Chaque mardi, Youmatter décrypte l’actualité RSE en brèves. Cette semaine on se penche sur la feuille de route du ministère de la Transition écologique, des tractations européennes sur le devoir de vigilance et la position française et les manques de la boussole de compétitivité qui va guider l’Union européenne pour les 5 prochaines années.

Le fil de l’info

🦹Pour détricoter les normes environnementales américaines, quoi de mieux que de placer des lobbistes de l’industrie chimique et des énergies fossiles au sein de l’EPA, l’agence de protection environnementale ? Donald Trump vient ainsi de nommer l’ancien député Lee Zeldin (R-NY) peu connu pour ses positions environnementales et qui s’est entouré d’avocats de l’industrie spécialisés dans la contestation des normes…de l’EPA ! 😮‍💨Le greenwashing n’a plus de limite. Pendant deux semaines, une affiche géante pour une France « sans tabac » a été déployée sur l’Eglise Notre Dame de Lorette en plein Paris. Problème, l’annonceur n’était autre que British American Tobacco, l’un des plus importants producteurs de tabac et de cigarettes au monde. Informé, l’Alliance contre le tabac a demandé et obtenu le retrait de cet affichage qu’il considère comme illégal au regard de la loi Evin et du code de santé publique qui interdit également le parrainage et le mécénat par les industries du tabac.🚆Les opérateurs de transports en pince pour les green bonds. Ile-de-France Mobilités vient d’émettre une obligation verte européenne dont le montant est inédit pour une institution publique : 1 milliard d’euros. De quoi moderniser et décarboner le réseau. De son côté le groupe SNCF, premier émetteur de green bonds du secteur des transports et de la logistique, et parmi les pionniers en Europe a lui émis une obligation verte auprès, principalement d’investisseurs britanniques pour 300 millions £ sur 30 ans. De quoi financer l’amélioration du réseau…français.😷16,7 milliards d’euros par an : c’est le coût de la pollution de l’air dans l’Hexagone évalué par Santé publique France (SPF). Ce coût comprend notamment les impacts économiques de la dégradation de la santé alors que l’incidence de plusieurs maladies chroniques  dont le lien avec les particules fines est prouvé augmentent fortement ces dernières années.

Devoir de vigilance européen : la position française « pas définitive »

« La position française m’a sidérée, elle est honteuse car le devoir de vigilance, ce sont des vies humaines derrière », a déclaré le député PS Dominique Potier lors des prix FIR/A2Consulting du devoir de vigilance organisé le 29 janvier à l’Assemblée nationale. « On peut discuter de l’échelle de temporalité ou des seuils mais pas du fond du texte », a souligné le porteur de la loi française sur le devoir de vigilance. Cette loi de 2017 a largement inspiré le texte européen de la CS3D dont le gouvernement allemand et français veulent aujourd’hui reporter l’application tant que le texte ne sera pas simplifié. Le député dit cependant avoir eu l’assurance que la position française « n’est pas définitive ». L’heure est donc à « la mobilisation », selon le député. En attendant, la Commission européenne organise ce 6 février des « consultations » à huis clos où seront interrogées 31 entreprises, 23 fédérations, 10 ONG et 5 partenaires sociaux. Dans les entreprises, il aurait peut-être été plus judicieux d’inviter Air Liquide, qui vient de recevoir le prix spécial du jury FIR/A2Consulting, notamment pour souligner la démarche collaborative de son plan de vigilance, plutôt que TotalEnergies visée par 4 plaintes devant la justice française pour ses manquement au devoir de vigilance…

La feuille de route gouvernementale sur l’environnement pour 2025, « année de tous les dangers »

« 2025 sera l’année de tous les dangers pour l’environnement », a alerté la ministre de la Transition Ecologique, Agnès Pannier-Runacher lors de ses vœux qu’elle a placés sous le signe de la gravité. En cause : la dégradation forte de l’environnement mais aussi un contexte politique propice aux reculs avec « la montée des populismes qui voudraient faire de l’écologie l’origine de tous nos maux » menaçant la compétitivité, nos emplois et notre pouvoir d’achat. A cela la ministre veut donc opposer une « écologie populaire », au service de la sécurité des Français, de la souveraineté énergétique et des matières premières, du pouvoir d’achat, de l’emploi, etc. Sa méthode : celle qui a déjà fait ses preuves selon elle : la planification. On attend donc (enfin) la publication des grands textes qui doivent fixer le cap : le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC3) sera publié « dans les prochaines semaines », la stratégie nationale bas carbone (SNBC) est attendue « d’ici l’été » et la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « au début du deuxième trimestre »...si le gouvernement tient jusque là ! En attendant, c’est en interne que la ministre doit batailler pour imposer son soutien aux ZFE, ZAN et DPE : des textes qui ont sans doute besoin d’« aménagements » mais auxquels elle ne « renoncera pas », a-t-elle souligné. Concernant le financement : face à la baisse confirmée des deniers publiques sur l’environnement dans le PLF2025, la ministre a insisté sur la recherche de financements privés par exemple via les crédits biodiversité. Voir la feuille de route du ministère ici.

