Chaque semaine, Youmatter rapporte l’actualité RSE en brèves. Cette semaine, entre autres : la bataille de lobbying autour de la CSRD continue et des entreprises se mobilisent pour la sauver; la stratégie climat de la France est mise en consultation; la France devient le premier pays européen à ratifier le traité de protection sur la haute mer.
Le fil de l’actu
📦Fini le règne d’Amazon sur les colis. C’est désormais Shein et Temu qui tiennent le haut du panier dans nos échanges postaux. En cinq ans, leurs colis sont passés de 5 % à 22 % des paquets acheminés en Europe par La Poste (52% du CA de l’entreprise), selon son PDG, Philippe Wahl auditionné par la commission économique du Sénat, le 30 octobre. De quoi relancer l’examen de la PPL sur la fast fashion au Sénat ? 🛢️Entre 2021 et 2023, les principales banques européennes ont accordé plus de 200 Mds $ à l’expansion pétro-gazière, avec en tête Barclays et HSBC, selon un rapport de Reclaim Finance. 72% de ces financements sont allés aux activités fossiles de ces entreprises, et non au développement d’alternatives comme les énergies renouvelables. « Des résultats qui vont à l’encontre du discours des banques qui affirment souvent qu’elles financent la transition en soutenant ces entreprises », estime l’ONG. 🏢 Le nombre d’entreprises en difficulté va atteindre un nouveau record en 2024. Alors que 66 000 d’entre elles ont fait faillite en 2023 selon le cabinet Altares, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) confirme la même tendance pour 2024. Le nombre d’entreprises en difficulté a bondi de 15,6 % au troisième trimestre. 🛜 Le numérique représente 10% de notre consommation d’électricité en France ! Et avec les progrès technologiques comme l’IA, son empreinte carbone pourrait tripler d’ici à 2050. Ce chiffre est incompatible avec nos objectifs de neutralité carbone, alertent L’Ademe, l’Arcom et l’Arcep dans une tribune publiée dans Les Echos. Ils y appellent à un pilotage européen des impacts environnementaux du numérique. 🥶Ce 12 novembre marque la quatrième édition de la Journée nationale contre la précarité énergétique. Une injustice sociale, sanitaire et environnementale qui touche désormais 12 millions de personnes en France. En 2023, plus d’1 million de ménages ont subi des coupures ou des réductions de puissance pour impayés de factures d’énergie.
CSRD : la bataille continue autour de la réforme de la CSRD
Après le Premier ministre, c’est le ministre de l’Economie, Antoine Armand, qui monte au créneau en demandant un peu de « bon sens européen ». « Sans remettre en cause l’objectif du reporting extra-financier, le nombre d’entreprises concernées et d’indicateurs obligatoires n’est pas raisonnable. Ce dossier comme la question de la simplification doivent être traités au niveau européen pour être efficaces ». Il y voit un « enjeu majeur pour la compétitivité européenne ». De son côté, l’Union européenne fait siennes les préconisations du rapport Draghi. Dans la Déclaration de Budapest, le Conseil européen acte que « Parmi les principaux objectifs que la Commission » figure la mise en œuvre « sans tarder » de « la formulation de propositions concrètes pour réduire d’au moins 25 % les obligations de déclaration au premier semestre de 2025, ainsi que l’intégration, dans ses propositions, d’analyses d’impact relatives aux lourdeurs administratives et à la compétitivité ». Et lors de son audition par les députés européens qui l’ont adoubé, le futur commissaire l’Économie et la Productivité, la Mise en œuvre et la Simplification a cité le reporting de durabilité comme l’un des des domaines prioritaires de la simplification.
Les entreprises engagées défendent la CSRD
De leur côté, les entreprises engagées et les ONG ne désarment pas. En France mais aussi dans plusieurs pays européens. Dans une lettre ouverte, facilitée par le WWF UE, qui donne le point de vue du secteur économique, 180 organisations dont Décathlon, Patagonia, Bel, H&M, Ikea ou Nestlé expliquent que le Green Deal a une « immense valeur pour le business en offrant un cadre unifié pour les 27 membres plutôt que 27 lois nationales ». Non seulement cela a permis d’avoir une « meilleure protection environnementale » mais cela permet aussi « de nouvelles opportunités, un avantage compétitif mondial, des business plus résilients et des règles du jeu équitables ». Les pertes économiques liées à l’inaction environnementale risquent de peser bien davantage non seulement sur le business mais sur la société dans son ensemble, rappellent-ils aussi. Les inondations meurtrières de Valence en sont une nouvelle preuve. De son côté la nouvelle présidente du WWF France et ex-directrice développement durable de L’Oréal affirme dans Les Echos qu’« entendre des dirigeants crier au scandale face à la CSRD relève de l’hypocrisie. Si nous en sommes là, c’est parce que la transformation écologique n’a pas eu lieu quand elle aurait dû se produire ».
