. Et là on change de dimension ! Car si l’on recense quelques centaines de directeurs DD dans les entreprises, LinkedIn recense 300 000 professionnels intéressés par le sujet. C’est en tous cas ce qu’a annoncé le président du C3D Fabrice Bonnifet lors de la Regen Night de la Convention des Entreprises pour le Climat. L’association doit être lancée en 2025. 

Libre échange : bataille des normes autour de l’accord du Mercosur

L’accord de libre échange entre l’Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur attise la colère des agriculteurs français. Ceux-ci ont entamé une action hier avec des blocages de routes et des « feux de la colère » qui se sont multipliés dans toute la France sur des ronds-points. Si Emmanuel Macron assure que la France ne signera pas « en l’état » le traité et tente de réunir des pays sur « une minorité de véto », la présidente de la Commission européenne assure que les négociations sont dans leur dernière ligne droite. Derrière cette bataille diplomatique, c’est une bataille des normes – notamment sanitaires et environnementales qui se joue puisque l’accord permettrait l’importation de viande bovine ou de cultures qui ne respectent pas les normes européennes.

Déforestation : Le Parlement européen confirme le report du RDUE

Le Parlement européen a confirmé le report de 12 mois de l’entrée en vigueur de la loi anti-déforestation de l’UE (RDUE). Celui-ci vise à empêcher l’importation et l’exportation de produits cultivés sur des terres déboisées, en Europe et dans le monde. Une décision qui fait suite aux demandes des pays du Sud concernés par la déforestation comme le Brésil, la RDC ou l’Indonésie mais aussi de certains pays européens eux-mêmes et d’entreprises. Les ONG environnementales sont vent debout contre ce report qui s’accompagne d’un amoindrissement de certaines règles. Par exemple, des pays pourront être classés « sans risque » de déforestation et à ce titre n’auraient pas besoin de faire preuve de diligence raisonnable. Or « cela créerait une faille qui permettrait aux produits à « haut risque » cultivés sur des terres déboisées d’être exportés via des pays classés « sans risque » sans aucun contrôle », estime Global Witness. D’autant que des pays comme la Chine sont annoncés dans cette catégorie selon Pascal Canfin. Quant à Blaise Desbordes, directeur de Max Havelaar France, il défend dans Le Monde un règlement qui utilise la « puissance consumériste du marché intérieur au bénéfice de la sauvegarde écologique globale » et vise à combattre « l’opacité et la complexité des chaînes d’approvisionnement mondialisées en impliquant l’ensemble de la chaîne de valeur ». Mais pour l’économiste spécialiste des questions de déforestation, Alain Karsenty, si ce report s’inscrit dans un contexte de remise en cause dommageable des réglementations européennes et sur un sujet crucial, il faut pourtant écouter les revendications des pays du Sud sur un « règlement mal pensé » et qu’il faut peut-être prendre le temps d’amender. Reste à faire en sorte que le report ne se transforme pas en enterrement pur et simple d’un règlement qui dérange. Car avec ces modifications un trilogue doit reprendre entre la Commission, le Parlement et le Conseil de l’UE. Or, pour Global Witness, le report pourrait déjà entraîner la déforestation d’au moins 150 385 hectares liés au commerce de l’UE, soit une superficie 14 fois supérieure à celle de Paris.

Outil : le nutriscore généralisé sur Carrefour.fr

« Vive le Nutriscore ! » poste le PDG de Carrefour sur LinkedIn. A rebours de la fâcheuse tendance de certaines marques à retirer le nutri-score de leurs produits (ex : Danone sur plusieurs de ses produits laitiers), le distributeur vient d’annoncer qu’il demandera désormais aux industriels d’apposer de manière systématique le Nutri-Score sur leurs produits vendus sur www.carrefour.fr. « S’ils ne le font pas, nous calculerons le Nutri-Score à leur place et le publierons sur notre site, sauf opposition formelle de leur part, qui sera notifiée à nos clients. Nous exclurons également ceux qui ne jouent pas le jeu de notre outil « mieux manger » proposé » sur le site marchand du groupe, précise Alexandre Bompard. Le distributeur affiche de son côté le nutri-score sur ses produits en marque propre depuis plusieurs années. 

