Hyperloop, l’avenir des transports à grande vitesse ? L’idée folle d’Elon Musk (PDG de Tesla Motors) verra bientôt le jour, avec un début de construction d’un premier projet en Californie courant 2016.
Alliant économies d’énergie et d’investissement, rapidité et fonctionnalité, Hyperloop veut redéfinir la notion même de transport. Ses capsules, lancées à 1200kms/heure en ligne droite grâce aux énergies renouvelables, pour un Paris-Marseille théorique d’environ 40 minutes, pourraient faire voyager gratuitement ses passagers.
Nous avons rencontré au dernier World Forum de Lille Dirk Ahlborn, actuel PDG d’Hyperloop Transportation Technologies (HTT), et lui avons posé 10 questions.
Comment êtes-vous devenu PDG d’Hyperloop (HTT) ?
Dirk Ahlborn : Quand je suis arrivé aux Etats-Unis, j’ai débuté dans un incubateur à but non lucratif fondé par la NASA, le Girvan Institute of Technology. A cette époque, l’incubateur faisait face à un défi majeur, celui de bien fonctionner tout en restant à but non lucratif. De là est née une nouvelle idée dont je suis le fondateur et le PDG, celle de JumpStartFund, un incubateur fonctionnant grâce à des communautés larges d’experts impliqués sur des projets innovants, pour les transformer en entreprises à succès.
Quand Elon Musk, le PDG de Tesla, a présenté son idée d’Hyperloop, nous étions nous même en version Bêta. Son principal problème résidait dans le fait qu’il avait l’idée mais pas suffisamment de temps pour le développer. Nous avons proposé le projet d’Hyperloop à la communauté JumpStartFund qui s’est de suite enthousiasmée. Au départ, les personnes ne devaient que voter pour dire si oui ou non ils voulaient que le projet se réalise, mais en réalité la majorité nous a très rapidement demandé si ils pouvaient s’investir personnellement.
Nous avons rapidement créé Hyperloop en tant qu’entreprise, et avons proposé à la communauté de postuler pour rejoindre l’équipe. Les conditions étaient simples : pouvoir travailler un minimum de 10 heures par semaine, le tout sans salaire mais en échange de stock-options. Nous avons reçu 200 candidatures, en avons sélectionné 100, et avons commencé à travailler sur l’étude de faisabilité.
Aujourd’hui, plus de 450 personnes travaillent sur le projet, et quelques unes des plus grandes entreprises mondiales travaillent aussi en échange de stock-options, telles que AECOM ou encore Oerlikon.
Hyperloop était incubé par JumpStartFund dont j’étais le PDG, avec la vitesse de développement du projet j’ai été en quelque sorte nommé d’office en tant que PDG d’Hyperloop.
Quelle est votre vision de l’usage d’Hyperloop dans les années à venir ? Cela va-t-il concurrencer le métro, les trains à grande vitesse… les voitures ?
Un Paris-Marseille pourrait se faire en environ 40 minutes
Dirk Ahlborn : Nous voyons Hyperloop comme une évolution. Certains l’appellent le 5ème mode de transport. Ce qui est certain, c’est que nous allons prendre des parts de marché sur les transports existants.
Si on prend le cas de deux villes éloignées, les lignes d’aviation locales ne seront plus pertinentes car nous irons plus vite et nous serons moins chers. Au delà de distances supérieures à 100kms, Hyperloop peut aller à pleine puissance. Avec 1G d’acceleration et en ligne droite, un Paris-Marseille pourrait se faire en environ 40 minutes. En pratique, cela dépendra des virages, qui nécessiteront une décélération.
Pour le cas des transports en commun du type métros ou trains de courtes distances, les avantages pour de nouvelles installations seront moins relatifs à la vitesse qu’aux économies possibles grâce à Hyperloop. Le tube d’Hyperloop est constitué de panneaux solaires qui le rendent autonome en énergie. De plus, le tube est présent à l’extérieur et ne nécessite pas de rails, ce qui permet des économies radicales pour les collectivités.
En prenant le cas d’installations existantes sous-terraines, l’avantage pour les collectivités, qui subventionnent toutes les transports en commun, se situe plus au niveau des économies d’énergies que permet Hyperloop par rapport à des métros classiques.
Quel est votre modèle économique sur Hyperloop ?
Mon objectif est de rendre Hyperloop gratuit
Dirk Ahlborn : En redéfinissant complètement les modèles de coûts des moyens de transports actuels, nous trouvons de nouvelles solutions aux problèmes que rencontrent actuellement les collectivités et pouvoirs publics.
Mon objectif est de rendre Hyperloop gratuit pour les usagers. Les coûts opérationnels seront très bas, et je pense qu’il y a d’autres manières de monétiser que de vendre des tickets. Par exemple, une idée de business model est de réguler les prix en fonction de la demande. Si tout le monde veut prendre une capsule à 9 heures, peut-être qu’à ce moment là les usagers devront payer plus cher que deux heures plus tard où les capsules seront plus vides.
