De plus en plus de salariés ressentent un mal-être au travail. Pour y faire face, il est important d’en comprendre les causes. Alors voyons ce que disent les études sur ce sujet .
La question de la santé mentale et du bien-être au travail est un sujet de société de plus en plus discuté aujourd’hui. Ces dernières années, et plus encore avec la crise sanitaire, le nombre de salariés déclarant une forme ou une autre de mal-être au travail a fortement augmenté. Tour à tour, on a parlé de stress au travail, de burn-out, puis de bore-out, de brown-out, de crise de sens… Sans parler des problèmes de pénibilité, d’ergonomie, ou des accidents et des maladies professionnelles.
Les multiples sondages publiés ces derniers mois viennent confirmer cette impression d’un mal-être épidémique dans le monde du travail : 90% des salariés disent que leur travail a un impact sur leur santé mentale et psychologique, 64% en détresse psychologique, 63% en burn-out, 74% se sentent absents psychologiquement au travail. Mais alors, pourquoi ce mal-être professionnel ? Plusieurs études ont étudié le phénomène en France et permettent de trouver des débuts de réponse.
Mal-être au travail : diagnostic
Depuis 2010, la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) a ainsi mené plusieurs longues enquêtes auprès des travailleurs français afin d’identifier les risques psycho-sociaux auxquels ils sont exposés durant leur travail. Publiée deux ans plus tard, le rapport permet de faire un premier état des lieux du mal-être au travail et de ses causes.
Premier constat : les travailleurs sont nombreux à penser que le travail a un impact négatif sur leur bien-être. Ils sont près de 40% à le penser, contre 20% qui estiment que le travail a un impact « neutre » sur leur bien-être et 40% qu’il a un impact plutôt positif. Il ressort de ces chiffres que le travail, supposé être un vecteur d’épanouissement pour les individus, pèse malgré tout lourdement sur leur bien-être.
Bien-sûr, la sensation de mal-être varie en fonction de nombreux critères sociaux. Les femmes par exemple disent ressentir plus fortement ce sentiment de mal-être que les hommes, et les ouvriers et les agriculteurs sont plus durement frappés que les cadres, par exemple. C’est le signe que la difficulté des conditions de travail joue logiquement dans le mal-être au travail.
La multiplicité des causes du mal-être au travail
Les données de la DARES montrent d’ailleurs que plus la charge de travail est élevée, plus le mal-être au travail s’intensifie. Manque de temps, charge de travail élevée, difficultés physiques font partie des facteurs contribuant au mal-être d’un certain nombre de salariés. 45% des salariés disent ainsi devoir toujours ou souvent se dépêcher dans leur travail, 45% disent avoir trop de choses à faire à la fois, 23% disent avoir une charge de travail excessive. Sans compter les injonctions contradictoires du management, les contraintes budgétaires, ou les difficultés économiques qui frappent parfois le monde de l’entreprise. Évidemment, cela contribue à une situation de tension permanente, de stress, et de mal-être. L’exposition au bruit, le sentiment de sécurité au travail (l’absence de crainte de perdre son emploi) ou à la pénibilité physique participent également au mal-être professionnel.
Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’intensité des conditions de travail ou les difficultés physiques liées à l’environnement de travail ne sont pas nécessairement les premiers facteurs de mal-être au travail. Les facteurs ayant l’incidence la plus forte sur le bien-être au travail sont plutôt des risques dits « psycho-sociaux » qui regroupent des enjeux à la fois relationnels, émotionnels, inter-personnels ou encore de valeurs. Par exemple ? La qualité des relations au sein de l’entreprise, les conflits éthiques, les conflits émotionnels, etc.
Le mal-être au travail est donc causé par la conjonction d’une multitude de facteurs, physiques, organisationnels, personnels et émotionnels.
Les risques psycho-sociaux : principale causes du mal-être au travail
Dans les données de la DARES, on voit ainsi que la « demande émotionnelle » pèse deux fois plus que l’intensité du travail sur le bien-être des salariés, et constitue le principal facteur contribuant au mal-être professionnel. Ainsi, 27% des salariés déclarent qu’ils ont été contraints (toujours ou souvent) de « cacher leurs émotions ou de faire semblant d’être de bonne humeur » au travail. Or les études sur ce sujet montrent que l’injonction à gommer les émotions a des conséquences négatives sur le bien-être psychologique et même physique des salariés. Près de 40% disent être confrontés à des situations de détresse émotionnelle dans leur travail, ou être amenés à calmer des personnes (clients, etc). Cette « demande émotionnelle » peut-être épuisante, et provoquer un sentiment d’isolement au travail.
Les difficultés de conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle arrivent juste derrière parmi les facteurs contribuant au mal-être au travail. 10% des salariés disent avoir du mal à concilier travail et obligations professionnelles, et nombreux sont ceux qui déclarent devoir y penser hors de leurs horaires de travail.
Viennent ensuite les conflits éthiques et de valeurs : 9% des salariés disent être amenés à faire des choses qu’ils désapprouvent dans leur travail. Beaucoup de salariés déclarent aussi ressentir un décalage entre leurs aspirations éthiques et leurs activités professionnelles. On constate aussi souvent que le mange d’engagement des entreprises en termes d’engagements RSE pèse sur les salariés, sur le sens qu’ils trouvent dans leur travail.
Des causes relationnelles au mal-être
Le mal-être au travail peut aussi être causé par des difficultés relationnelles au travail : les situations de conflit, de harcèlement moral ou sexuel, constituent souvent des événements déclencheurs de mal-être aigu dans l’entreprise.
À l’inverse, les bonnes relations professionnelles constituent un facteur de bien-être pour beaucoup de salariés, qui considèrent notamment que leurs relations avec leurs collègues sont essentielles à leur bien-être dans l’entreprise. Selon un sondage OpinionWay, près de 9 salariés sur 10 considèrent ainsi que leur bien-être au travail dépend largement des bonnes relations qu’ils entretiennent avec leurs collègues et de l’ambiance conviviale entre les équipes.
Le sentiment de voir son travail reconnu et sa contribution valorisée constituent également des facteurs d’épanouissement au travail.
Des causes multiples et interconnectées
Enfin, il faut comprendre que les risques psycho-sociaux et les différentes causes du mal-être au travail sont souvent interconnectés, comme le confirment les analyses de l’INRS (Santé et Sécurité au Travail). Une charge de travaille élevée amène souvent à des difficultés à concilier sa vie privée avec sa vie professionnelle, ce qui peut créer des tensions avec le management. Une demande émotionnelle élevée est souvent liée à des conflits de valeurs ou de considérations éthiques, des désaccords concernant la gestion des missions professionnelles, etc. Ces risques sont souvent latents et il est souvent difficile pour les salariés de les objectiver.
En conséquence, il est aussi difficile pour les managers (qui souvent extrêmement mal formés à gérer les risques psychosociaux) de gérer ces problématiques qui sortent du strict cadre de l’encadrement professionnel. L’enjeu du mal-être au travail est donc extrêmement complexe, et questionne profondément les ressources humaines et les procédures de management.
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