Nous assistons en France au développement d’une nouvelle filière énergétique, pour exploiter les énergies de l’océan. Energie des vagues, énergie des courants ou éoliennes, toutes s’appuient sur des innovations de rupture, poussant les ingénieurs à réfléchir à de nouveaux concepts pour pallier les difficultés inhérentes au milieu océanique. C’est particulièrement le cas pour une technologie dont nous ne vous avions pas parlé dans notre dossier sur les énergies marines en raison de sa jeunesse : l’éolien flottant. C’est l’occasion de découvrir celle qui se veut la « Reine des Mers » d’ici 2050.
L’éolien flottant : une technologie née pour pallier les défauts d’une autre
Le principe est extrêmement simple : plutôt que de créer des fondations en dur au fond de la mer, comme dans le cas de l’offshore posé, l’éolienne est juchée sur un flotteur. Simple dans sa conception cette technologie reste néanmoins un véritable défi à réaliser ! Tout est à inventer : le flotteur, l’éolienne, l’ancrage, le navire remorqueur… C’est une technologie de rupture, permettant d’ouvrir un nouveau marché qui pourrait bien dépasser les autres énergies marines d’ici 2050.
Cette technologie est née pour pallier les défauts de sa cousine, l’éolien offshore posé. Celle-ci ne peut être utilisée que sur des fonds de 30 à 50 mètres maximum, qui ne se retrouvent pas sur les littoraux de tous les pays. En faisant flotter l’éolienne vous vous affranchissez de cette limite, ce qui amène le potentiel éolien exploitable théorique à 50 GW contre 15 GW pour l’éolien posé, rien que pour la France.
Si l’éolien offshore posé est très proche de sa version terrestre, ce n’est bien sûr pas le cas de l’éolien flottant. Les paramètres à prendre en compte pour une exploitation sont bien plus nombreux : le flotteur oscille sous la force des vagues, ce qui peut jouer sur l’usure des pièces et la production d’énergie. Sa mise en place se fait d’une seule pièce, ce qui exige des technologies de transport maritime proches de l’extraction pétrolière, avec des navires conçus spécialement pour le déplacement de ces engins de plusieurs centaines de tonnes.
Ces spécificités peuvent faire penser à un coût de déploiement supérieur à celui de l’éolien posé, mais ce n’est pas le cas. Le fait de monter l’éolienne à terre puis de l’emporter entière sur son site d’exploitation permet de faire des économies comparé à un montage en mer. De même la solution d’un ancrage au fond est bien moins impactant pour l’environnement que la construction d’une fondation métallique ou en béton comme dans le cas de l’éolien posé.
Au niveau purement économique de l’exploitation, les avantages de l’éolien flottant sont importants : les éoliennes sont placées plus au large, ce qui leur permet de profiter de vents plus constants. La construction de grandes unités, sans impact visuel permet une plus grande production d’énergie. Enfin le recyclage en fin de vie est possible, contrairement à l’éolien posé.
Le but ultime est de réduire le prix du MW : il est estimé à 170 euros pour l’éolien offshore posé tandis que certains projets d’éolien flottant prévoient un coût de 110 à 130 euros.
Éolien flottant : les entreprises françaises entrent dans la course
Si la France s’avère avoir un retard consternant dans l’éolien offshore posé, elle a l’occasion de ne pas répéter les mêmes erreurs pour l’éolien flottant. En effet cette technologie est peu déployée dans le monde, malgré des recherches et des démonstrateurs développés en Europe du Nord. Une filière française se met en place dans le sillage des initiatives gouvernementales : le Ministère de l’Environnement a ainsi lancé en Juillet 2015 un appel d’offre pour des projets sur 4 zones maritimes. Les candidats retenus doivent proposer une ferme pilote de 5 MW pour l’un des sites : Groix en Bretagne, le phare de Faraman (Provence-Alpes-Côte d’Azur), les étangs de Leucate et la commune de Gruissan (Languedoc-Roussillon). Les démonstrateurs doivent être exploités sur 2 ans minimum, avec une possible reconduction pour 15 à 20 ans en cas de succès.
Pour y répondre les industriels ont proposé 3 projets différents aussi bien dans leurs spécifications techniques que dans leur design.
La société Ideol semble la plus avancée avec son projet FLOATGEN : elle sera en effet la première à mettre un prototype à l’eau, sur le site de test du SEM-REV au large du Croisic en septembre 2016. Ce site de test est unique en France et permet de tester les technologies d’énergies marines sous toutes leurs formes, en profitant d’une infrastructure complète pour le raccordement au réseau et le suivi des essais en mer.
Ideol développe une solution de caisson flotteur en béton armé ou en acier, de forme carrée, promettant à la fois des économies de coûts pour sa construction et une stabilité importante une fois en mer de par sa forme. La turbine fournira, une fois raccordée au réseau en 2017, une puissance de 2MW : gros avantage, le flotteur est compatible avec toutes les éoliennes du marché.
Avec son projet Twinfloat la société Nenuphar fait le pari d’un modèle technologique entièrement nouveau : il s’agit de deux éoliennes verticales, contrarotatives. Le projet prend la forme de deux éoliennes tournant verticalement afin d’exploiter au mieux l’effet corridor (accélération du vent) situé entre les deux éoliennes, dont les pales, verticales, tournent en sens inverse. Les avantages de cette forme « exotique » sont nombreux : une meilleure stabilisation permettant un meilleur rendement, une efficacité supérieure aux autres projets par une meilleure exploitation du corridor de vent et enfin un impact visuel moindre, tout en permettant de rapprocher les éoliennes pour limiter l’espace maritime utilisé par le parc.
Un démonstrateur de 2 MW est prévu pour 2017 en Méditerranée. A terme TwinFloat permettra de développer une puissance de 5 MW au minimum.
Enfin DCNS est présent sur le secteur avec son éolienne flottante SEA REED, dont il est prévu un parc à l’horizon 2019 dans la zone au Sud de l’île de Groix, dans le Morbihan. Ici aussi la solution se base sur un nouveau type de flotteur, tandis que l’éolienne est un modèle déjà commercialisé par Alstom, l’Haliade 150. Comme sur les autres projets l’on recherche l’économie de coût pour rendre au plus vite cette énergie compétitive, ce qui explique la réutilisation d’une éolienne ayant fait ses preuves sur terre. De même l’utilisation d’une éolienne éprouvée de haute puissance (6MW) permettra de réduire les coûts.
Le flotteur est du type semi submergé, développé par l’architecte naval DCNS et sera assemblé sur le port de Brest, qui voit se créer un pôle d’assemblage dédié aux énergies marines renouvelables.
L’éolien flottant a de grandes ambitions en France : le développement d’une filière française et l’accroissement du potentiel des énergies marines renouvelables permettront de ne pas prendre de retard dans la course aux énergies de la mer comme ça a été le cas avec l’éolien posé. Il est même prévu que cette technologie dépasse sa cousine à l’horizon 2050, participant à la baisse des coûts pour obtenir une énergie marine propre et concurrentielle. Mais pour cela il faudra descendre au moins en dessous du prix du MW éolien terrestre, actuellement de 82 euros contre 170 pour l’éolien offshore posé: un long et passionnant développement s’annonce.
Voir aussi :
Crédits images : le Figaro, DCNS, IDEOL