Chaque mardi, Youmatter fait le point sur l’actualité RSE en brèves. Cette semaine on revient sur la demande de simplification de la CSRD et du devoir de vigilance par le patronat européen, la demande surprise du rapporteur public pour l’annulation de l’autorisation environnementale du projet d’autoroute A69 ou le bilan de la présidence brésilienne du G20.
Le fil de l’info
🛢️1773 lobbyistes représentant le secteur des énergies fossiles étaient accrédités à la COP29 selon la coalition « Kick Big Polluters Out ». A titre de comparaison, on y comptait 65 000 délégués des Etats. 🪛Cette année la campagne de l’Ademe sur la sobriété matérielle « passe crème » remarque Contexte. Le message « se poser les bonnes questions » – dont celle de notre besoin réel d’un produit neuf- est resté le même que celui de l’an dernier qui avait soulevé la bronca des organisations patronales. Mais un petit détail change tout: cette fois le « dévendeur » a disparu. On n’est plus dans la décroissance mais dans l’offre de services de réparation. Un air de « croissance verte » qui semble rassurer les acteurs économiques🛢️Le plastique continue d’envahir la planète : la production mondiale a atteint 413,8 Mt, en hausse de 3,4 % par rapport à 2022 selon Plastics Europe. Bonne nouvelle ? L’Union européenne qui est à l’origine de 12,3 % de celle-ci voit sa production baisser depuis plusieurs années. Mais c’est aussi l’une des régions du monde qui en consomme le plus. Et si on continue comme ça, c’est 617 Mt de déchets plastiques qui seront produits en 2040, soit +71% par rapport à 2020 selon l’OCDE. Youpi ! 🚽Environ 1,3% des émissions de gaz à effet de serre mondiales proviennent des systèmes d’assainissement et de gestion des eaux usées, et donc des toilettes. Une problématique pourtant sous traitée déplore le Stockholm Environment Institute. 🖥️ Alors que 57 % des émissions de CO2 du secteur des TIC proviennent des équipements et espaces de travail, 76 % des ordinateurs portables des grandes entreprises peuvent être reconditionnés. Les 24 % restants pourraient faire l’objet d’une mise à jour plus légère ou être recyclés selon une étude Atos portant sur 28,5 millions d’appareils utilisés par de grandes entreprises et PME.👨💼Les enjeux environnementaux et de RSE suscitent chez les chefs d’entreprise des sentiments contrastés. Près de 60% se réjouissent de leur prise en compte croissante dans les modes de fonctionnement des entreprises. Mais autant citent ce sujet comme un des sujets de préoccupations pour l’avenir dans le cadre professionnel, selon une étude PWC. Le cabinet lance une « grande mobilisation pour l’optimisme ». Pas évident dans un contexte franchement morose.
CSRD : le patronat européen demande une simplification à l’UE
« Les chefs d’entreprise de France, d’Allemagne et d’Italie demandent instamment aux institutions de l’UE et aux États membres de simplifier sans délai le cadre réglementaire », au premier titre duquel les réglementations CSRD (reporting de durabilité) et CS3D (devoir de vigilance) demandent les organisations patronales française, allemande et italienne (le Medef, BDI et Confindustria) dans leur déclaration commune à l’issue du Sommet économique trilatéral des 21 et 22 novembre. Pour elles, il s’agit notamment de rattraper les Etats-Unis et plus largement d’« enrayer le déclin de l’Europe ». En matière de simplification, « il s’agit notamment de procéder à un examen complet de la législation existante, des actes délégués et des actes d’exécution afin de réduire les coûts de mise en conformité inutiles ». Selon elles, la CS3D « nécessite une évaluation de la compétitivité avant d’entrer en vigueur » et la CSRD « qui doit être davantage simplifiée en rationalisant les normes de reporting et en réduisant les exigences en matière d’information ».
Face au mouvement de remise en question des modalités d’application de la CSRD, les patrons se lâchent. Le directeur général de BNP Paribas Jean-Laurent Bonnafé, a ainsi qualifié la CSRD de « délire bureaucratique » lors du colloque de l’association française des trésoriers d’entreprises (AFTE). « Ce n’est pas en accablant les entreprises de demandes en tout genre » que l’Europe va regagner du leadership face aux autres pays comme la Chine « et je crois que la CSRD fait partie de ces délires bureaucratiques, qui ne servent à rien, qui prennent beaucoup de temps », y a-t-il expliqué, rapporte l’AFP. Une mise en bouche avant l’examen de la loi sur la simplification de la vie économique prévu début 2025 à l’Assemblée ? Selon Contexte, la Direction générale des entreprises (DGE) de Bercy a eu pour consigne de « rouvrir tous les sujets pour préparer la suite de la navette » du texte adopté par le Sénat adopté en octobre.