Des missions à gogo.

Plusieurs missions ont aussi été annoncées ou confirmées lors des Vœux : la mission flash sur l’organisation du ministère de la Transition écologique, à l’heure où ses agents, particulièrement ceux de l’OFB et de l’Ademe sont « injustement attaqués »;  une mission prospective de référence sur le financement de la transition écologique sur le modèle de celle rédigée par Jean Pisani Ferry et Selma Mahfouz et une autre sur la création d’une « réserve citoyenne pour la prévention des risques et la gestion de crise » en complément des forces de secours. Une mission d’accompagnement va également aider 100 intercommunalités particulièrement sensibles comme Douai, Niort ou Chamonix, pour élaborer un diagnostic et une feuille de route sur l’adaptation. La ministre a également annoncé un soutien à la proposition de loi Lavarde sur le Régime d’indemnisation des catastrophes naturelles dans le contexte du changement climatique et a mentionné la PPL anti fashion mais sans mentionner celle d’Anne-Cécile Violland. Celle-ci est en suspens depuis la dissolution. Dans un post LinkedIn, la directrice du label Emmaüs Maud Sarda, appelle ainsi les députés ou sénateurs à s’en saisir et à la remettre sur la table…

En misant sur la déréglementation plutôt que l’investissement public, la Boussole de compétitivité européenne rate sa cible

La Commission européenne a publié sa boussole de compétitivité qui définit l’orientation économique stratégique de l’UE sur les 5 prochaines années. Mais pour la coalition d’ONG, syndicats et think tank, Fiscal Matters, en « misant sur la déréglementation », celle-ci « manque l’essentiel », c’est-à-dire « les besoins croissants en matière d’investissements publics ». Le document ignore notamment certaines propositions financières des rapports Draghi et Letta, telles que le mécanisme d’emprunt commun suggéré par Mario Draghi ou le mécanisme de contribution aux aides d’État d’Enrico Letta, qui allouerait des fonds nationaux à des investissements paneuropéens. Les mesures annoncées  pour le financement misent en effet principalement sur la réaffectation des fonds existants, y compris des fonds de cohésion. Or l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, a souligné dans son rapport la nécessité d’investir 800 milliards d’euros supplémentaires par an pour lutter contre la stagnation économique, améliorer la productivité et atteindre les objectifs de la transition écologique. 

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Budget: coup de rabot pour l’écologie

L’écologie sera bien la principale victime du coup de rabot budgétaire de plus de 2 milliards d’euros par rapport à la LFI2024. Le dispositif MaPrimRenov’ en fait particulièrement les frais (460 millions en moins) mais le Fonds Chaleur sauve les meubles, de même que le fonds Barnier sur les catastrophes naturelles et l’agence bio. Pour faire face au changement climatique, les territoires ont aussi réussi à limiter la baisse du fonds vert (86 millions d’euros en moins par rapport à la LFI2024).

Trump2 : Le climat expurgé de l’administration américaine

Depuis l’arrivée officielle de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, toute référence au changement climatique a été vidé du site internet du département de l’agriculture (USDA) rapporte Politico quand le ministère des transports a ordonné à son personnel d’identifier et d’éliminer tout ordre, directive, règle, règlement, politique, avis, document d’orientation, accord de financement ou programme qui mentionne le changement climatique ou la justice environnementale. Des projets financés par la National Science Fondation sont également gelés, le temps de déterminer ceux qui sont acceptables…ou pas. Ce n’est cependant pas vraiment une surprise : au cours de son premier mandat, Donald Trump avait déjà donné les mêmes instructions et les occurrences sur le changement climatique avaient alors diminué de près de 40% sur les sites officiels. Cette fois, les politiques de diversité et d’inclusion mais aussi certaines données de santé publique, comme sur le VIH, sont visées. Plusieurs initiatives comme l’Environmental Data and Governance Initiative ou le End of Term Web Archive tentent de limiter les dégâts en sauvegardant les archives de ces sites ou les dernières données disponibles. Mais ces suppressions sont sources de mésinformation voire de désinformation pour les Américains. Et un signal très inquiétant pour la science et la démocratie.

En savoir + : Trump 2 : place au greenhushing… voire au recul pur et simple sur l’ESG

Une progression historique de la France dans les énergies renouvelables

En 2024, la France enregistre une progression historique dans le domaine des énergies renouvelables (EnR), avec une production record de 148 TWh pour un parc total dépassant les 78 GW.  Au total, la France aura raccordé 6 GW supplémentaires au réseau pendant l’année 2024. « Un chiffre qui n’a jamais été atteint », explique Frédéric Tuillé, responsable des études à l’observatoire des énergies renouvelables (Observ’ER) lors de la présentation du dernier Baromètre 2024 sur le développement des EnR. Cependant, seul le secteur photovoltaïque a vraiment été moteur de ce dynamisme, notamment grâce au déploiement des centrales solaires au sol et l’essor de l’autoconsommation chez les particuliers. Ce sont près de 4,5 GW qui ont été installés sur l’année 2024, soit quatre fois plus que la moyenne annuelle observée depuis 2020. Au contraire, l’éolien peine à accélérer son développement. La filière terrestre reste bloquée à 1,5 GW de nouvelles capacités annuelles, freinée par des contraintes réglementaires « et une opposition pratiquement systématique à tous les projets éoliens sur le territoire », précise Frédéric Tuillé. Pour l’éolien offshore, difficile encore de dire si la filière atteindra ses objectifs. Si les avancées sont visibles, les spécialistes des EnR restent cependant prudents. « Le contexte est pour le moins délétère et pas seulement outre-Atlantique », constate le président d’Observ’ER, Vincent Jacques le Seigneur. « Je suis personnellement très alarmé par la succession de prises de parole qui vont à l’encontre du développement des EnR de façon de plus en plus franche et portées par des acteurs de premier plan », alerte-t-il. 