Un nouveau label ESG appuyé sur la CSRD
En attendant, l’agence Lucie vient de lancer un nouveau label qui s’appuie sur les exigences de la CSRD : Lucie ESG. Celui-ci intègre la structure des ESRS (thématiques et enjeux) ainsi que des indicateurs clefs communs (60 à 70 environ) mais simplifiés avec les ESRS et centrés sur la performance. La demande d’un tel label, « centré sur la pertinence et la crédibilité du plan d’action » dans l’esprit de la directive européenne est là, selon de l’agence Lucie. « Beaucoup de nos clients nous interrogent depuis des mois sur le sujet et pas seulement des entreprises directement concernées par la CSRD, beaucoup de PME également » qui y voient un moyen de structurer leur démarche et de valoriser leur action, estime son directeur général, Philippe Vachet. Ce label sera attribué pour 4 ans, avec un audit tous les deux ans. Comme pour le label Lucie 26 000, il s’agit d’un label de progrès continu avec un plan d’action à respecter par l’entreprise pour conserver le label.
Une SPEC Afnor pour l’économie régénérative
Alors que le terme régénératif est utilisé à toutes les sauces, une nouvelle « spec afnor » (2315) entend clarifier ce qu’est l’économie régénérative et comment les entreprises peuvent y contribuer. Une première au niveau mondial qui pourrait donner à la France une « longueur d’avance » sur le sujet selon Isabelle Delannoy, ingénieure agronome, présidente et cofondatrice de L’Entreprise symbiotique qui en est à l’origine. Cette SPEC (qui se différencie d’une norme par le fait de ne pas avoir été ouverte à une consultation externe) a été élaborée par une vingtaine de partenaires collectivités locales, des universités ou des entreprises comme Axa Climate et le groupe Pierre & Vacances Center Parcs. Objectif du document : « partager et diffuser pour que s’ancre une définition commune de l’économie régénérative ». Un premier jalon avant une norme ISO, dans quelques années, espèrent les auteurs de la SPEC.
Stratégie climat : la SNBC et la PPE enfin dévoilées
(Attention, avalanche de sigles en vue !) Après le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC3), voici venu le temps de publier (enfin!) le reste des documents de la Stratégie française pour l’économie et le climat (la SFEC): la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la Programmation pluriannuelle sur l’énergie (PPE).
Ces 3 stratégies doivent permettre de donner le cap et les moyens au pays de respecter l’Accord de Paris. Tous les secteurs (transports, agriculture, bâtiments, industrie, énergie, déchets) doivent y trouver une adéquation entre leurs besoins et les ressources disponibles (énergie, capacité industrielle des filières, compétences…) pour 2030 et 2050. Ces stratégies prennent aussi en compte les variabilités de l’évolution du climat futur pour faire en sorte d’assurer la résilience du pays. Elles sont mises en concertation pour 6 semaines. A noter que ces documents contribuent aussi à la PNEC (les plans nationaux pour l’énergie et le climat) qui doivent être remis à la Commission européenne dans le cadre des objectifs climatiques de l’UE. La France a rendu le sien…avant donc que la SNBC, PPE et PNACC soient soumis à consultation…
La SNBC : une ambition forte mais avec quels moyens ?
La stratégie nationale bas carbone est la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Celle-ci confirme l’objectif de réduire de 50% nos émissions brutes de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, soit la part française dans l’effort européen (-55%). Pour y arriver, cela veut dire qu’il faudra réduire en moyenne nos émissions annuelles de 5% sur les prochaines années contre 2% entre 2017 et 2022. En 2023, nos émissions avaient baissé de 5,8% par rapport à 2022, la France est en ligne avec son nouvel objectif climatique et les premières estimations du Citepa montrent que cette baisse se poursuit (- 4,8% sur les 12 derniers mois). Mais cette trajectoire correspond cependant aux seules émissions brutes, elle ne comprend donc pas l’absorption de carbone par les forêts et sols. Or nos puits de carbone sont en très mauvais état. La France table désormais sur seulement 9 millions de tonnes séquestrées par ce biais sur 2024-2028 contre 42 millions dans la stratégie précédente.
Une PPE qui mise sur le nucléaire
Déclinaison énergétique de la SNBC, la Programmation pluriannuelle sur l’énergie décrit pour les priorités d’actions en la matière pour les 10 années à venir avec des objectifs concrets : baisse des consommations, développement des énergies renouvelables et du nucléaire... »À l’horizon 2050, aucune énergie ne devra provenir des énergies fossiles », précise-t-elle. Pour faire la bascule entre une consommation énergétique à 60 % carbonée en 2022 à au moins 60% de décarbonée en 2030, le nouveau mix sera donc composé d’énergies renouvelables mais aussi de nucléaire avec la construction de nouvelles infrastructures. 6 EPR de deuxième génération sont ainsi attendus mais aussi un fort développement de l’électricité photovoltaïque (54 à 60 GW en 2030) et de l’éolien en mer (une cinquantaine de parcs pour 18 GW de capacités installées en 2035 et 45 GW en 2050). Pour décarboner les transports qui sont le premier poste d’émission en France (32%), la France table sur des ventes de voitures composées au deux tiers de voitures électriques en 2030. Question sobriété, le Plan prévoit la rénovation de 400 000 maisons et 200 000 logements collectifs par an d’ici 2030.