A69 : vers un arrêt du chantier ?
Coup de théâtre dans la longue bataille sur l’autoroute controversée entre Toulouse et Castres. Le Rapporteur public a rendu son rapport demandant l’annulation de l’autorisation environnementale de l’A69 pour absence de raison impérative d’intérêt public majeur. Selon le collectif La Voie est Libre, le rapporteur suit le « raisonnement des opposants à l’A69« . Le tribunal administratif de Toulouse doit examiner en audience le recours en annulation de l’autorisation environnementale de l’A69 le 25 novembre. Sa décision est attendue sous une quinzaine de jours.
ZAN : une proposition de révision du rythme de l’objectif du zéro artificialisation nette soutenue par le gouvernement
Une proposition de loi des sénateurs Jean-Baptiste Blanc (LR, Vaucluse) et Guislain Cambier (centriste, Nord) vise à abroger l’objectif intermédiaire de 2031 qui prévoit de diviser par deux le rythme d’artificialisation. Elle prévoit aussi de repousser les délais fixés pour intégrer les objectifs de sobriété foncière dans les documents d’urbanisme. Une proposition soutenue par le Premier ministre. Cet été une enquête de l’AMF, montrait qu’une majorité d’élus estimaient les délais « trop courts » et que 86 % n’utilisaient pas les outils créés par ce nouveau texte. Mais pour de nombreux élus, cela ne doit pas conduire à un « retour en arrière ». Dans une tribune publiée par La gazette des communes et initiée par la vice-présidente (PS) du conseil régional de Bretagne, Laurence Fortin, et avec le soutien de Sylvain Grisot, urbaniste, une centaine d’élus expliquent que « Les évolutions de la loi ne doivent pas abandonner l’objectif de préservation des sols, mais au contraire pérenniser les acquis et corriger les défauts techniques du ZAN et lui associer les outils opérationnels et financiers facilitant sa mise en œuvre ».
Communauté : B Lab fête ses 500 labellisés en France
500 entreprises sont désormais certifiées B Corp en France. Le label de durabilité d’origine américaine a surtout séduit les TPE et PME. C’est une entreprise sur 4 à l’échelle de l’Europe (2 000 entreprises certifiées) et une sur 20 dans le monde (10 000 dans 105 pays). Objet de critiques sur ses insuffisances – en 2024, quatre filiales du groupe publicitaire Havas ont ainsi perdu leur certification B-Corp en raison de leur contrat avec le pétrolier Shell, le label est en cours de réforme. Celle-ci devrait voir le jour en 2025.
Le traité de libre échange avec le Mercosur en débat au Parlement
L’accord de libre échange avec le Mercosur cristallise la colère des agriculteurs français. Une situation « bouillante » qui a conduit le gouvernement a proposé un débat au Parlement. Celui-ci débute aujourd’hui (26 novembre) à l’Assemblée. Mais pour l’instant la France reste assez isolée dans sa position de rejet de l’accord commercial au sein de l’Union européenne. Seule l’Italie s’est officiellement opposée quand l’Allemagne et l’Espagne sont au contraire très favorables au traité.
Un nouveau fonds mondial contre la désinformation
Un nouveau fonds contre la désinformation climatique devrait voir le jour à l’initiative du gouvernement brésilien, de l’UNESCO et des Nations Unies. Les pays qui s’engagent dans cette initiative contribueront à un fonds administré par l’UNESCO. Objectif : mobiliser 10 à 15 millions de dollars au cours des 36 prochains mois. Les fonds seront distribués sous forme de subventions à des ONG pour soutenir la production d’enquêtes sur l’intégrité de l’information liée au climat, de contenus multimédias et de campagnes de sensibilisation du public. En France, le dernier baromètre sur les représentations sociales du changement climatique réalisé annuellement par l’Ademe montre une hausse du climatoscepticisme. Celui-ci concerne aujourd’hui plus d’un tiers des Français. Dans certains pays, comme Les Etats Unis, l’Arabie Saoudite et l’Australie, c’est près de la moitié de la population qui partage cette (fausse) vision. Et l’arrivée de Donald Trump qui voit dans le changement climatique une « escroquerie » risque d’aggraver le phénomène.