Pas (encore) de nouveau forage pétrolier en Seine et Marne

Le projet de forage pétrolier de Nonville, en Seine-et-Marne, est suspendu pour 10 mois. Le tribunal administratif de Melun a jugé que l’arrêté préfectoral qui autorisait la société Bridge Energies à forer deux nouveaux puits sur son site  était « entaché d’illégalité ». L’étude d’impact fournie par le pétrolier a notamment négligé certains aspects de la protection de la faune et de la flore. Il est donc appelé à revoir sa copie. Par ailleurs, pour répondre à Eau de Paris qui avait déposé le recours contre le projet, le tribunal a obligé la société Bridge Energies à imperméabiliser le fossé périphérique de sa concession pour mieux contenir les eaux de pluies polluées.

Inégalités femmes/hommes : des actions gouvernementales peu efficaces selon la Cour des Comptes

« Les inégalités entre les femmes et les hommes de l’école au marché du travail se résument en un paradoxe : plus diplômées que les hommes, les femmes n’accèdent pourtant pas aux postes et aux métiers les mieux considérés et les plus rémunérateurs », note la Cour des Comptes dans un rapport dédié aux inégalités entre les femmes et les hommes de l’école au marché du travail. Celui-ci pointe des actions gouvernementales peu efficaces (comme l’index « égalité professionnelle » dont la logique de résultat « n’est pas probante ») , un « pilotage interministériel défaillant » et des sanctions « insuffisamment appliquées ». Résultat : les biais genrés acquis durant la scolarité se répercutent de la recherche d’emploi (à niveau et spécialité identique les femmes mettent plus de temps à trouver un premier emploi) à la progression de carrière, avec notamment des effets sur les rémunérations (un écart de 4% en défaveur des femmes reste inexpliqué). Mais pas seulement. La Cour note aussi que depuis 2001 les maladies professionnelles progressent deux fois plus vite chez les femmes. Parmi les recommandations de la Cour : renforcer le rôle du ministère du travail dans la négociation sur les classifications de métiers; expliciter systématiquement les enjeux de mixité dans les engagements de développement de l’emploi et des compétences et mettre en œuvre les sanctions en cas de non-respect des obligations…

Outil : des mappings pour se repérer dans l’écosystème de l’économie d’impact

Pas toujours facile de se retrouver dans la jungle des prestataires pour vous accompagner dans votre transformation durable. Pour y voir plus clair, le Mouvement Impact France s’est penché, avec l’Avise et l’Université de Paris-Dauphine sur deux nouvelles cartographie des acteurs : l’une portant sur les cabinets d’accompagnement de la transition et l’autre davantage consacré à l’ESS avec l’écosystème des incubateurs, accélérateurs, startup studios et autres opérateurs d’accompagnement dédiés aux structures à impact. On y recense plus de 650 accompagnateurs de projets à impact et de la transition en accès libre et régulièrement mis à jour. Ces deux nouveaux mappings complètent les trois autres mapping existants : les labels, certifications et scores; les financeurs à impact et les startups à impact. 

Des entreprises françaises visées dans le procès des financements libyens de la campagne de Sarkozy

Alors que le procès relatif aux soupçons de financements libyens de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy se poursuit devant le tribunal (jusqu’au 10 avril 2025), celui-ci met aussi en lumière le rôle présumé de plusieurs entreprises. Pour Sherpa, partie civile depuis 2013, ce procès soulève en effet « des interrogations profondes sur la responsabilité des acteurs économiques dans les affaires de corruption transnationale et leur collusion avec le politique ». Entre 2007 et 2011, Amesys a vendu au régime libyen une technologie permettant d’intercepter des communications électroniques et de surveiller les activités en ligne. Selon plusieurs rapports d’ONG, ces outils ont été déployés pour identifier, traquer et arrêter des dissidents politiques. En 2022, Airbus a accepté une amende de près de 15,8 millions € dans le cadre d’une transaction pour des faits de corruption transnationale. Des faits que l’entreprise a reconnu avoir commis via sa filiale en Libye en 2006 afin de faciliter la conclusion d’un contrat de vente de douze avions à la compagnie Libyenne Afriqyah Airways. Dans le procès des financements libyens, un ancien cadre d’Airbus est mis en cause pour son rôle présumé dans des transactions suspectes.

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