Budget : la partie recette du PLF rejetée

La partie recette du PLF2025, fortement modifiée par les députés de gauche lors de son examen a finalement été rejetée à 362 voix contre 162. De ce fait, la partie dépenses (où des coupes budgétaires sont proposées sur le soutien à la transition écologique, comme la baisse du Fonds vert, du Fonds chaleur, du dispositif MaPrimeRénov) n’est pas examinée à l’Assemblée et c’est le texte initialement rédigé par le gouvernement qui part au Sénat. Celui-ci l’examinera la semaine du 25 novembre en séances selon Contexte. Pour Greenpeace c’est une « une occasion ratée d’instaurer une fiscalité plus juste et plus verte ». En effet, plusieurs propositions intéressantes liées à la transition écologique et sociale avaient été adoptées via des amendements lors des débats comme l’ajout d’une taxe sur les superdividendes des grands groupes, création d’un statut « jeunes entreprises innovantes à impact », renforcement de la taxe Gafam, alourdissement du malus écologique sur les véhicules…

La justice néerlandaise revient sur la condamnation climatique de Shell

En 2021, le Tribunal judiciaire de La Haye avait enjoint Shell à réduire ses émissions de 45% d’ici 2030 par rapport à 2019 au regard de son obligation de diligence climatique. Une première pour une entreprise. Las, le 12 novembre, la cour d’appel est revenue sur cette décision. Elle estime que « Shell ne peut être tenu de respecter le consensus existant au sein de la science climatique concernant une norme de réduction de 45 % car ce pourcentage ne s’applique pas à chaque pays et à chaque secteur d’activité séparément ». Le jugement est un revers pour l’ONG Milieudefensie, branche néerlandaise des Amis de la Terre. Mais pour Notre Affaire à tous, « les angles adoptés dans nos contentieux restent pertinents à la lumière des portes ouvertes par la Cour d’appel de La Haye ». En effet la Cour précise que « les entreprises comme Shell, qui contribuent de manière significative au problème climatique et ont le pouvoir de contribuer à le combattre, ont l’obligation de limiter les émissions de CO2 afin de contrer un changement climatique dangereux, même si cette obligation n’est pas explicitement prévue par les réglementations des pays dans lesquels l’entreprise opère. Les entreprises comme Shell ont donc leur propre responsabilité dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris ». Or de nombreux contentieux sont lancés dans le monde sur ces arguments. 

Union européenne : la Commissaire pressentie à la Transition écologique et la Concurrence chahutée

A Bruxelles, l’audition de Teresa Ribera, proposée comme vice-présidente de la Commission européenne chargée de la Transition écologique et de la Concurrence, a été chahutée au Parlement européen. Les députés de droite et d’extrême droite lui reprochent son « radicalisme écologique » et sa gestion de crise des inondations de Valence, pourtant de la compétence des autorités régionales…de droite et d’extrême droite. L’ex-ministre espagnole au Climat et à la Transition écologique est dans le viseur de la droite : son portefeuille est le plus important après celui de la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen mais son parcours lié davantage à l’environnement qu’à l’économie est critiqué par l’aile droite. Elle doit faire de la transition écologique et du Pacte Vert, particulièrement malmené ces derniers mois, un levier de compétitivité pour l’Europe. Lors de son audition, elle a insisté sur l’importance de préparer l’Union aux phénomènes météorologiques extrêmes et à faire de la résilience de l’eau une priorité, précise Les Echos. Reste à ce qu’elle soit confirmée dans ses fonctions. L’élection des commissaires par les députés européens est prévue du 25 au 28 novembre à Strasbourg.

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