Justice : une PME rennaise condamnée pour déforestation et commerce illégal de bois
La condamnation pour mise sur le marché illégale de bois importé de l’entreprise rennaise ISB France a été confirmée par la cour d’appel de Rennes. Pour Greenpeace France, Canopée et France Nature Environnement, cette décision « renforce la lutte contre la déforestation et le commerce illégal de bois ». En 2023, la condamnation en première instance et une autre visant l’entreprise Pierre Robert avaient marqué une avancée majeure dans l’application de la réglementation européenne sur le bois (RBUE), soulignent les ONG. « Ces infractions au règlement européen doivent être sanctionnées de façon systématique afin que les entreprises du secteur qui ne le respectent pas fassent évoluer leurs pratiques au plus vite », assure Pia Savart, juriste chez France Nature Environnement
Le ration énergie fossiles /ENR, outil de crédibilité pour les stratégies climatiques des banques
Le ratio de financement énergies fossiles / alternatives soutenables commence à faire des émules dans les banques. Reclaim finance salue la décision de JPMorganChase d’en publier un pour son exercice 2023. Selon l’ONG « le ratio de financement à l’énergie est un indicateur clé pour déterminer la crédibilité de la stratégie climatique d’une banque » et elle appelle toutes les banques à s’en saisir. Si la méthodologie est « imparfaite », elle évite des écueils d’autres banques, en incluant dans le ratio les activités de marchés de capitaux ainsi que toute la chaîne de valeur fossile, précise l’ONG sur LinkedIn. Pour décarboner la production d’électricité, il est nécessaire que d’ici 2030, pour 1 dollar alloué annuellement dans les énergies fossiles, 6 dollars soient alloués annuellement à l’approvisionnement en énergies soutenables (génération, stockage, transport et distribution de l’électricité).
Commerce équitable : les Français veulent plus d’infos sur la répartition des prix
La concurrence environnementale et sociale déloyale est l’obstacle n°1 à la généralisation d’une alimentation durable pour les Français selon le dernier baromètre Max Havelaar/Opinion Way. A l’heure des débats sur le Mercosur, ils demandent notamment la limitation des importations d’aliments dont les conditions de production ne sont pas conformes aux normes françaises et l’adoption de prix minimum sur les produits agricoles avec un revenu « digne » aux agriculteurs. Pour autant trois quart des Français déplorent un manque d’information sur la part du prix d’achat reversée aux producteurs et deux tiers sur l’impact environnemental ou sur le bien-être animal. Pour Blaise Desbordes, directeur général de Max Havelaar France, « la responsabilité du secteur agroalimentaire c’est la transparence des marges. celle du gouvernement, c’est de soutenir fiscalement les entreprises qui paient le prix juste aux paysans« .
Un risque de coût d’arrêt pour les financements climat locaux ?
Les investissements dédiés à la rénovation des bâtiments publics, l’aménagement des pistes cyclables ou l’amélioration de l’offre de transport en commun ont augmenté de 44 % entre 2017 et 2022 selon le Panorama des financements climat des collectivités locales publié par I4CE avec La Banque Postale. Ca c’est pour la bonne nouvelle. Problème : « le retard accumulé ces dernières décennies, et des objectifs de réduction de gaz à effet de serre rehaussés suite à l’Accord de Paris, c’est encore un doublement des investissement locaux pour le climat qui est attendu d’ici 2030 (+11 Md€ en moyenne annuelle 2024-2030) » explique le think tank dans sa dernière newsletter. Or « le risque est réel au contraire que le PLF 2025 entraîne un coup d’arrêt ». Au-delà du sacrifice du fonds vert ou fonds chaleur, c’est « le cocktail » de réduction des ressources locales et d’alourdissements de charges des collectivités locales qui inquiète I4CE.
Le G20 ouvre la voie à des types de financement innovants
La présidence brésilienne du groupe des 20 pays les plus riches de la planète s’est achevée sur une déclaration des Chefs d’Etats publiée le 18 novembre. Celle-ci appelle notamment à une « coopération » entre Etats pour que « les ultra riches » soient « effectivement taxés ». Alors que le traité mondial sur le plastique entre dans sa dernière ligne droite, elle souligne aussi l’importance d’arriver à un « engagement juridiquement contraignant » à Busan, incluant l’adoption de mesures destinées à mettre en place « des modes de production et de consommation durables ». Sans toutefois donner des chiffres de réduction de la production ou de la consommation des plastiques qui sont âprement discutés dans les négociations. Sur la question du climat, les chefs d’Etats sont restés prudents sachant que la COP était en cours. Cependant, le fait qu’ils n’aient pas repris l’engagement de la COP28 d’« opérer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques », n’a sans doute pas aidé à donner l’impulsion nécessaire pour faire grandir l’ambition à Bakou. Pour le président brésilien Lula, le bilan de la présidence du pays reste marquée par « la création du sommet social du G20, la feuille de route pour l’amélioration des banques multilatérales de développement, les débats sur l’Afrique et la dette extérieure, la création du groupe de travail sur l’autonomisation des femmes et l’inclusion de l’ODD 18, relatif à l’égalité ethnique et raciale ». La présidence est désormais aux mains de l’Afrique du Sud.
Illustration : BH via Canva