Où se situe vraiment le modèle économique ? Si on prend le cas de Ryanair, le business model n’est pas sur le transport, mais plus en tant qu’agence de voyage (vente de produits pendant le vol, d’hotels et location de voitures…). Le fret est aussi un modèle à développer pendant les périodes de creux, en tant que moyen de transport économe en énergie et ultra-rapide.
Les Big Data peuvent aussi être une piste de revenus… toutes les solutions sont à explorer.
Grâce aux panneaux photovoltaïques et au concept même d’Hyperloop, le projet semble être une référence en matière de consommations énergétiques et d’environnement. Pouvez-vous nous donner plus de détails ?
En théorie, Hyperloop pourra être plus de 4 fois moins gourmand en énergie que les TGV dernières générations
Dirk Ahlborn : Côté consommation en énergie, les calculs actuels montrent qu’à pleine vitesse, dans des capsules en business class qui comprendront 28 personnes, nous serons autour de 15 Wh (Watt-heure) par kilomètre par passager. En classe économie, cela pourrait représenter approximativement la moitié de cela. (ndlr : pour comparaison, les dernières générations de TGV affichent des consommations estimées à 61 Wh par kilomètre par passager, soit plus de 4 fois plus qu’Hyperloop si on prend le cas de la business class).
D’autre part, 61% de l’énergie produite en phase de freinage est restituée grâce au principe de régénération.
Enfin, en terme d’émissions de CO2 directes, Hyperloop est à énergie positive ; les panneaux photovoltaïques produisent plus d’énergie qu’Hyperloop ne consomme d’énergie.
Comment parvenez-vous à développer le projet avec des équipes aux quatre coins du monde ?
Dirk Ahlborn : En terme de gestion de projet, nous avons développé une technique propre à Hyperloop qui se rapproche de méthodes agiles telles que Scrum. Nous avons des personnes en Chine, en Inde, en Europe, en Afrique, mais la plupart vient cependant des Etats-Unis.
Quant à la motivation, si l’argent peut en être une, l’équipe est surtout enthousiasmée par le projet, les technologies et ce qu’ils peuvent réaliser au travers d’Hyperloop.
Quels sont les plus grands défis auxquels vous devez faire face au quotidien ?
Dirk Ahlborn : Quel que soit le projet, le risque nul ou non identifié n’existe pas, c’est la manière dont les choses fonctionnent. Cependant, les défis à venir que nous devrons affronter sont tous gérés par notre équipe. Sur le volet technique, nous cherchons à réaliser des améliorations pour qu’Hyperloop soit moins cher à l’avenir.
Pour l’instant, sur le site pilote de la Quay Valley qui fera 8 kms, dans le conté de Kings entre Los Angeles et San Francisco, les dessins sont en train d’être réalisés, pour débuter les constructions pendant le second trimestre 2016. L’objectif est de pouvoir transporter 10 millions d’usagers par an.
Quel a été pour vous le plus gros échec depuis le début du projet ?
Dirk Ahlborn : Nous n’avons pas connu de réel échec depuis le début du projet. Cependant, nous avons mis beaucoup de temps à travailler tous ensemble. Par exemple, au départ, quand nous rencontrions un problème, nous mettions énormément d’ingénieurs pour réfléchir ensemble sur le problème, en pensant que plus il y aurait de personnes, plus le problème serait géré rapidement.
Ca n’a pas fonctionné. Notre expérience nous a montré qu’une équipe devait être composée de 4 à 7 personnes.
Comment expliquez-vous que de grands industriels des transports n’ont pas pensé ou développé Hyperloop avant vous ?
Dirk Ahlborn : Jusque là elles n’avaient pas besoin de développer ce type d’innovation pour garder leurs marchés et faire face à la concurrence.
Après, certains ont essayé dans le passé. Le défi n’est pas technologique, mais dans le fait de trouver les meilleures solutions. Sur la base de ce concept partagé, nous travaillons vraiment avec les meilleurs au monde. Nous avons 20 000 personnes dans notre communauté qui partagent leurs idées et opinions pour réellement construire un meilleur système de transports. C’est un mouvement qui entraine le monde entier.
Enfin, qu’attendez-vous d’un pays comme la France ?
Dirk Ahlborn : Nous avons d’ores et déjà de nombreux partenaires stratégiques en France.
La France est déjà à la pointe des transports avec le TGV, le Concorde… ce sont tous des projets français. Le concept de grande vitesse et de moyens de transports innovants est déjà compris ici, c’est une chance.
Avec Hyperloop, nous essayons de trouver une solution aux problèmes liés au transport. La manière dont nous le faisons est au travers d’un mode de transport qui ne soit pas un coût pour la société, mais qui génère des revenus pour les pouvoirs publics. Quand pour la première fois un moyen de transport public ne fonctionne plus sur des subventions mais peut trouver un réel business model, alors vous pouvez le développer partout, plus rapidement. A partir du moment où les transports sont une source de revenus pour les pouvoirs publics, alors l’état général d’entretien sera largement supérieur.