La stratégie climat de la France attaquée en justice
Une coalition d’ONG européennes (dont Notre Affaire à tous pour la France), demande à la Commission européenne d’engager des poursuites judiciaires contre la France, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie et la Suède en raison de l’illégalité de leurs plans nationaux pour l’énergie et le climat (PNEC). En effet, seuls 14 pays ont soumis leur PNEC, 4 mois après la date limite du 30 juin 2024 et ces plans « tardifs et inadéquats compromettent à la fois les objectifs climatiques de l’UE et la transition juste et équitable promise aux citoyens », estiment les associations. Pour la France, la SNBC présentée le 4 novembre est loin d’être suffisante. « Si la France s’engage à diminuer ses émissions brutes plus fortement d’ici à 2030, passant de -40 à -50% par rapport à 1990, elle acte un renoncement inquiétant et illégal au regard des obligations européennes en termes d’émissions nettes, c’est à dire après absorption par les puits de carbone« , précise Notre Affaire à tous. La Commission a 12 mois pour répondre à ces plaintes.
41 grandes entreprises attaquées par l’association Actionnaires pour le climat
Société générale, Kering, Téléperformance, Schneider Electric, Accord et une trentaine d’autres entreprises ont été mises en demeure par l’Association Actionnaires pour le climat (un groupe de professionnels du droit, de la comptabilité et de la finance) pour ne pas avoir publié un Beges (bilan carbone), une obligation pourtant légale pour ces entreprises, ou non conformité. En effet « Plus qu’un simple reporting, le BEGES est surtout pour la communauté financière, les agences de notation et d’évaluation de l’investissement socialement responsable, les ONG et les clients consommateurs, une source d’information essentielle« . C’est aussi un moyen « d’analyser le réalisme des plans de transition des entreprises », d’autant que « les études montrent que les entreprises faisant preuve de transparence dans la publication de leurs émissions de GES ont une meilleure trajectoire de transition », soulignent les auteurs. Les 41 entreprises visées par la saisie de la Haute Autorité de l’Audit (pour avis sur défaut de cohérence de la DPEF) ont trois mois pour se mettre en conformité sans quoi l’association saisira les préfets en vue de faire appliquer des sanctions. Selon l’article L 225-29 du code de l’environnement, toutes les entreprises de plus de 500 salariés doivent publier leur bilan carbone régulièrement et sur l’ensemble des scopes depuis 2023. Mais cette obligation est très peu respectée. Mais cette obligation est très peu respectée. Seules 52 sociétés du SBF120 sont compliant selon l’association: 32 n’ont rien publié depuis quatre ans et 9 sont non conformes (ex : scope 2 non déclaré).
Protection des océans : la France premier pays à ratifier le traité sur la haute mer
La France devient le premier pays européen à ratifier le traité sur la protection de la haute mer. Après son adoption le 29 mai par les députés, le projet de loi autorisant la ratification de l’accord dit « BBNJ » (Biological diversity of areas Beyond National Jurisdiction) a été adopté à l’unanimité par le Sénat. La France est le 15ème pays à l’avoir fait. Mais il faut soixante ratifications pour que ce traité majeur pour la protection des océans puisse entrer en vigueur, ce que la France ambitionne de réunir à l’occasion de la conférence des Nations Unies prévue en juin 2025 à Nice. Cependant, à ce stade, si 105 pays l’ont signé seule une cinquantaine de pays ont commencé des travaux de ratification. Rappelons qu’il a fallu 20 ans pour élaborer ce texte adopté en juin 2023 par les Nations Unies.
Événement : la transformation écologique des territoires au programme
C’est une première. Un salon de la biodiversité et du génie écologique se tient cette année lors du salon des maires et des collectivités locales, en marge du Congrès des maires. Ça se passe à Versailles du 19 au 21 novembre et Youmatter est partenaire. Organisé en partenariat avec L’AMF, Les Eco Maires et l’Union Professionnelle du Génie écologique (UPGE), il a pour ambition de « généraliser la prise en compte de la biodiversité pour développer des territoires et des modèles de société adaptés et durables », notamment en mettant en avant les solutions pour la nature. Pour la directrice du Salon, Stéphanie Gay-Torrente, il était devenu « impératif de créer un événement dédié qui puisse rassembler les décideurs des territoires, les acteurs privés et les associations pour une action commune efficace ». Autre événement à suivre le 19 novembre sur les territoires, celui de la Chaire ICP-ESSEC Entreprises et Bien Commun : Entreprises et territoires : coopérer pour le bien commun. Au programme : des tables rondes et la présentation d’une étude IFOP sur « Le regard des Français sur les entreprises et leurs territoires ». Un événement gratuit mais sur inscription qui se tiendra à l’Institut Catholique de Paris.
Illustration : Canva
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